Le droit administratif est-il un droit de privilège ?
Par Raze • 11 Décembre 2017 • 3 121 Mots (13 Pages) • 929 Vues
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De surcroit, si la décision exécutoire est remise en cause par un justiciable supportant la charge de la preuve de « l’illégalité » de l’acte, il demeure que l’acte unilatéral bénéficie du caractère non suspensif ce qui procure à l’administration le droit de poursuivre l’exécution de ses décisions. La dérogation à ce principe est le sursis ordonné par le juge bien qu’il ne soit pas souvent accordé et même s’il y a moyen sérieux et préjudicie difficilement réparable comme le montre l’arrêt du 13 février 1976 en Conseil d’Etat Par ailleurs, l’unilatéralité apparaît d’autant plus comme un privilège lorsque l’acte est créateur de droit, c’est à dire qui institue un avantage pour son destinataire ou pour un tiers (CE, 6 juillet 1990, Ministre du Travail / Mattéi ). Il pèse également sur les procédures administratives, le principe du secret qui affirme encore plus l’inégalité entre l’administration et l’administré puisque ce dernier n’a pas de droit de regard sur les motifs des décisions ni sur les informations administratives, il doit croire aveuglement en la neutralité de l’administration. Or quand il s’agit de l’expropriation ou de la réquisition de biens et de personnes, l’administré peut avoir tendance à s’opposer à l’administration. Ainsi, cette dernière est dotée de la « force matérielle » qui, légitimée par le droit, apparaît comme un privilège juridique. Ce pouvoir permet ainsi à l’administration de recourir à la force, d’où la police, pour l’exécution de ses décisions. A titre d’illustration, elle peut avoir recours à des poursuites pénales ou à des sanctions administratives. Et même si l’arrêt société immobilière Saint-Just de 1902 a fixé les strictes conditions de l’exécution forcée, cette dernière demeure néanmoins un témoin de la particularité des prérogatives dont dispose l’administration.
La structure unilatérale du droit administratif tend à le distinguer en tant que privilège puisqu’il permet à l’administration de dicter sa loi au milieu social de façon normative, légale et légitime.
- L’unilatéralité des modes d’action administratifs : une persistance du privilège
Le développement de l’interventionnisme ou encore l’apparition d’un service public industriel et commercial a entrainé une modification dans les procédés d’action administratifs et dans l’approche du rapport administratif. L’administration paraîtrait entretenir une relation avec les administrés davantage basée sur les accords de volontés. Toutefois, le droit administratif en tant que droit de privilège persiste à entacher les modes d’action administratifs de l’unilatéralité. En effet, si l’administration est dans la nécessité de passer avec des entrepreneurs privés des contrats pour remplir les missions qui lui sont confiés, il semble qu’elle doit respecter le caractère bilatéral du contrat et donc composer avec l’existence d’autres volontés. Néanmoins, le contrat administratif reste marqué par le modèle inégalitaire des relations administratives dans la mesure où il « présuppose l’unilatéralité » (J.Chevalier). Tout d’abord, le commissaire du gouvernement Rivet rappelait en 1921 dans l’affaire Savonneries Henri Olive que les dispositions du Code civil ne sont pas applicables aux contrats administratifs, ce n’est que par voie d’exception que le juge administratif peut, s’il l’estime nécessaire, décider d’incorporer une disposition particulière. Puis, si l’administration délègue par contrat un service public, il figurera dans celui-ci des clauses réglementaires (cahier des charges). L’unilatéralité est d’autant plus présente dans le régime du contrat administratif puisque l’administration peut modifier les conditions d’exécutions du contrat ou y mettre fin par sa seule volonté (CE 2 février 1993, Union des transports urbains et régionaux). En conclusion, si le contrat est marqué par un accord de volontés en droit privé, il perdure une unilatéralité en droit administratif.
En revanche, le développement des activités de prestation semble remettre davantage en cause le principe de l’unilatéralité. L’administration prétend mettre en place des prestations par l’intermédiaire des services publics qui permettent à l’administré d’en tirer certains avantages et donc d’en être un bénéficiaire (comme c’est le cas pour les services proposés par la poste, la sncf etc.). Duguit parlait de « loi du service » pour montrer que désormais c’est l’administré qui a des attentes envers l’administration, et non plus l’inverse. Cela suppose a priori un rééquilibrage de la relation administrative. Cependant, si l’administration met à des dispositions des services, elle le fait de manière unilatérale. M. Hauriou déclarait justement que dans l’organisation des services chargés de fournir les prestations « il apparaît toujours quelque contrainte qui révèle le droit de domination ». Par conséquent, l’administré est en quelque sorte obligé de consommer les services mis à sa disposition. A titre d’exemple, le transport ferroviaire est monopolisé par la SNCF (établissement public), ce qui impose aux administrés de l’utiliser dans le mesure où il n’y pas de concurrents sur ce marché. De la même manière, l’administration pourrait de plus en plus avoir recours à des mécanismes de « recommandations », qui visent à ne plus contraindre mais convaincre. C’est ce que P. Amselek appelle « direction juridique non autoritaire des conduites. Elle contournerait ainsi l’unilatéralité pour légitimer elle-même son action. L’adhésion par recommandation fonctionnerait davantage dans la mesure où les administrés accepteraient inconsciemment de se soumettre.
Le droit administratif, permettant à l’Etat d’exercer le monopole de la contrainte légitime, demeure fondamentalement structuré sur l’unilatéralité nonobstant la diversification des modes d’action administratifs. Ce droit apparaît donc privilégier l’administration plutôt que l’administré.
- Le reflux du privilège du droit administratif : dispositif de protection des administrés
Si il est impossible de mettre fin au privilège de l’unilatéralité dans la mesure où il est au cœur de la structure du droit administratif, l’atténuation de ce privilège semble possible afin d’assurer un rééquilibrage de la relation administrative (A). Ce privilège va même être remis en cause par des corpus juridiques qui stipulent que ce dernier ne peut être utilisé que si il est nécessaire à l’accomplissement des misions de service public
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