En quoi le droit applicable aux relations entre les agents publics et leurs employeurs publics est-il significatif de la façon dont il faut comprendre l’autonomie du droit administratif ?
Par Junecooper • 6 Novembre 2018 • 2 337 Mots (10 Pages) • 910 Vues
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A l’inverse, le juge administratif intervient aussi pour protéger les droits fondamentaux des administrés contre les abus de la personne spéciale qu’est l’administration. En ce sens, il se doit de créer des recours et des formes de contestations spécifiques et propres au droit administratif, et de sanctionner l’administration quand elle n’agit pas au nom de l’intérêt général. Ainsi, un arrêt du Conseil d’État du 12 mars 2014, Etablissement public départemental CAT Foyer Louis Philibert a permis la réintégration d’une secrétaire médicale dans l’établissement public hospitalier duquel elle avait été licenciée pour faute. Dès lors, cet arrêt a créé un principe de proportionnalité de la sanction par rapport à la faute commise, principe propre au droit administratif. De plus, il semble important de notifier à ce titre l’existence des Principes Généraux du Droit ; ceux-ci, se situant entre actes réglementaires et lois dans la hiérarchie des normes, sont dégagés par le juge et renforcent ainsi son rôle créateur de droit, et de fait son autonomie. Ainsi, le Conseil d’État a, dans un arrêt du 1er juillet 1988, Billard et Volle, reconnu l’interdiction pour l’employeur d’infliger des sanctions pécuniaires à ses employés comme un Principe général du droit.
En plus de ce rôle créateur de normes propres au droit administratif, le juge administratif s’inspire également de normes existantes dans le droit privé qu’il transpose et adapte au droit administratif.
B. Le rôle transformateur du juge
L’office du juge permet de comprendre l’autonomie du droit administratif même s’il peut arriver que l’action administrative, sans être formellement régie par des règles de droit privé, soit pour autant régie par des règles identiques. En effet, le droit administratif résulte d’une œuvre jurisprudentielle où le rôle du juge est particulièrement important. Dès lors le juge administratif peut reprendre un certain nombre de principe à partir d’un ensemble de texte ou d’une tendance sociale dominante. Ainsi, le juge administratif transforme certains principes déjà consacrés : il importe des règles ou des principes de droit privé afin de combler les lacunes du droit administratif dans certains domaines. Effectivement, le droit privé n’est pas directement applicable en matière de droit administratif. L’arrêt du Conseil D’Etat du 8 juin 1973, Dame Peynet, illustre parfaitement notre propos dans la mesure où il nous permet de montrer de quelle façon le juge administratif intervient au sein des relations employeurs et agents publics. Dès lors, la question posée au Conseil D’Etat était de savoir si en absence de garantie du maintien des femmes enceintes dans leurs emploi et ce dans les dispositions applicables à la puissance publique, l’administration pouvait -elle licencier la requérante enceinte ? Il s’avère que le Code du travail ne prévoyait pas l’application de ses dispositions aux fonctionnaires. Cependant, le juge dégage un principe à savoir celui de l’interdiction du licenciement d’une femme agent public enceinte en s’inspirant du Code du travail. En effet, ce principe est consacré par le Code du travail et c’est de ce principe que s’inspire le juge administratif. Ici, le juge administratif s’est contenté de s’inspirer d’un principe ultérieurement dégagé mais sans l’appliquer directement : le juge n’applique pas la règle en tant que tel mais la transforme en y apportant des nuances et des divergences d’application. En effet, pour lui on ne peut pas licencier une femme enceinte car on tient compte de la nécessité du service public.
Malgré cette vision de l’autonomie qui apparaît comme consacrée grâce au juge administratif, il semble nécessaire de la nuancer dans la mesure où cette autonomie apparaît relative face aux règles de droit commun.
II/ Une autonomie relative face aux règles de droit commun
La vision que l’on a de l’autonomie du droit administratif est en réalité contrastée. En effet, on assiste à une « privatisation » des règles administratives par le législateur (A), d’autant plus que l’émergence des normes communautaires est indifférente au type de droit applicable (B).
A. La privatisation des règles administratives par le législateur
On retrouve des règles de droit privé directement dans le droit administratif. En effet, il arrive que l’action administrative soit régie par des règles de droit privé. Ce faisant en 2015, le Code du travail est modifié de sorte que se trouvent interdits tout agissement sexiste ce que l’on retrouve à l’article L1142-2-1 du Code du travail. Cependant il n’y avait aucun équivalent en matière publique. Dès lors, en août 2016 le législateur intervient pour introduire dans le statut des fonctionnaires la même interdiction formulée de la même façon. L’article 6 bis de la loi de 1983 énonce de ce fait qu’« aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste , défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne , ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant , hostile , dégradant , humiliant ou offensant ». Ainsi ,les règles de droit privé permettent parfois de structurer les relations entre agents publics et employeurs publics. Par conséquent, il s’avère que l’activité administrative se trouve directement régie par des règles de droit privé. En effet, l’article L5212-2 dispose que « Tout employeur emploie dans la proportion de 6%de l’effectif total de ses salariés, à temps plein ou temps partiel, des travailleurs handicapés… ».
Par cette disposition le Code de travail englobe les employeurs publics et privés de telle sorte qu’ils sont parfois régis par une même règle de droit privé. Par conséquent, le droit administratif aura une autonomie relative car il ne pourra pas nuancer la règle, il devra l’appliquer telle quelle. Ce faisant le droit administratif, malgré qu’il introduise des règles originales , se doit d’appliquer parfois des règles similaires au droit privé. Ainsi l’autonomie du droit administratif ne renvoie nullement à une originalité singulière: cela nous pousse à dire que les relations entre agents et employeurs publics illustrent que le droit administratif n’a qu’une autonomie relative face aux règles de droit commun.
Ajouté à ces règles de droit privée prenant en compte les acteurs du service public, l’existence de normes communautaires contribue aussi à la relativité de l’autonomie du droit administratif.
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