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Introduction au droit comparé cas

Par   •  30 Novembre 2017  •  43 048 Mots (173 Pages)  •  569 Vues

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va le voir, un rôle déterminant dans l’histoire du droit comparé et, pour tout dire, dans la genèse même du droit occidental.

Par-delà ces manifestations rudimentaires de la conscience de l’existence d’un pluralisme des systèmes juridiques, il existe une authentique manifestation de la méthode comparative vers la fin de la civilisation romaine. Au début du IVe siècle, a été écrite une étude mettant en perspective le droit civil avec le droit hébraïque contenu dans la Bible. Il s’agit de la Collatio legum mosaicarum et romanarum, également appelée Lex Dei quam precepit Dominus ad Moysen (Le droit divin que le seigneur a ordonné à Moïse). L’œuvre, qui avait été complétée à plusieurs reprises, a été redécouverte par les humanistes du XVIe siècle, sous la forme d’un document dont il ne reste plus que le début. Mais le vestige est suffisant pour qu’il soit possible de percevoir la méthode employée par les auteurs. Cette méthode consiste à confronter des versets du Pentateuque à des fragments de jurisconsultes romains parmi les plus éminents, tels Paul ou Ulpien. Il s’agit d’un essai qui s’inscrit dans la christianisation avancée de Rome et qui tend à démontrer que le droit de Rome est le droit voulu par Dieu et d’en administrer la preuve en mettant en évidence la ressemblance qui existe entre le droit romain et le droit contenu dans la Bible. On est très loin des préoccupations du comparatisme moderne, mais cet essai montre que les temps modernes n’ont pas inventé le droit comparé et que cette méthode peut être employée à des fins les plus variées.

Si donc l’antiquité a pratiqué la méthode comparative, c’est avec deux limites qui expliquent que l’on répugne à faire remonter si loin la naissance du droit comparé. La première est qu’elle tendait à établir une hiérarchie entre les droits mis en présence, soit pour vanter l’un d’eux, soit pour conformer l’un à l’autre, ce qui restreint l’utilité de la comparaison, alors que le droit comparé d’aujourd’hui tend à établir une relation de reconnaissance réciproque des systèmes juridiques et à établir entre eux une relation d’égalité ou d’équivalence. La seconde limite est que les auteurs qui l’ont pratiquée n’ont pas eu la conscience de pratiquer une méthode particulière constitutive d’une discipline spécifique, ce qui supposait l’apparition d’une science du droit, apparition qui, croyons-nous, n’avait pas vraiment encore eu lieu.

2. Moyen-âge

- C’est au moyen-âge seulement que la science du droit est née en occident. Cela a-t-il permis l’apparition et l’essor d’une science comparative ? L’avènement de la doctrine a promu un concept qui devait être décisif pour l’affirmation ultérieure de la méthode comparative, le droit commun. Cette idée qu’il existe un droit commun à l’ensemble de la chrétienté, empruntée au droit de Rome, a atteint un degré de développement inouï, développement que devait favoriser le fait que ce droit était écrit en latin, langue commune de la chrétienté. Elle a irradié toute la production du droit au moyen-âge. Le droit commun est avant tout une méthode, un procédé herméneutique. Il consiste, à partir des sources formelles que constituaient les lois romaines et canoniques, à comparer et hiérarchiser les lois afin de distinguer celles qui ont un caractère général de celles qui ne l’ont pas, soit qu’elles dérogent aux principes, que constituent les normes générales, soit qu’elles en constituent l’application. L’idée de comparaison était donc déjà à l’état implicite dans le concept de droit commun.

Mais il y a plus, car le droit commun a irradié l’ensemble de la production du droit médiéval. Tous les ordres juridiques étaient considérés comme des manifestations particulières du droit commun. Cette construction était adaptée au pluralisme des sources et des ordres juridiques qui caractérisait l’époque médiévale. Le droit coutumier, les statuts municipaux, le droit des marchands, le droit canonique et le droit romain concouraient, à des titres et à des niveaux différents, à la production du droit et à l’administration de la justice. Ce pluralisme et la subsomption des droits propres au droit commun ne pouvaient pas ne pas favoriser l’éclosion d’une approche comparative.

Le dualisme du droit savant a été un moteur puissant. Le droit chrétien étant binaire, les docteurs, tous bi-diplômés, tous doctores utriusque juris, étudiaient et enseignaient tant le droit canon que le droit romain. Ils les comparaient inévitablement et se sont donc efforcés de les harmoniser, convaincus qu’il s’agissait d’un seul et même droit, le droit chrétien. C’est de cette approche qu’est issue la première manifestation du droit commun : le droit canonique et le droit romain étaient les deux expressions d’un seul et même droit qu’il fallait mettre au jour. Pour atteindre ce but, des emprunts massifs ont été faits par le droit canonique au droit romain. Réciproquement, les romanistes, qui étaient aussi forcément canonistes, se sont efforcés de faire une lecture des lois romaines conforme à la Bible et au droit canonique. Ainsi a commencé la fabuleuse fortune de ce concept qu’est le droit commun. Il devait trouver un premier accomplissement avec l’absorption du droit canonique par les postglossateurs, lesquels ont, par leurs interprétations créatrices, été les premiers artisans concrets du droit commun. On est, en quelque sorte, passé de l’harmonisation à l’unification du droit savant, ce qui devait, annonçant le mouvement de sécularisation de la Renaissance, provoquer la disparition du droit canonique comme discipline spécifique. Depuis lors, le droit commun s’est identifié au droit romain enrichi de son alter ego. De manière inconsciente, le moyen-âge a donc réalisé la première unification du droit.

La construction du droit savant en une source uniforme ne pouvait que favoriser son rayonnement sur l’ensemble des sources. Le droit commun est devenu la lumière qui s’est mise à éclairer l’ensemble de la vie du droit au moyen-âge, au point de finir par l’absorber en entier à l’époque moderne avec la fusion du droit savant et du droit coutumier. Cette interaction ne pouvait pas ne pas susciter une vision comparative du droit. A une époque où la justice était rendue sur la base, non pas, comme aujourd’hui, de commandements normatifs, mais d’arguments d’autorité, le droit commun de la chrétienté jouissait d’une éminence et d’un crédit hors pair, qui le faisait le plus souvent l’emporter sur les autres sources, ou, en tout cas, influencer leur interprétation. Ainsi s’est propagée l’idée

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