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L'opportunité de la suppression de la cause en droit des contrats

Par   •  14 Décembre 2017  •  1 751 Mots (8 Pages)  •  677 Vues

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Dans le même sens on peut considérer que le principe de cause porte atteinte à la liberté contractuelle, garantissant un principe d’autonomie de la volonté ; les contractants devraient être libres de contracter ou non, et de conclure un contrat librement sans condition de forme. L’exigence de l’existence d’une cause peut en effet entraver cette liberté.

Une autre critique faite à l’existence de la cause est sa spécificité française. En effet aucun pays de l’Union Européenne ne connaît ni le terme ni le concept de « cause », ce qui constitue un frein à l’harmonisation du droit européen. Cela serait notamment une entrave à la conclusion des contrats, car les partenaires étrangers ne connaissent pas cette notion, il n’y a pas d’équivalent dans leur pays, ce qui peut les repousser. Cela peut être un réel handicap économique. François Terré affirme ainsi que la cause « n’est pas eurocompatible ».

II. Une réforme cependant très contestable :

A. Un élément essentiel de la formation du contrat :

Les rédacteurs du Code Civil considéraient que la cause relevait du droit naturel : un contractant a nécessairement une raison objective de contracter, de sorte qu’il serait rare qu’une partie s’engage sans cette raison objective. L’article 1131 affirme que l’obligation sans cause ne peut avoir aucun effet. La loi présuppose que toute obligation a une cause, et la cause, dans la majorité des contrats, est une cause objective reposant dans la contrepartie. La cause est ainsi un élément qui est au cœur de la notion française de contrat, ayant survécu plus de deux siècles. D’après le professeur de droit Jacques Ghestin « la cause peut être légitimement considérée aujourd'hui comme la composante essentielle, en tout cas la plus caractéristique, de la définition du contrat selon le modèle français ».

De plus, la jurisprudence a façonné la cause pour rendre le contrôle de l’équilibre contractuel plus efficace, ce que rappelle notamment Philippe Malaurie dans Dictionnaire d’un droit humaniste. Deux arrêts ont joué un rôle majeur à cet égard. Tout d’abord dans l’arrêt « Point Club Vidéo » précité de 1996, la Cour exerce un contrôle de l’existence de la cause non pas lors de la conclusion du contrat mais lors de son exécution. De plus, dans l’arrêt « Chronopost » du 27 octobre 1996, la Cour affirme que la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat de transport a été réputée non écrite, car le retard apporté à la livraison constituait un manquement à l’obligation essentielle résultant du contrat. Le fait de réputer une clause non écrite permet de maintenir le reste du contrat, ce qui n’est pas toujours le cas avec la nullité, et de faire comme si la clause illicite n’existait pas. Cet arrêt restitue à la notion de cause du contrat toute sa valeur. Selon certains auteurs dont Henri Capitant, cette décision est liée à la théorie de la cause selon. Ainsi, la cause serait devenue un instrument de justice commutative du fait de la prise en compte de l'équilibre du contrat par les juges : elle « permet de corriger l'économie du contrat, d'en rééquilibrer le contenu par l'annulation de la clause qui est à l'origine du déséquilibre ».

B. « Des remèdes pires que le prétendu mal » :

Bien que la notion de cause puisse être critiquée à certains égards, la supprimer ne risque pas de clarifier la situation. C’est ainsi que Thomas Génicon, opposé à cette suppression, a affirmé que les remèdes étaient « pires que le prétendu mal ».

L’article 1127 du projet de réforme dispose qu’est nécessaire à la validité d’un contrat : le consentement, la capacité et « un contenu licite et certain », ce qui remplacerait donc la cause. Mais ces termes ne sont pas définis, il n’y a donc aucune clarification en l’espèce. De plus, son article 1167 emploie le terme de « contrepartie », remplaçant la cause objective, mais cela concerne seulement les contrats synallagmatiques commutatifs à titre onéreux, alors qu’existent de nombreux autres types de contrat. Thomas Génicon soutient ainsi qu’en voulant remédier à un concept flou, « on y substitue des notions plus floues et plus dangereuses encore ».

De plus, une autre critique peut être dégagée : le droit français, à travers l’article 1131 du Code Civil, exige que l’obligation ait une cause, et ainsi condamne les actes abstraits. Ces derniers sont des actes non justifiés par une cause. En supprimant la notion de cause du droit français, le projet de réforme rendrait valide un acte abstrait, ce qui serait une atteinte à la sécurité juridique.

De plus, Philippe Malaurie répond à la critique de l’absence d’uniformisation du droit européen de cette théorie de la cause, affirmant que c’est justement la spécificité du droit français qui peut le rendre attractif ; selon lui, « c’est comme si l’on disait que pour faire rayonner la langue française, il faudrait supprimer la langue française ».

On peut aisément constater que la suppression de la cause créerait un vide juridique, et le projet ne semble pas apporter des outils suffisants pour contrôler l’équilibre contractuel et la licéité des contrats.

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