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Introduction générale au droit

Par   •  5 Décembre 2018  •  5 219 Mots (21 Pages)  •  398 Vues

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l’on aurait préféré qu’il fût, plutôt que de se livrer à d’autres activités, est bien entendu un choix moral. Si on le compare à ce qui y correpond dans d’autres disciplines universitaires, ce choix, en droit, prend une dimension toute particulière, en raison du lien qu’entretient l’enseignement juridique avec l’activité de nombreux magistrats, fonctionnaires, avocats, notaires, ou juristes d’entreprise, et, à travers eux, le restant de la popula

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rencieuse envers ce que le positivisme appelle «droit» impose à chaque agent moral (à chaque être humain doté d’une morale) de se demander pourquoi il estime devoir obéir, désobéir ou se montrer indifférent au droit, et de chercher la réponse dans sa morale5.

6. Variété des critères.— Tous les positivistes ne retiennent pas les mêmes critères de définition du droit. Les principales différences concernent la possibilité ou non de qualifier de juridique des normes n’appartenant pas à un vaste ensemble, des normes non étatiques, et des normes édictées en dehors du cadre d’une société relativement nombreuse et stable. Voici quatre exemples. Jeremy Bentham appelle norme juridique (1) soit un vœu6, conçu ou adopté7, par le souverain de l’État8, que le ou les destinataires du vœu adopte(nt) un certain comportement dans un certain cas, ce vœu étant appuyé par le souverain de la menace d’une punition en cas de désobéissance ou parfois de la promesse d’une récomense en cas d’obéissance, dans le but d’inciter le ou les destinataires à se soumettreà ce vœu ; (2) soit le vœu, conçu ou adopté par le suverain, qui délie de son (de leur) obligation le ou les destinataires d’un vœu du premier type ; (3) soit une abstention complète du souverain quant à un certain comportement, de telle sorte que ses sujets se trouvent, quant à ce comportement, et vis-à-vis du souverain, dans une situation de liberté9. Le droit est l’ensemble10 des normes juidiques existant dans une société, soumise à un souverain, ultime autorité sur un territoire11. Bentham n’attache pas de valeur morale aux critères ainsi articulés. Pour Hans Kelsen12, la juridicité est le caractère de normes unies dans un ordre par leur fondement commun : une norme fondamentale (Grundnorm, que Hart requalifiera de norme d’identification). La norme juridique est un devoir-être (et non un être) exprimé par l’auteur de la norme et ayant pour objet le comportement qu’il souhaite qu’adopte le destinataire de la norme. L’ordre juridique repose sur la contrainte (en tant que la sanction doit être exercée en cas de violation des normes de comportement), et, en deçà d’un minimum d’effectivité, l’ordre n’est pas pérenne. Kelsen n’attache pas de valeur morale aux critères ainsi articulés. Pour Herbert Hart13, une société humaine relativement stable au sein de laquelle s’établit une pression sociale limitant partiellement la liberté de ses membres en leur imposant d’adopter certains comportements (Hart appelle primaires les règles imposant ces comportements) se dote d’un droit lorsqu’elle élabore des règles (qu’Hart appelle secondaires) relatives à l’identification, à la modifica

tion. Ce lien est tel que l’enseignement et la publication d’articles et de livres de droit facilitera la mise en œuvre du droit, diffusera sa connaissance et contribuera ainsi à son effectivité. Même accompagné de critiques morales, même marqué par un refus de confondre le droit en vigueur et le droit souhaité par l’enseignant, l’activité ayant pour objet la diffusion des connaissances relatives au droit en vigueur a donc une portée pratique, et donc morale, autrement considérable que la diffusion des connaissances (beaucoup plus intéressantes) relatives au déchiffrement de l’écriture cunéiforme par Georg Friedrich Grotefend, Henry Rawlinson, Edward Hincks et Jules Oppert. 5 On reviendra plus loin sur les relations entre droit et morale. V. infra, ... 6 Plus précisément un assemblage de signes déclaratifs d’un vœu. V. : Jeremy BENTHAM, Of Laws in General [1782], Londres : Athlone, 1970, pp. 1. 7 Bentham désigne ainsi les normes émises par d’autres personnes que le souverain, qui ne doivent leur juridicité qu’à un acte d’adoption de celui-ci, c’est-à-dire un acte par lequel le souverain appuie de sa sanction (punition ou récompene) les normes en question. V. : Jeremy BENTHAM, Of Laws ... précité [v. supra, note 7], pp. 18-30. 8 Selon Bentham, le souverain de l’État est la personne ou l’ensemble de personnes à qui la population vivant sur un territoire obéit habituellement, et qui, pour sa part, n’obéit habituellement à personne. V. : Jeremy BENTHAM, A Fragment on Government [1776], Oxford : Clarendon, 1891, pp. 137-141. V. aussi : Jeremy BENTHAM, Of Laws ... précité [v. supra, note 7], pp. 18-30. L’élément territorial peut se dégager de : Jeremy BENTHAM, Of Laws ..., pp. 72-73, 131. V. aussi : Jeremy BENTHAM, An Introduction to the Principles of Morals and Legislation [1780], London : Athlone, 1970, p. 296. 9 Bentham a bien vu qu’une abstention de l’autorité peut signifier pour le sujet qu’il est libre de tout devoir, obligation, restriction, coercition, à l’égrd de cette autorité, mais que, à l’égard des autres personnes, une telle liberté peut être lion d’exister. V. : V. aussi : Jeremy BENTHAM, Of Laws ... précité [v. supra, note 7], p. 253. Sur la juridicité des abstentions du souverain, v. aussi pp. 27, 56, et 97-100. 10 Jeremy BENTHAM, An Introduction... précité [v. supra, note 8], p. 294. 11 Jeremy BENTHAM, Of Laws ... précité [v. supra, note 7], pp. 72 et 131. 12 Hans KELSEN, Théorie pure du droit, traduct. fr. de la 2ème éd. par Charles Eisenmann, Paris : Dalloz, 1962, pp. 42-78. 13 Herbert L. A. HART, The Concept of Law, Oxford : Oxford Univ. Press, pp. 77-96.

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tion et à la mise en œuvre concrète (y compris en tant qu’une sanction est prévue) des règles primaires. Hart n’attache pas de valeur morale aux critères ainsi articulés. Lucien François définit la norme juridique comme le vœu impératif (par opposition à un simple conseil) d’une première personne, adressé à une seconde personne, que celle-ci adopte un certain comportement, l’auteur exerçant sur le destinataire une pression par menace de sanction, sans attacher de valeur morale à aucun de ces critères14.

7. Polysémie.—

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