QPC - L'intérêt général contre le droit de la collectivité territoriale.
Par Junecooper • 30 Mai 2018 • 2 383 Mots (10 Pages) • 693 Vues
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Quant au caractère « sérieux », il est lui aussi interprété de deux façons différentes. Il est d'abord mentionné dans l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, où il est stipulé que la question ne doit pas être « dépourvue de caractère sérieux. » Ce contrôle effectué par les juridictions ??? vise simplement à écarter les questions absurdes, fantaisistes et autres. L'examen fait par le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation selon l'article 23-4 est nettement plus significatif : la question doit « présenter un caractère sérieux ». En vérité, les cours suprêmes sont chargées de vérifier si « une question de constitutionnalité se pose » bel et bien, comme il a été estimé par le rapporteur du projet de loi organique à l'Assemblée nationale (Warsmann J.-L., Commission des lois de l'Assemblée nationale, Intervention du 14 septembre 2009).
On peut donc comprendre le terme de « sérieux » dans sa mention à l'article 23-4 comme étant synonyme de « pertinent » ou « important », ce qui concorde d'ailleurs avec la compréhension qu'à le Conseil d'Etat de la condition de nouveauté. En l'espèce, le Conseil d'Etat a constaté qu'il n'y avait pas d'atteinte disproportionnée aux droits affirmés par la commune et que la question de la constitutionalité des normes litigieuses ne se posait donc pas, et a en conséquence nié le caractère sérieux de la requête.
II. Les limites de la QPC pour les collectivités territoriales et leurs droits
[mentionner quelles sont les limites : Compétence leg. + intérêt général + appui jurisprudentiel (A) et les conséquences (B)]
A. Le concours du législateur et de la jurisprudence au nom de l'intérêt général
Il est important de noter que les droits en question, ceux de la propriété et de la libre administration de la collectivité territoriale, sont encadrés par la notion fondamentale d'intérêt général. Avant d'explorer cette perspective, il convient de clarifier de quelle manière le législateur dispose de prérogatives de compétence notables dans le contexte des droits des collectivités territoriales.
Le principe de libre administration apparaît deux fois dans la Constitution de 1958, une dans l'article 34 et l'autre dans l'article 72. Pour autant, l'article 34 range la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources dans le domaine de la loi. De plus, si les collectivités territoriales « s'administrent librement » et « disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences » en vertu de l'article 72-3 de la Constitution, ce pouvoir ne peut s'exercer que « dans les conditions prévues par la loi. » Il en ressort qu'avant d'être un principe protégeant les droits des collectivités territoriales, le principe de libre administration fonde d'abord la compétence du législateur en la matière.
Cette 'position de force' du législateur est de surcroît appuyée de façon constante par la jurisprudence. Les cas d’annulation fondés sur le moyen de la libre administration sont très peu nombreux, et le Conseil constitutionnel laisse une marge de manœuvre très large au législateur à cet égard : c'est au législateur qu'il appartient de mettre en œuvre le principe de libre administration et sa conciliation avec d'autres principes de valeur constitutionnelle (décision n° 90-274 DC).
Un élément important doit être mentionné à cet endroit : celui de la notion d'intérêt général. En effet, si le législateur peut, sur le fondement des normes constitutionnelles précitées, assujettir les collectivités territoriales à des obligations et des limitations, c'est à la condition que celles-ci répondent à des fins d'intérêt général (ainsi qu'il a été statué notamment par la décision n°2011-146 QPC, 08/07/2011, Département des Landes ; voir aussi n° 90-274 DC, n° 2006-543 DC). Ce principe d'intérêt général est avant tout un instrument destiné à protéger les droits fondamentaux. Dans l'hypothèse où le législateur ne parviendrait pas à satisfaire la condition d'intérêt général, la disposition litigieuse serait aussitôt annulée. À ce titre, la jurisprudence veille à ce que l'auteur de la loi apprécie lui-même l'intérêt général. Mais en pratique, les décisions d'annulation restent rares. La notion d'intérêt général sert plus d'habilitation que de contrôle du législateur car dès lors que le législateur s'est acquitté de la légitimation de son action via l'intérêt général, il est en mesure d'imposer des limites aux droits et libertés concernés sous réserve d'un contrôle de proportionalité assez permissif.
Lors de ce contrôle de proportionalité qui se fonde sur l’article 2 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel apprécie, d’une part, si l'atteinte à un droit fondamental est justifiée par un motif d’intérêt général et, d’autre part, si elle apparaît « proportionnée [...] à l’objectif [d'intérêt général] poursuivi » (Décisions nos 2010-60 QPC du 12 novembre 2010, M. Pierre B. (Mur Mitoyen), cons. 3 ; 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C. (Attribution d’un bien à titre de prestation compensatoire, cons. 3.).
Toutefois, seules les atteintes manifestement excessives au regard de l'objectif poursuivi sont sanctionnées. La marge de manœuvre laissée au législateur est donc grande. Le Conseil d'Etat conclut d'ailleurs que l'atteinte faite au droit de propriété de la commune d'Orléans n'est pas disproportionnée par rapport au but d'intérêt général poursuivi.
En somme, la prérogative du législateur est vaste, aussi quand il s'agit d'empiéter sur les droits des collectivités territoriales, dès lors qu'il agit au nom d'un intérêt général qu'il se garde d'ailleurs bien de définir réellement (du moins hors certains cas isolés). La jurisprudence valide régulièrement la légitimation d'une disposition législative par le biais de l'interêt général, invoqué par le législateur et venant couvrir une atteinte à des droits fondamentaux. La décision faisant ici office de sujet en est une illustration parmi d'autres (voir notamment 2007-548 DC).
B.
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