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Droit constitutionnel, message du Président de la République Jules Grévy à l'intention du Sénat, 6 février 1879

Par   •  11 Novembre 2018  •  2 321 Mots (10 Pages)  •  663 Vues

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B) Une inexacte assertion d'une égalité entre les pouvoirs exécutif et législatif

En suivant cette logique, Jules Grévy affirme dans son discours que « C'est par cette politique libérale » que « les grands pouvoirs de la République toujours unis, toujours animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au Gouvernement ». En développant cette idée, il met donc le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sur un même pied d'égalité. Or, l'idée proposée n'est pas exacte dans la pratique. En effet, le régime mis en place par Grévy résulte plus d'une République basée sur la supériorité du parlementarisme contrairement aux institutions antérieures. Il reprend d'ailleurs cette idée en disant que « les deux grands pouvoirs sont animés du même esprit, qui est celui de la France » et que le Gouvernement « veillera à ce que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni des ennemis, ni des détracteurs ». Il est notable que le premier souci des républicains, dès la fin des années 1870, est de s'assurer des sentiments favorables des fonctionnaires à l'égard de la République. C’est à une forme d’« épuration » que l’on assiste pendant les premières années de la IIIe République. Ainsi, Grévy essaie ici de faire en sorte que les fonctionnaires deviennent des garants de la continuité de la vie nationale. Jules Grévy ne cesse de rappeler dans son message que les deux pouvoirs (exécutif et législatif) sont « du même esprit ». Cependant, le président Grévy a pour but de soumettre le pouvoir exécutif à la surveillance du pouvoir législatif. En effet, la phrase « Dans l'application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se pénétrera de la pensée qui les a dictées, il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous les intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État ». Jules Grévy avait pris conscience des dérives possibles d'un gouvernement au fort pouvoir exécutif, notamment sous la présidence de Mac Mahon, c'est pourquoi il souhaite soumettre l’exécutif sous surveillance du législatif. Il est donc ici perceptible une pouvoir législatif puissant, qui estompe le pouvoir exécutif. L'organe exécutif serait donc en quelque sorte assujetti au Parlement.

Il est donc ici possible de parler d'un déséquilibre des pouvoirs. Ce déséquilibre serait susceptible de fragiliser l'évolution du nouveau régime mis en place. De plus, un constat peut être fait en ce que le président s'efface par rapport à d'autres organes. Cette domination prépondérante du pouvoir législatif amène donc aussi à un resserrement des prérogatives présidentielles.

II – La constatation d'une primauté donnée au peuple et au Parlement

Après avoir vu que la réaffirmation du principe de souveraineté populaire donnant un important pouvoir à celui-ci (A), il sera judicieux de voir que la prédominance du parlement par rapport au président de la République dépouille celui-ci de plusieurs prérogatives importantes (B) .

A) Le principe de souveraineté populaire réaffirmé

En donnant un pouvoir important au Parlement, le président Grévy fait renaître le principe de souveraineté populaire. En effet, lorsqu'il annonce que l'Assemblée lui a « imposé de grands devoirs », celui-ci a conscience du rôle qui lui est imposé, car désormais, en tant qu'élu de la République, il a été choisi par l'Assemblé nationale et donc par définition par le peuple (par l'intermédiaire de ses représentants) afin de défendre les intérêts de ce dernier. La doctrine de la souveraineté populaire identifie comme souverain le peuple, au sens de l'ensemble de la population, par opposition à la souveraineté nationale, qui identifie comme souverain la nation. Jules Grévy réaffirme le principe de souveraineté du peuple caractérisé par l'influence importante du Parlement. Cette importance donnée au peuple est plusieurs fois perceptible dans son message au Sénat, comme en témoigne la phrase « le Gouvernement s'inspirera des besoins réels, des vœux certains du pays ». La réaffirmation de ce principe de souveraineté nationale change quelque peut quant au système mis en place précédemment par Mac Mahon. En effet, il était plus question de souveraineté nationale sous la présidence de celui-ci, ce qui revenait à dire que c 'était la nation qui détenait la souveraineté nationale. La nation ne se limite pas aux seuls citoyens vivants, mais inclut les citoyens passés et futurs. Il est quand même notable que sous Mac Mahon, on se rapprochait plus d'une souveraineté dite « monarchique » plutôt que nationale. Avec le renouveau de la souveraineté populaire, Grévy laisse donc une place importante au peuple. Il est de plus notable qu'en employant la troisième personne du singulier, en utilisant le « Gouvernement », le président s'efface en quelque sorte, se cachant derrière le gouvernement. Il n'emploie ni le « je », ni « le président ». Un effacement du président est donc observable, laissant un pouvoir ascendant au peuple.

B) La prédominance du parlement par rapport au président de la République

Au tout début de son message, Jules Grévy commence par dire que « L’Assemblée Nationale, en m'élevant à la Présidence de la République m'a imposé de grands devoirs ». Par ces mots, Jules Grévy met en évidence l'emprise parlementaire totale dans son investiture. Au delà de cette pure question de procédure, cette situation définit donc de manière définitive la nature du nouveau régime mis en place ; une véritable République au sein de laquelle le Président est élu. L'un des points fondamentaux de ce message de Jules Grévy est que celui-ci montre clairement l'importance que détient désormais le Parlement. C'est donc tout d'abord le Parlement qui estime le potentiel des candidats à être Président de la République et qui décide lequel est le plus apte à gouverner. De plus, la phrase « Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale, exprimée par ses organes constitutionnels » montre que le Parlement est totalement légitimé. Cette phrase montre surtout implicitement que le président perd son droit de dissolution en faveur de la volonté nationale exprimée par les organes constitutionnels du Parlement. Cela rend ainsi totale

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