Libertés et droits fondamentaux
Par Christopher • 6 Mai 2018 • 2 741 Mots (11 Pages) • 638 Vues
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spéciale, contenue dans la convention bilatérale qu’il convient d’interpréter et limitée à la question des définitions. Elle est donc, par application des principes généraux de combinaison de textes, une règle d’application autonome et prioritaire » (Ph. Martin, L’interprétation des conventions fiscales : Dr. fisc. 2013, n° 24, 320, n° 4). Le Conseil aurait dû normalement la privilégier. On observera que la directive d’interprétation de l’article 2 de la convention franco-allemande ne figure pas dans la convention franco-monégasque dont le Conseil avait jusqu’à présent eu à faire application dans les décisions où il avait opéré cet emprunt à l’article 31 de la Convention de Vienne (CE, plén. fisc., 11 avr. 2014, n° 362237, M. Giorgis, préc. - CE, 10e et 9e ss-sect., 30 déc. 2014, n° 362245, M. et Mme Charpentier : Dr. fisc. 2015, n° 14, comm. 246 ; RJF 3/15, n° 255. - CE, 8e et 3e ss-sect., 6 mai 2015, n° 378534, M. et Mme Miloe : Dr. fisc. 2015, n° 42, comm. 641).
Si la Haute assemblée a estimé devoir recourir aux principes de la Convention de Vienne, pourquoi alors s’est-elle référée aux seules règles énoncées à l’article 31 de la Convention en négligeant celles, énoncées à l’article 33, relatives à la comparaison des différentes versions linguistiques ? On sait que le Conseil d’État a déjà utilisé une telle méthode dans l’arrêt Regazzacci précité, à propos de la convention franco-britannique, pour considérer que le terme d’assujetti - au sens de l’article 3 - vise la personne entrant dans le champ de l’impôt (« liable to tax » dans la version en langue anglaise) tandis que l’assujetti - au sens de l’article 7 - désigne la personne effectivement soumise à l’impôt (« subject to tax »). Pourtant, une telle méthode aurait pu être ici utilement mise en oeuvre : dans la version en langue allemande, l’article 2, (1), 4, a) qu’il s’agissait d’interpréter définit « l’assujetti » comme la personne imposable (« steuerpflichtig ») alors que l’article 25, b, (4) auquel le Conseil d’État fait imprudemment référence, recourt au terme « steuern unterliegt », qui désigne la personne effectivement soumise à l’impôt.
La suite du considérant réserve une nouvelle surprise au lecteur : le Conseil d’État affirme que l’objet principal de la convention est la lutte contre les doubles impositions. Il s’agit, à l’évidence, d’un renversement de perspective qui repose soit sur une confusion entre l’objet et le but d’un traité, soit sur une volonté délibérée qu’on aurait imaginé exprimée par une formation plus solennelle
Sans entrer dans les subtilités que suscitent les notions d’objet et de but du traité en droit international, il était jusqu’à présent clairement établi pour le fiscaliste que l’objet d’une convention fiscale était de répartir l’exercice des compétences fiscales entre les États signataires dans le but de lutter contre les doubles impositions et, plus récemment, de favoriser la lutte contre l’évasion fiscale. S’agit-il de la remise en cause de cette analyse traditionnelle encore récemment exprimée dans l’article du président Martin (Ph. Martin, L’interprétation des conventions fiscales, préc., n° 10 : « Pour les conventions fiscales, on pourrait dire que l’objet est la répartition du pouvoir d’imposer et que le but est la prévention des doubles impositions, parfois la lutte contre l’évasion fiscale ») et qui méconnaitrait frontalement les stipulations de l’article 1er de la convention selon lesquelles « la présente convention a pour but de protéger les résidents de chacun des États contractants contre les doubles impositions (...) » ?
3 - Le Conseil déduit ensuite de ces prémisses « que les personnes qui ne sont pas soumises à l’impôt en cause par la loi de l’État concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations » pour en conclure qu’une personne exonérée d’impôt - au cas particulier, un organisme de retraite - n’est pas susceptible d’avoir la qualité de résident au sens conventionnel. Il nous semble toutefois qu’aucune des méthodes d’interprétation évoquées plus haut n’autorisait qu’une telle acception de la notion d’assujetti soit retenue.
Au regard du sens ordinaire des termes (V. O. Miaud, préc.) comme en droit interne - auquel renvoie l’article 2 de la convention franco-allemande - l’assujetti est, pour des générations d’étudiants, celui qui entre dans le champ d’application d’une imposition. Il n’est pas, pour autant, effectivement imposé. Si la notion d’assujetti est particulièrement présente et développée en matière de TVA, elle n’a pas de signification différente dans les autres branches du droit fiscal, notamment en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés où les textes du CGI emploient plus volontiers le terme synonyme de personne « passible » de l’impôt (V. en ce sens J. Arrighi de Casanova, concl. sous CE, 8e et 9e ss-sect., 30 juin 1997, n° 169179, Sté d’édition des artistes peignant de la bouche et du pied (APBP) : JurisData n° 1997-049055 ; Dr. fisc. 1997, n° 51, comm. 1348, concl. J. Arrighi de Casanova ; RJF 1997, n° 771). La référence à la version en langue allemande de la convention fiscale confirme, comme indiqué plus haut, cette distinction entre l’assujetti et le redevable.
En tenant compte du contexte et de la structure logique de la convention, comment peut-on interpréter un article relatif à la définition des termes de la convention et conditionnant son champ d’application - l’article 2 - à la lumière d’un article qui traite de modalités particulières d’imposition de contribuables spécifiques - l’article 25 ? L’article 2 ne vise pas un assujetti de manière abstraite, un assujetti « tout court » : il vise un assujetti « en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue ». En d’autres termes, cet article fait référence à des critères de rattachement à la compétence fiscale d’un des États signataires. Ni le « statut », ni « l’activité » ne sont, au regard du lien entre un contribuable et un État, des critères pertinents d’application territoriale de la législation fiscale. C’est d’ailleurs ce que confirme la lecture du commentaire de l’article 4 du modèle de convention OCDE - envisageant la situation spécifique des organismes de retraite - qui précise que « le paragraphe 1 vise les personnes qui sont "assujetties à l’impôt" dans un État contractant en vertu de sa législation interne, en application de divers critères. Dans de nombreux États,
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