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TD n°3 de Droit Administratif

Par   •  10 Décembre 2017  •  2 219 Mots (9 Pages)  •  795 Vues

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Voilà donc la deuxième raison, de manière développée, de cette jurisprudence contraire à l’arrêt étudié.

- La jurisprudence actuelle : une procédure inconstitutionnelle

L’arrêt étudié est néanmoins appuyé par une jurisprudence plus récente, incluant la Cour Administrative d’Appel de Versailles. Celle-ci soutient l’argument juridique de la préexistence d’une procédure similaire dans la Constitution, et que celle-ci l’encadre de manière concise. S’attribuer la compétence d’étendre (ou de limiter) l’interpellation serait donc inconstitutionnelle. Nous expliquerons ce point de vue avant d’en proposer une critique.

- Un droit expressément prévu et encadré par la Constitution

La solution de l’arrêt étudié a été affirmée plus fortement encore par un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Versailles du 6 novembre 2014, n°13VE03124, s’intitulant Département de l’Essonne. Le litige mettait en cause la volonté du département de l’Essonne de mettre en place un droit d’interpellation populaire à la suite de plusieurs délibérations, et avait en conséquence modifié son règlement intérieur. Le principe était le suivant : pour dix mille habitants au moins originaires de quinze cantons de l’Essonne différents, de demander, sous la forme d'une pétition, l'inscription d'un sujet à l'ordre du jour de l'assemblée départementale, comme dans l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon. L’objectif pour le département ici était d’étendre la possibilité d’interpellation aux non-électeurs, autrement dit aux étrangers n’ayant pas le droit de vote. Il le faisait en conscience, selon lui, que le droit d'interpellation populaire ne s’apparentait en aucun cas ni avec le droit de pétition disposé à l'article 72-1 de la Constitution, ni avec la faculté prévue à l'article L. 1112-16 du code général des collectivités territoriales relative à la question de la consultation.

C’est ici que la Cour Administrative d’Appel de Versailles est tombée en désaccord. Elle a estimé qu’ici le département avait mis en place un véritable droit de pétition : « que, par son objet et ses modalités, ce droit qui vise à permettre, sur initiative populaire, de demander l'inscription d'une question à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de la collectivité sans que cette inscription soit de droit, ne peut être regardé comme un droit différent du droit de pétition institué par l'article 72-1 précité de la Constitution, contrairement à ce que soutient le département ». Le dispositif mis en place se confondait alors avec le droit de pétition prévu par l’article 72-1 de la Constitution. De ce fait, les modalités prévues par les délibérations n’étaient pas légales et violaient donc l’article 72-1 de la Constitution qui fait référence à une loi d’application: « en adoptant les délibérations litigieuses, qui ont notamment pour effet d'étendre ce droit à des habitants non électeurs, le département de l'Essonne a méconnu les articles précités de la Constitution qui réservent au législateur le droit d'intervenir dans cette matière ». En d’autres termes, c’est au législateur d’intervenir dans cette matière et non aux collectivités territoriales.

La Cour Administrative d’Appel s’est même appuyée sur la Constitution pour écarter la référence à la liberté d'expression consacrée par le droit international. Le juge énonce que « si l'article 55 de la Constitution dispose que : les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie , la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ; que le DEPARTEMENT DE L'ESSONNE ne saurait, dès lors, utilement soutenir que les dispositions constitutionnelles précitées, méconnues par les délibérations du 22 octobre 2012 ainsi qu'il résulte de ce qui précède, seraient contraires aux articles 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 10-1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en tant qu'elles limitent le droit de pétition et donc d'expression aux seuls électeurs ; ». Le juge rend donc ici impossible la revendication de la liberté d’expression.

- La confusion des notions

Nous pouvons former une critique à propos du raisonnement du juge, tant au sujet de l’arrêt étudié que celui vu quelques lignes plus haut puisqu’ils s’appuient l’un et l’autre. De ce fait, il est possible de considérer le fait que l'argument juridique concernant la préexistence de ce droit d’interpellation dans l’article 72-1 de la Constitution n’est pas valable puisque celui-ci ne limite pas l'interpellation privée mais seulement l'interpellation publique. Ceci n’ayant pas été mentionné une seule fois dans les arrêts, on peut donc en conclure une confusion de ces deux notions.

De plus, si l’on regarde pour commencer l'article 1112-16 du Code Général des Collectivités Territoriales, on y remarque le terme « d’initiative citoyenne », alors qu’ici il s’agissait en réalité d’un droit d’interpellation plus exactement. On peut donc également s’interroger sur la pertinence de s’appuyer sur cet article dans cette affaire. On peut même aller jusqu’à considérer qu’il n’existe pas de véritable droit d’interpellation aujourd’hui en France. Cet arrêt reste donc peu compréhensible tant sur le fond que sur la forme.

Et même en faisant le rapprochement avec le droit de pétition, il faut rappeler que ce dernier est lui-même très limité, encore plus à l’échelle locale. Et non seulement il est très strictement encadré, mais le système juridique français semble pour le moment fermé à son amélioration, et par conséquent peut-être, à la mise en place tant juridique qu’effective d’un véritable droit d’interpellation comme étudié plus haut, même à titre consultatif. La libre administration des collectivités territoriales ne serait-elle pas encore complète ?

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