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TD de droit des personnes

Par   •  31 Octobre 2018  •  13 056 Mots (53 Pages)  •  541 Vues

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1. Les animaux, êtres vivants et sensibles

La consultation des débats parlementaires révèle qu'en déclarant que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité », le législateur a entendu poser une définition de l'animal (C. Capdevielle : JOAN CR, 3e séance, 15 avr. 2014, p. 2593). Cette déclaration suscite une double interrogation portant sur sa place dans le Code civil (A) et sur sa portée (B).

A. - La place des animaux dans le Code civil

Est-ce au Code civil de proclamer que les animaux sont des êtres vivants et sensibles ? La négative est soutenue motifs pris de ce que, dans le Code civil, il n'est « question des animaux que de manière très indirecte, comme une catégorie de biens pouvant appartenir à une personne ou susceptibles d'entraîner la responsabilité d'une personne » (P. Malinvaud, L'animal va-t-il s'égarer dans le Code civil ? : D. 2015, p. 87, n° 3). Il est bien certain, cependant, que l'article 515-14 du Code civil rompt partiellement avec la conception utilitaire des animaux retenue par les rédacteurs du Code civil. Cet article est une pierre d'attente, destinée à supporter, tôt ou tard, une oeuvre plus complète, qu'il s'agisse d'un troisième statut propre aux animaux ou de l'admission de ceux-ci au bénéfice du statut des personnes. Il figure donc à juste titre dans le Code civil, précédant le Titre Ier du Livre II et déjà séparé des dispositions de ce livre.

Il est une autre raison de considérer que l'article 515-14 a toute sa place dans le Code civil. Elle tient à l'impossibilité de définir les animaux par leurs seuls caractères vivant et sensible. Une telle définition est, en effet, trop large, car les êtres humains sont aussi des êtres vivants et sensibles. Or, ils n'appartiennent pas, d'un point de vue juridique, à la catégorie des animaux, puisqu'ils ne sont pas soumis au régime des biens (Comp. L. Boisseau-Sowinski, op. cit., n° 16). L'article 515-14 ne pose donc pas une définition des animaux non humains, mais introduit, dans le Code civil, la catégorie des êtres vivants et sensibles, commune aux animaux et aux êtres humains ; les premiers relèvent du statut des biens, alors que les seconds bénéficient de celui des personnes. Il faut rappeler que les catégories et les statuts n'ont pas toujours correspondu ; la terrible condition juridique des esclaves résultant de l'édit de 1680 en fournit une illustration ; le Code noir ne niait pas l'humanité des esclaves, puisqu'ils devaient être baptisés (art. 2), mais les déclarait meubles et les soumettait au régime des biens (art. 44). L'abolition de l'esclavage montre cependant que de tels systèmes ne peuvent se maintenir à perpétuité.

B. - La portée de la reconnaissance des caractères vivant et sensible

La première phrase de l'article 515-14 du Code civil résulte d'un double emprunt au Code pénal et au Code rural, dans un souci d'harmonisation (C. Capdevielle : JOAN CR, 3e séance, 30 oct. 2014, p. 8206). La sensibilité des animaux est affirmée par le Code rural (art. L. 214-1), tandis que, de son côté, le Code pénal réprime spécifiquement les sévices graves, les actes de cruauté, les abandons (C. pén., art. 521-1) et les mauvais traitements (C. pén., art. R. 654-1). Est ainsi prise en compte la sensibilité non seulement physiologique mais aussi psychologique des animaux (V. J.-P. Marguénaud, L'animal en droit privé, op. cit., p. 321). Le Code pénal punit encore les atteintes, volontaires ou involontaires, à la vie des animaux (C. pén., art. R. 655-1 et R. 653-1) ; ce qui justifie aussi qu'ait été rappelé, à la première phrase de l'article 515-14 du Code civil, que les animaux sont des êtres vivants.

Cette volonté d'harmonisation est critiquée par une partie de la doctrine qui fait valoir que « les diverses branches du droit sont asservies à des besoins réglementaires particuliers, de sorte que les qualifications n'ont pas de raison d'être déplaçables de l'une à l'autre » (R. Libchaber, La souffrance et les droits : D. 2014, p. 380, n° 9). C'est oublier que les divergences entre les différentes branches du droit nuisent à la protection des animaux (V. J.-M. Coulon et J.-C. Nouët, Les droits de l'animal : Dalloz, 2009, p. 118). Il est donc souhaitable de les supprimer ; l'article 515-14 du Code civil peut y contribuer. En revanche, force est de constater que l'harmonisation réalisée n'est que partielle ; le Code civil ne reprend pas l'obligation qui pèse sur le propriétaire de l'animal de placer celui-ci « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce » (C. rur., art. L. 214-1) ; il ne mentionne pas davantage la notion de bien-être animal (C. rur, art. L. 234-1, IV, et L. 642-22, al. 6). C'est dire la modestie de l'oeuvre législative, à laquelle la jurisprudence devra suppléer.

L'article 515-14 du Code civil s'applique-t-il à tous les animaux ? Selon un auteur, n'entrerait dans son champ qu'une « infime minorité d'animaux supérieurs » (V. P. Malinvaud, art. préc., n° 3). Il n'y a cependant aucune raison de retenir une interprétation aussi étroite des dispositions nouvelles. Il est en effet aujourd'hui admis que certains invertébrés, comme les céphalopodes, sont capables de ressentir la douleur et présentent des capacités d'apprentissage ; ce qui fait d'eux des êtres sensibles (V. E. Reus, Colloque « Ethique et invertébrés » : Cahiers antispécistes n° 23, déc. 2003). C'est pourquoi il est préférable d'admettre que l'article 515-14 reconnaît, à titre de présomption, peut-être irréfragable, la sensibilité de tous les animaux, indépendamment de l'espèce à laquelle ils appartiennent. Cette interprétation est d'ailleurs la seule compatible avec le champ de la répression des sévices graves et des actes de cruauté, qui embrasse, en principe, « toutes les espèces animales, des insectes aux reptiles » (V. J.-Y. Maréchal, JCl Pénal Code, Art. 521-1 et 521-2, fasc. 20, n° 13).

En revanche, il est plus difficile de soutenir que la loi du 16 février 2015 reconnaît la sensibilité des animaux sauvages. Les débats parlementaires sont en sens contraire (J. Glavany : JOAN CR, 3e séance, 15 avr. 2014, p. 2605). En effet, les animaux sauvages, hors le cas de ceux apprivoisés ou tenus en captivité, n'entrent pas dans les prévisions des articles L. 214-1 et

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