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Les Liaisons dangereuses, Hausabeit, Stratégies de séduction et défenses des victimes

Par   •  2 Mai 2018  •  6 502 Mots (27 Pages)  •  1 031 Vues

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* Une relation ambigüe

Couple autrefois, duo de complices à l’époque du roman, nos deux libertins se confient tous les détails de leurs aventures (lettre 25 : bulletin de campagne ou de victoire qui souligne la complicité des deux personnages), se conseillent (lettres 30, 100 et 113), et vont jusqu’à élaborer des plans ensemble (la lettre 106 démontre à nouveau leur complicité, cette fois dans leur vengeance commune : « et faisons [de Cécile], de concert, le désespoir de sa mère, et de Gercourt. » ; mais aussi leur prudence et leur implication mutuelle dans l’affaire : « cela rend aussi très important de ne rien laisser entre ses mains qui puissent nous compromettre ». En effet, lorsqu’à la fin du roman, leurs lettres seront révélées aux yeux de tous, ce sont les vrais visages des deux libertins qui seront dévoilés). L’importance de leur relation est démontrée par la place qu’elle prend dans le roman (56 des 175 lettres constituant le roman représentent leur correspondance), mais aussi dans l’intrigue, puisque l’origine de toute l’histoire réside dans la volonté de vengeance de la Marquise de Merteuil.

Leur relation est également ambigüe par le fait qu’elle n’est pas équitable. En effet, si le Vicomte s’inquiète sincèrement pour la Marquise (l’épisode de Prévan montre son inquiétude pour sa complice), celle-ci n’accepte pas ses craintes et les pointe du doigt comme étant la faiblesse de Valmont : « Être orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger mes ressources »).

La première séquence du film de Stephen Frears montre la ressemblance des deux personnages grâce à un montage alterné de dix-huit plans montrant les deux libertins se faire habiller par leurs gens, mais cette ressemblance va vite disparaître, et c’est ce que nous allons voir à présent.

* L’usage de la manipulation

Si la manipulation est utilisée par nos deux libertins sur leurs victimes, elle l’est également entre eux. En effet, la Marquise n’hésite pas à manipuler les choses en sa faveur : elle prévoit un souper pour réunir Valmont, Cécile et Mme de Volanges à la lettre 2 ; elle conseille à Mme de Volanges d’emmener Cécile chez Mme de Rosemonde afin que Valmont puisse s’occuper de Cécile en même temps qu’il se préoccupe de Mme de Tourvel (lettre 63). Si des obstacles se présentent, elle adapte ses stratégies aux circonstances et n’hésite pas à en changer. Elle se sert de tout et de tout le monde pour arriver à ses fins : « Elle demande à Valmont de devenir le confident de Danceny […] mais elle lui interdit de le voir sans sa permission. »[5] (Lettres 38 et 51).

Nous remarquons également l’importance du style dans la stratégie des libertins. Ils manient les mots avec finesse et jouent très souvent sur la polyphonie de ces derniers : nous le voyons par exemple dans le double sens de la lettre 48, dans laquelle il écrit sa lettre sur le dos d’Emilie, ce qu’il explique à la Marquise dans la lettre 47. Ils usent également beaucoup de la flatterie (lettres 2 et 4), et parviennent, par écrit, à feindre des sentiments qui leur sont étrangers. La Marquise de Merteuil fait également appel à l’orgueil de Valmont en lui montrant qu’il met sa réputation en jeu (lettre 113), et qu’il devrait revenir pour ne pas perdre en notoriété : « Au moins ici, pourrez-vous vous trouvez quelque occasion de reparaître avec éclat, et vous en avez besoin » ; « Revenez donc, Vicomte, et ne sacrifiez pas votre réputation à un caprice puéril ».

La manipulation passe aussi par le contrôle des sentiments d’autrui. En effet, Valmont rappelle à la Marquise leur relation passée (lettre 4), afin, sans doute, d’amoindrir son refus d’obéissance. Les deux personnages tentent de se rendre mutuellement jaloux, afin de raviver l’intérêt de l’autre pour soi, et pour leur relation privilégiée : « Savez-vous que vous m’avez rendu jaloux de lui ? » (lettre 15), « vous faites plus que le louer, vous en êtes jaloux » (Lettre 74). Ils ponctuent leurs lettres de détails de leur ébats avec leur conquête, comparent leur victime à leur complice pour toucher son égo, etc. (lettre 10, la Marquise sur joue son attachement pour le Chevalier, afin de rendre jaloux Valmont : « Ce pauvre Chevalier, comme il est tendre ! comme il est fait pour l’amour ! comme il sait sentir vivement ! la tête m’en tourne. » ; dans la lettre 6, Valmont peint un portrait érotique de Mme de Tourvel, ce qui ne laisse pas la Marquise de marbre, puisqu’elle va s’abstenir de lui répondre pendant trois jours, blessée dans son orgueil, jalouse sans l’avouer.) La Marquise va jusqu’à « [s’établir] juge entre [Valmont et Prévan] » (lettre 74), afin de blesser Valmont dans son égo, et de raviver son intérêt pour elle. Elle préfère aussi le Chevalier à Valmont dans la lettre 10 : « Tel est le charme de la confiante amitié : c’est elle qui fait que vous êtes toujours ce que j’aime le mieux ; mais en vérité, le Chevalier est ce qui me plaît davantage ».

La jalousie va jusqu’à mettre en péril leur relation, puisque, bien que privilégiés, leurs rapports se font de moins en moins courtois : dans la lettre 15 par exemple, Valmont n’accepte pas que le Chevalier soit plus qu’une simple conquête : « Je ne vois dans vos Amants que les successeurs d’Alexandre, incapables de conserver entre eux tous, cet empire où je régnais seul.[6] Mais que vous vous donniez entièrement à un d’eux ! qu’il existe un autre homme aussi heureux que moi ! je ne le souffrirai pas ; n’espérez pas que je le souffre. Ou reprenez-moi, ou au moins prenez-en un autre ; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l’amitié inviolable que nous nous sommes jurée ».

Leur relation se disloque peu à peu, jusqu’à devenir un véritable conflit. En effet, dès lors que leurs intérêts divergent, leur relation devient conflictuelle. Celle-ci, basée sur leur confiance mutuelle et leur relation passée comme nous l’avons vu précédemment, est également une relation de rivalité dans laquelle chacun se donne pour objectif de faire céder l’autre, mais où aucun des deux ne veut fléchir. La distance physique qui les sépare se transforme rapidement en un éloignement réel entre les deux personnages : si Valmont tente de minimiser cette mésentente soudaine (« aussitôt qu’on s’éloigne, on cesse facilement de s’entendre »), il est vite contraint de constater qu’ils ne sont « plus du même avis sur rien » (lettre 115). La Marquise de Merteuil est plus directe à ce sujet : « aussi éloignés l’un de l’autre par

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