Lecture analytique, Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre 1 (1782). Manuel p 52-53.
Par Ramy • 31 Mai 2018 • 2 669 Mots (11 Pages) • 1 205 Vues
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I) Une lettre qui construit le personnage de Cécile
a) Souci de gommer la fiction
* Tout semble authentique dans cet échange épistolaire : la correspondance est motivée puisqu'elle semblait promise « je tiens parole » l.1, figure même un post-scriptum évoquant l'envoi de la lettre qui semble attester de la réalité de l'échange. Le discours différé caractéristique du genre épistolaire renforce, pour le lecteur, l'illusion du réel.
* L'échange est au présent, saisissant les faits dans leur actualité . Le scripteur livre ses réactions, ses sentiments, ainsi, Cécile tutoie-t-elle sa destinataire. Alors que dans les codes sociaux dans le XVIIIe siècle, le vouvoiement est requis. Ce choix d’énonciation révèle la grande intimité entre les jeunes filles. De plus, la lettre multiplie les allusions à leur passé commun par exemple les références à Joséphine qui nécessite même une note de la part de l’auteur ou encore le rappel à «Ce jour du tonnerre ». La grande proximité entre les deux jeunes femmes, qui permet à Cécile de s’exprimer avec confiance et honnêteté sur le mode de la confidence, se remarque également dans l’usage de l’apostrophe finale « Ma chère Sophie » suivit d’un « je t’aime ». Cette formule proclame ces sentiments et en utilisant le possessif, traduit la familiarité des jeunes filles. Cécile se désigne elle-même comme « ta pauvre Cécile » à deux reprises (l21-l33). L’usage de l’hypocoristique (marque d’affection familière) à travers le possessif et l’adjectif qualificatif « pauvre »marque l’affection extrême et l’intimité que Cécile exprime. Dans cette confidence, Cécile fait preuve de sincérité, ce qui nous permet de percevoir immédiatement sa personnalité et son état d’esprit. On entre donc dans la vérité du personnage dès les premiers paragraphes.
b) le portrait moral
À première vue, c'est une jeune femme naïve, enfantine qui ne connaît rien de la vie.
Sa façon de s’exprimer est enfantine « maman » est mentionné à 5 reprises. Ce caractère enfantin transparait également à travers la ponctuation exclamative qu’elle emploie souvent, l’interjection « oh » qui trahit la spontanéité naïve.
Le champ lexical du sentiment confirme cette soumission à l’affect « cœur », « honteuse », « tremblement », « rouge », « perdu la tête », « effarouchée ».
Elle découvre avec émerveillement tous les privilèges de sa nouvelle existence, elle se pense libre, mais elle est très soumise aux codes sociaux, elle est encadrée par la morale traditionnelle , le verbe « devoir » est presque conjugué à tous les temps comme si le passé, le présent et le futur étaient une longue suite d’obligation pour Cécile: obéissance à sa mère, les obligations pour les repas, les heures de rencontre programmée par la mère avec qui il n'existe pas de véritable relation en effet, sa mère ne lui a pas parlé de son futur mari : elle ignore donc tout de son avenir et n'est pas préparée à la vie réelle, le couvent la rendu docile et elle attend avec impatience le moment où on lui présentera son futur époux, « le Monsieur » tant attendu (l.26) : c'est un personnage type de la bonne société de l'époque. Cécile incarne la morale chrétienne.
Son nom laisse d’ailleurs entendre les substantifs « vol » et « ange » ce qui la lie à la pureté chrétienne.
Elle est ridiculisée gentiment par l'anecdote du quiproquo avec le cordonnier qui naît de cette impatience. Il est bien vêtu, a de bonnes manières et tient des propos dont l’ambiguïté ne fait qu'ajouter au trouble de la jeune fille. De plus, il tombe à genoux comme le ferait un prétendant ! Elle tire de sa méprise et de la honte qu'elle a éprouvée, une leçon pour l'avenir : il faudra aborder les rencontres futures avec calme et mesure. Le personnage de Cécile est représentatif du personnage de la jeune fille innocente qui a tout à découvrir de la vie et qui aspire à la rencontre amoureuse qui l'emmènera vers la vie adulte, elle n'est pas dangereuse : c'est une adulte encore enfant.
c) le milieu social du personnage
Ce texte permet à Laclos de donner des informations sur le milieu social dans lequel évolue son personnage. Cécile est en effet une jeune aristocrate qui évolue parmi l’élite de la société parisienne. En effet, le texte précise que la jeune femme a une domestique à son service. Elle reçoit également à domicile, les marchands et les fournisseurs puisque viennent jusqu’à elle « quantité d’ouvrières » et « cordonnier ». Ses souliers sont faits sur mesure, ce qui prouve que sa famille a des moyens conséquents. Elle a été élevée au Couvent des Ursulines comme les jeunes filles de bonne famille le sont à l’époque.
Elle peut vaquer à ses occupations (lire, dessiner, jouer de la musique), avoir son coin secret, mais elle peut aussi ne rien faire.
II) la corruption inéluctable du personnage
a) un personnage théâtral et frivole
Cécile est un personnage de théâtre. Tout d’abord, l’univers qui l’entoure est théâtral : la jeune fille est entourée d’objets divers qui fonctionnent comme un décor de théâtre : « bonnets », « pompons », « parures », « un fauteuil ». Ces objets ne sont pas dans l’ordre de l’utile et montrent que Cécile de Volanges est sensible à l’artifice et à la superficialité.
Dans la lettre, lorsqu’elle raconte la scène comique du cordonnier, Cécile fait preuve d’un véritable talent de metteur en scène. Elle annonce le genre comique par le verbe « moquer » et le verbe « attraper » qui longent le lecteur dans une comédie farcesque. Elle précise les gestes « il m’a pris un tremblement … » fait des dialogues concis, et soigne la chute où le cordonnier tombe son masque.
La narration de cette saynète comique souligne que Cécile prend goût à la société théâtrale loin du couvent. Elle n’est plus une religieuse austère, mais une jeune première à la fois fascinée et effrayée par le théâtre de l’amour.
On devine que cette jeune fille naïve et frivole sera la proie des libertins qui vont être maîtres du jeu.
b) Un personnage destiné à être volage
On
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