Protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal
Par Matt • 22 Septembre 2018 • 10 364 Mots (42 Pages) • 648 Vues
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Récemment à la prison de Rebeuss située au cœur de Dakar, un détenu est décédé mardi 20 septembre suite à un mouvement de foule et des affrontements avec les gardiens[7]. Ce qui n’est d’ailleurs pas une première dans cet établissement.
Ceci peut expliquer le fait que, le Sénégal, pays où le renforcement des droits de l'Homme est une priorité commune à tous les niveaux, n'a pas tardé dès son accession à l’indépendance, à édicter des mesures de protection sociale et législative à l'endroit des détenus. La consécration de ces droits trouve son fondement, tout d'abord, dans les instruments juridiques nationaux.
En dehors des codes, la Constitution[8] contient des dispositions garantissant les droits fondamentaux de tout individu. En effet, elle a prévu l'inviolabilité de la personne humaine, de sa sacralité et l'interdiction de toutes formes de détentions arbitraires. Mais, à ces principales dispositions, s'ajoutent l'ensemble des décrets, arrêtés et textes réglementaires qui régissent les établissements pénitentiaires.
Par ailleurs, d'autres mentions relatives aux droits des détenus figurent dans le droit international et sont très générales. Elles obligent à avoir recours à des instruments juridiques internationaux pour définir et interpréter les droits de l'Homme et de la citoyenneté de 1789, de la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Deux traités servent à transformer la dernière en une loi internationale que les États signataires sont tenus de respecter. Il s’agit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les mentions relatives aux droits fondamentaux des détenus figurent aussi dans la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. Dans le même ordre d’idées, il y a aussi des instruments internationaux plus spécifiques. Tel est le cas de l'ensemble des principes pour la protection de toutes personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'un emprisonnement, de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, de l'ensemble des règles minima pour l'élaboration des mesures non privatives de libertés et de la Convention contre la torture et aux peines ou traitements cruels et dégradants. Ces divers instruments déterminent l'étendue de la protection des détenus par la Loi. Ce qui s'avère particulièrement important à l’égard d’une personne privée de sa liberté.
La revendication en termes de droits fondamentaux des détenus est donc un instrument qui a fait des avancées considérables au Sénégal pour lutter contre une conception latente et tenace selon laquelle le détenu n'a pas des droits mais des privilèges que l'administration veut bien lui octroyer.
Les droits de l'Homme sont cruciaux pour la vie humaine, qui plus est en matière d'emprisonnement. La privation de liberté est l'une des pires sanctions qui puissent exister. La situation est alors plus préoccupante pour les détenus d’un pays comme le Sénégal où les prisons se révèlent être des lieux de non-droits[9]. Il est par conséquent important que les règles nationales, régionales et internationales ainsi que les directives garantissant les droits de l'Homme aux détenus soient promues et entièrement protégées afin de se prémunir contre les mauvais traitements et les abus de pouvoir.
Du fait des avantages que la protection de ces droits présente, il serait alors pertinent de se poser la question de savoir : la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal est-elle effective ?
Cette question trouve son bien-fondé dans le sens où malgré l’existence des normes de protection des droits des détenus, il y’a toujours des risques de violations des droits des détenus tant à l’échelle nationale qu’à celle internationale.
L’étude de ce sujet revêt un intérêt primordial, ce dernier pouvant être décliné sous deux aspects. D’abord, dans la théorie, il faudra d’emblée noter la mise sur pied de conventions y relatives, des traités et autres règles juridiques permettant de circonscrire les atteintes aux droits des détenus. Dans cette même logique, la question de la protection des droits des détenus a fait couler beaucoup d’encre de la part de défenseurs des droits de l’homme. Ensuite, dans la pratique, la protection des droits des détenus a suscité la réaction de l’opinion mondiale du fait des violations incessantes et notoires qui ne cessent d’être perpétrées dans presque toutes les prisons. Ce qui a d’ailleurs été la cause de la création de plusieurs organisations internationales, publiques ou privées afin d’assainir le milieu carcéral et de garantir la protection des droits des détenus.
De ce fait, la protection des droits de l’Homme dans le milieu carcéral sera traitée non seulement en fonction du cadre juridique de cette protection mais aussi en fonction du cadre pratique.
Dans cette perspective, important serait de déterminer, en amont, le système de protection des droits de l’Homme dans le milieu carcéral au Sénégal (Chapitre I).
Cependant, malgré l’instauration d’un arsenal juridico-institutionnel pour préserver les droits des détenus, la situation alarmante dans laquelle les détenus sont privés de leur liberté remet en cause la mise en application de ce mécanisme de protection dans le cadre pénitentiaire. C’est d’ailleurs ce qui nous amène à analyser, en aval, l’effectivité de la protection des droits des personnes incarcérées au Sénégal (Chapitre II).
Chapitre I. Système de protection des droits des détenus
La protection des droits fondamentaux des détenus est prévue par un ensemble de textes (Section I). Cependant, soucieuses de l’imminence perpétuelle des atteintes aux droits humains, les organisations d’États œuvrant dans ce cadre ont mis en place un bon nombre d’organismes de défenses des droits des détenus (Section II).
Section I. Les textes protecteurs des droits des détenus
L’arsenal juridique de protection des droits fondamentaux des détenus peut être évalué sous différentes échelles ayant toutes un objectif et une idéologie univoques. En effet, dans cette partie, il s’agira de voir, en dehors de toute considération nationaliste, raciale ou d’appartenance, les normes de protection supranationales en premier lieu (Paragraphe 1). Ensuite, nous verrons, en second lieu, les normes
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