Chambre commerciale 26 mai 2010 - Nantissement
Par Raze • 25 Octobre 2018 • 2 140 Mots (9 Pages) • 727 Vues
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B) La nécessité de trouver un fondement juridique à la cession de créance à titre de garantie
La réforme du 23 mars 2006 a révisé le Code civil, mais la Cour de cassation applique quand même en 2010 les articles tels qu’ils étaient rédigés avant la réforme. Elle applique alors les articles relatifs au nantissement à la cession de créance à titre de garantie. Ces articles ont été abrogés depuis mais ils sont repris en partie par les articles 2355 et suivants du Code civil. En appliquant ces dispositions à la cession de créance, elle souhaitait affirmer le fondement juridique de la cession de créance quand elle prenait la forme d’une sûreté. En effet, en l’espèce, la société emprunteuse avait cédé son droit de percevoir les loyers en garantie d’un prêt. Cette cession n’était pas qualifiée de sûreté alors qu’elle garantissait une créance. Il paraissait alors logique que la Cour de cassation intervienne pour dire que la cession de créance à titre de garantie constituait une sûreté, qui s’analysait comme un nantissement de créance. La Haute juridiction répond aussi à un besoin de classer les sûretés. Elle ne souhaite pas en laisser une sans catégorie juridique. C’est pour cela qu’elle qualifie la cession de créance de nantissement, car cela a pour conséquence de la faire entrer dans la catégorie des sûretés réelles portant sur des meubles incorporels. C’est le cas en l’espèce, dans la mesure où les loyers sont incorporels, ils constituent également des meubles. La Cour de cassation veut faciliter le recours aux sûretés réelles en informant les parties qu’elles peuvent céder une créance et que cela entrera dans le champ du nantissement.
De plus, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, car elle rejette son raisonnement. En effet, les juges ont considérés que la cession de loyers n’était pas un nantissement mais la Cour de cassation n’explique pas ses motivations. Pourtant, c’est un arrêt important, publié au bulletin et largement commenté par la doctrine. On ne sait pas pourquoi la cession de créance constitue un nantissement. Mais comme nous l’avons vu précédemment, la Cour de cassation veut faciliter le recours aux sûretés réelles et veut les qualifier. De plus, la solution parait logique, dans la mesure où la cession de créance venait en garantie d’une dette. On était en présence d’une sûreté qui n’entrait dans aucune catégorie et la Cour de cassation remédie à ce problème en la qualifiant de nantissement. On peut donc en déduire que la solution fera jurisprudence en présumant que la Haute juridiction a rendu cette solution dans un souci de qualification juridique et de donner une place privilégiée au créancier nanti.
II) Une solution profitable au créancier nanti
Dans un premier temps, la Cour de cassation réaffirme les droits du créancier nanti (A), mais elle admet également que l’ouverture d’une procédure collective n’a pas de conséquence sur les droits du créancier nanti (B).
A) La réaffirmation des droits du créancier nanti
Dans le dispositif, la Cour de cassation précise bien que la cession de loyers doit être signifiée au locataire. Elle applique alors les dispositions relatives au nantissement selon lesquelles il doit être signifié au débiteur de la dette nantie. En l’espèce, il s’agit des locataires. Et si cette signification n’est pas faite, alors le nantissement sera inopposable au débiteur. Cette signification a eu lieu et la Cour de cassation en déduit que la société prêteuse avait la qualité de créancier nanti. La signification apparait alors comme une condition pour que la cession de créance soit qualifiée de nantissement.
De plus, l’arrêt consacre le droit exclusif du créancier pour demander le paiement de sa créance. En effet, si le débiteur de la créance garantie ne paie pas, ce qui est le cas en l’espèce, car la société est mise en liquidation judiciaire, ce sera au débiteur de la créance nantie de payer la créance que l’autre débiteur détient contre lui. Et si les loyers ne suffisent pas à couvrir le prêt, il pourra toujours se faire payer sur le prix de vente de la société, mais il devra subir le concours des autres créanciers. C’est pour cela que le législateur lui octroie un droit de préférence. Il sera alors prioritaire pour se faire payer sur la valeur du patrimoine de la société.
Enfin, le créancier bénéficie d’un droit de rétention. Cela s’analyse en un droit de blocage sur les fonds que le débiteur de la créance nantie lui a déjà payé. Mais ce droit est moins efficace dans la mesure où le nantissement est une sûreté réelle sans dépossession. Le nantissement porte souvent sur une créance, qui est un bien meuble immatériel, ce qui veut dire que le créancier ne peut déposséder le débiteur. Il se fera payer sur la valeur du patrimoine de la société. Cependant, il ne lui restera sans doute pas grand-chose après la liquidation judiciaire de la société et le concours des autres créanciers. C’est pour cela que la jurisprudence affirme que l’ouverture de la procédure collective n’a pas de conséquences sur les droits du créancier nanti.
B) L’absence de conséquence de l’ouverture d’une procédure collective sur les droits du créancier nanti
La procédure collective n’a pas de conséquence sur les droits du créancier nanti. C’est ce qu’affirme la Cour de cassation en opposition avec la décision des juges d’appel. En effet, ces derniers avaient considérés que la cession de créance n’était pas un nantissement et que de ce fait, le créancier devait subir le concours des autres créanciers lors de l’ouverture de la procédure collective. Mais le créancier bénéficie toujours d’un droit exclusif pour demander le paiement au débiteur de la créance nantie. Si la cession de créance n’était pas analysé comme un nantissement, alors les loyers seraient perçus dans le cadre de la procédure collective et le créancier ne récupèrerait que ce que la procédure pourra lui donner. Or, en l’espèce, le créancier bénéficie d’une créance nantie, ce qui lui permet de percevoir les loyers à la place des autres créanciers lors de la liquidation de la société.
Ainsi, l’ouverture d’une procédure collective n’a aucune influence sur les droits du créancier, ce qui lui est beaucoup plus favorable. En effet, une procédure collective demande des sacrifices aux créanciers qui ne sont pas toujours sûrs de récupérer leur argent. La Cour de cassation essaie de concilier les intérêts des parties, c’est-à-dire
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