Commentaire comparé des arrêts de : la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 février 2013 et de la Cour d’Appel de Paris du 27 février 2014
Par Ramy • 26 Juin 2018 • 3 413 Mots (14 Pages) • 781 Vues
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Dès lors, il semble que compte tenu des enjeux, l’interprétation des textes en cause soit nécessaire dans un tel contexte (I). Pour autant, il apparait que la pratique découlant de cette interprétation est source d’insécurité juridique (II).
- La nécessaire interprétation des textes
Il semble que l’enjeu du sort du contrat en l’espèce réside dans le fait que le créancier a tout intérêt ce que soit appliqué le régime de droit commun du gage mobiliers sans dépossession, tant le régime spécial de l’article L.527-1 et suivants du Code de commerce paraît critiquable (A). Cet intérêt en toile de fond, le problème est suscité par le fait que l’ordonnance dont les deux régimes sont issus semble particulièrement équivoque concernant le régime applicable (B) notamment dans le cas où, comme en l’espèce, ils trouvent tous les deux terrain à s’appliquer.
- Un régime spécial critiquable
La Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt en date du 27 février 2014 rappelle en premier lieu le fait que les parties ont « expressément choisi » de se référer au régime de droit commun du Code civil. Au-delà de la liberté contractuelle, il est judicieux de s’interroger sur l’opportunité de choisir un tel régime. En effet, par leur choix, les parties se démarquent volontairement d’un régime spécialement consacré au gage sans dépossession portant sur des stocks conclu par un établissement de crédit au profit d’un débiteur professionnel a été introduit par l’ordonnance du 23 mars 2006. Comme le souligne la majorité de la doctrine, il apparaît alors que ce choix se justifie lorsqu’on tient compte des conditions et des effets des deux régimes.
Ainsi, concernant les conditions de forme, le régime spécial impose sous peine de nullité un écrit devant comporter sept mentions comme le précise l’article L.527-1 du Code de commerce, là où l’article 2336 du Code civil n’impose que trois mentions pour que le gage soit parfait, ce qui signifie que l’omission d’une mention n’entache pas le gage de nullité. De plus, sous l’empire du régime spécial, la publicité est imposée dans un délai de 15 jours sous peine de nullité, alors que le régime de droit commun impose la nullité afin que le gage soit opposable aux tiers. Sur le fond, la différence entre les deux régimes est là encore des plus frappantes, notamment lorsqu’on tient compte du sort réservé au pacte commissoire. Ce pacte se matérialise par une clause par laquelle un créancier gagiste obtient de son débiteur qu’il deviendra propriétaire de la chose gagée en cas de non-paiement. Le régime spécial prohibe formellement, dans l’article L.527-2 du Code de commerce le pacte commissoire. Le régime de droit commun, lui, admet la validité d’une telle clause comme l’illustre l’article 2348 du Code civil. Ainsi, il apparaît que les régimes divergent, tant sur les conditions de forme, que sur le fond. Or en l’espèce, les parties ont prévu dans leur contrat de gage un pacte commissoire. Dès lors, on peut admettre le fait que cette clause soit un des éléments fondamentaux du contrat étant donné la faveur qu’elle offre au créancier, ce qui met bien en avant l’enjeu direct que pourrait avoir la décision sur le régime applicable. En effet, selon l’arrêt rendu par la Cour d’Appel, à partir du moment où l’inexécution est avérée, la banque devient propriétaire du stock gagé sans aucune autre formalité supplémentaire ce qui accélère le recouvrement de la créance de celle-ci, qui pourra revendre ce stock. A contrario, si l’on suit la décision rendue par la Cour de cassation, le régime spécial s’impose et la banque pour recouvrer sa créance ne pourra que demander l’attribution judiciaire du gage ou la vente du bien gagé conformément à l’article L.527-10. Dès lors, les avantages du régime de droit commun apparaissent comme évidentes tant compte tenu de la simplicité qu’il offre et de son étendu, contrairement au régime spécial.
Ainsi, dans une telle situation, le créancier a largement intérêt à se détourner d’un régime spécial très critiqué par les praticiens, pour préférer l’application du régime de droit commun. Néanmoins, peut-on dire que le législateur par l’intermédiaire du gouvernement entend réellement lui offrir cette possibilité ?
- L’imprécision législative quant au régime applicable
Il semble que la question de la possibilité pour les parties de se placer sous l’empire du régime de droit commun plutôt que sur le régime spécial soit sujette à débat, et c’est le problème en l’espèce, comme le souligne la Cour d’Appel, qui indique effectuer un « examen du texte » compte tenu du « doute » suscité, ce qui illustre l’idée d’une législation imprécise et pour le moins équivoque.
En effet, l’ordonnance du 23 mars 2006 résultant de la loi du 26 juillet 2005 a profondément modifié le régime juridique des gages mobiliers en introduisant dans le Code de commerce un régime spécial destiné aux gages portant sur les stocks. Le problème vient du fait qu’il semble que la rédaction de cette ordonnance soit ambiguë. Ainsi, l’article L.527-1 du Code de commerce indique le fait qu’un crédit consenti par un établissement de crédit à un débiteur dans le cadre son activité professionnel « peut » être garanti par un gage sans dépossession des stocks selon le régime spécial, mais on ne sait pas si le législateur a voulu signifier l’existence d’un choix parmi d’autres sûretés, ou encore si celui-ci voulait marquer la possibilité offerte aux parties de choisir d’appliquer le régime de droit commun plutôt que ce régime particulier. De plus, aucun texte n’interdit spécifiquement le recours par un établissement de crédit au droit commun pour le gage sur stocks consenti à un débiteur professionnel. La rédaction équivoque de ce texte pose d’autant plus problème lorsqu’on prend en considération le fait que les deux régimes, concurrents, peuvent dans certaines situation, avoir vocation à s’appliquer de manière concomitante, comme c’est précisément le cas en l’espèce, compte tenu du fait que tous deux semblent applicables dans le cadre d’un gage sans dépossession portant sur des stocks. En outre, la difficulté s’accentue encore plus lorsqu’on s’aperçoit que l’ordonnance, en plus d’insérer un régime spécial, a également apporté des modifications importantes au régime de droit commun. En effet, si l’intervention du gouvernement de l’époque n’avait eu pour effet que d’insérer un régime spécial,
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