Les promesses unilatérales croisées - Chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 novembre 2005
Par Matt • 24 Novembre 2017 • 2 330 Mots (10 Pages) • 747 Vues
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B. L'affirmation du principe selon lequel l'échange de promesses unilatérales croisées valent vente définitive
Pour rejeter la demande des consorts X, la cour d'appel retient donc que les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et d'achat devenues caduques à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l'option. Cependant, la Cour de Cassation juge, au contraire, que l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les mêmes termes. Elle affirme qu'en statuant comme elle l’a fait, la cour d'appel a donc violé les articles 1134 et 1589 du Code civil. L'article 1589 du Code civil énonce que « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Si cette promesse s'applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s'établiront par le paiement d'un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain. La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte ». Au double visa des articles 1134 et 1589 du Code Civil, la Cour de cassation décide donc que les vendeurs peuvent demander exécution forcée de la promesse d’achat, et que l’expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l’option n’a donc aucun effet ; en raison de « deux promesses réciproques, qui ont le même objet et qui sont stipulées dans les mêmes termes ». Les juges de la Haute juridiction procèdent donc à une requalification en promesse synallagmatique de vente valant vente définitive. L’arrêt de la Cour est intéressant car contrairement à la volonté des parties les juges décident de qualifier la situation de vente, ce qui comporte de nombreuses conséquences concernant le régime juridique applicable et on notera que cet arrêt est largement critiquable (II).
- La solution de la Cour de Cassation soulevant de nombreuses critiques
La solution de la Cour de Cassation tend à être critiquée, puisqu'elle méconnaît l'utilité du mécanisme des promesses unilatérales croisées dont elle condamne inexorablement la pratique (A), et qu'elle néglige le rôle de la volonté des parties, la nature et le régime des promesses unilatérales (B).
- A. Une solution qui méconnaît l'utilité du mécanisme des promesses unilatérales croisées dont elle condamne inexorablement la pratique
Aux termes des promesses croisées, chaque promettant s'oblige à conclure le contrat si l'autre partie, bénéficiaire, en manifeste le souhait. Chacune des deux parties est donc investie d'un droit d'option qui lui permet de former le contrat. Le mécanisme associe de la sorte incertitude et sécurité. L'un et l'autre des contractants sont assurés de pouvoir réaliser la vente si telle est finalement leur intention définitive, avec l'avantage de n'être pas subordonné au bon vouloir de leur cocontractant. Mais il n'est pas certain, au jour de l'échange des promesses, que la vente définitive se réalisera. Il est parfaitement possible, qu'aucune des deux parties ne lève jamais l'option dont elle est bénéficiaire. C'est dans le domaine des transferts de droits sociaux qu'elles sont employées le plus fréquemment comme dans l'arrêt en l'espèce, qui illustre bien l'usage qui peut en être fait dans le cadre des cessions de contrôle échelonnées. Pour diverses raisons, par exemple, il est possible que l'acquéreur de la majorité des titres n'ait pas voulu ou pu acheter la totalité des titres offerts, et que cette acquisition ultérieure soit rendue possible par l'initiative de l'une ou l'autre des parties, sans qu'elle soit certaine. Ainsi le bénéficiaire de la promesse de vente des droits sociaux peut, lever l'option dans le délai de celle-ci, afin d'exclure le promettant de la société. Mais ce dernier est également bénéficiaire d'une promesse d'achat, qui lui permet de sortir de la société, en forçant son cocontractant à lui racheter ses titres. La position de la Cour de cassation consistant à les assimiler à une promesse synallagmatique valant vente, en condamne inexorablement la pratique. L'association subtile entre sécurité et incertitude, qu'offrait la réciprocité des promesses, est balayée en faveur d'une translation immédiate et grossière, qui ne correspond évidemment plus à l'objectif global des parties. Pour rester dans le seul domaine du droit des sociétés, la position de la Cour de cassation conduit, dans le cadre de certaines clauses de rupture stipulées au sein de pactes d'actionnaires, à supprimer purement et simplement le caractère incertain que les associés contractants eux-mêmes ont voulu donner à la formation de la vente et à la sortie corrélative de la société par l'un d'entre eux. Au regard de l'intérêt indéniable que présentent, en pratique, les promesses croisées, on ne peut que critiquer la position de la Cour de cassation car la solution n'est pas fondée non plus en droit, puisqu'elle néglige le rôle de la volonté des parties, la nature et le régime des promesses unilatérales (B).
- B. Une solution qui néglige le rôle de la volonté des parties, la nature et le régime des promesses unilatérales
Pour la Cour de cassation, deux promesses unilatérales croisées constituent de plein droit une promesse synallagmatique de vente valant vente, à moins – et telle est la seule exception possible – que les deux promesses réciproques n'aient pas le même objet ou bien qu'elles soient conclues à des conditions différentes. Cependant il est discutable de nier, comme le fait la Cour de Cassation, la possibilité d'une autonomie des promesses réciproques d'achat et de vente ayant le même objet et conclus dans les mêmes termes. L'affirmation revient à conférer à l'article 1589 du Code civil une puissance qu'il n'a pas, à en surestimer la portée, au détriment de la liberté contractuelle. Que l'on sache, l'article 1589 du Code civil n'est pas d'ordre public, et l'on reconnaît aux parties le pouvoir, alors pourtant
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