Arrêt du 26 mai 2006 : les avants contrats
Par Christopher • 22 Mai 2018 • 2 115 Mots (9 Pages) • 538 Vues
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Il complète l’avancée permise par l’arrêt du 10 février 1999 par la possibilité de substitution du bénéficiaire du pacte de préférence à l’acquéreur sous les mêmes conditions que pour l’annulation. La Cour de cassation restaure ainsi dans cet arrêt la force obligatoire du pacte de préférence en posant l’attendu de principe selon lequel « si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». La cour de Cassation se positionne ainsi en faveur de l’article 1134 du code civil en ce que tout créancier a droit à ce qui lui était promis. En effet, l’indemnisation n’intéresse à priori pas la victime de l’inexécution, il attend un transfert de propriété. S’exerce alors une contrainte sur le débiteur qui ne peut plus vendre son bien au tiers mais qui demeure tenu de son obligation de le vendre. La réparation délictuelle du tiers de mauvaise foie réalise en même temps le droit du bénéficiaire du pacte. Le respect de la volonté des parties et la sécurité juridique sont à nouveau l’inquiétude essentielle de la jurisprudence.
L’arrêt du 26 mai 2006 s’inspire clairement de l’avant-projet de réforme du droit des obligations comme le démontre Pierre-Yves Gautier, puisque sur le terrain des obligations de faire de l’article 1142, l’article 1154 prévoit que « l’exécution de faire s’exécute si possible en nature ». Pour cette raison et par le revirement opéré par la Cour de cassation réunie en chambre mixte, cet arrêt répond aux progrès attendus par la doctrine.
Si ce revirement de jurisprudence consacre la force obligatoire du pacte de préférence et marque une évolution majeure de la sanction de la violation des contrats préparatoires, il est d’une efficacité limitée en raison de la difficulté probatoire des conditions qu’il soumet.
- L’efficacité relative d’un revirement soumis à des conditions d’applications rigoureuses
Le revirement de jurisprudence opéré le 26 mai 2006, même s’il est apprécié, impose des conditions de preuve décevantes car presque insurmontables (A) et implique de perfectionner encore les modalités de sanction de cette solution d’une efficacité relative (B).
- Une double condition quasi impossible
Les deux exigences de connaissance de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir comme conditions de l’annulation de la vente tierce et de la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers acquéreur posent une importante difficulté probatoire. Si la publicité foncière a eu lieu alors elle est accessible au public. Toute personne intéressée par l’achat d’un bien immobilier est tenue de se renseigner et ne peut ignorer l’existence d’un pacte de préférence. La première condition est donc en l’espèce de l’arrêt du 26 mai 2006 remplie.
La preuve de l’intention du bénéficiaire de se prévaloir de son droit de préférence est ensuite peu pertinente tant elle implique d’établir une double preuve psychologique, à savoir une preuve dont l’objet ne peut être directement établi selon la définition de J. Carbonnier (Droit Civil, vol. I). On retrouve ici la probatio diabolica, c’est-à-dire la preuve diabolique parce qu’impossible qui a souvent poussé le juge ou la loi à créer des présomptions pour rendre la preuve possible. Cette deuxième condition est d’une part impossible à établir en ce que le bénéficiaire du pacte de préférence ne peut avoir aucune intention de se prévaloir de son droit s’il n’est lui-même pas informé de l’intention de vendre du débiteur. D’autre part, la connaissance de cette volonté, eut-elle existé, par le tiers acquéreur, nécessiterait la mauvaise foie de ce dernier dont la preuve est impossible à rapporter, l’article 2268 du code civil disposant de ce fait que la bonne foie est toujours présumée. Preuve de l’application impossible du principe posé par l’arrêt du 26 mai 2006, le revirement est indolore puisqu’en l’espèce les conditions ne sont pas réunies. La troisième chambre civile de la Cour de cassation poursuit ce revirement de jurisprudence dans un arrêt du 31 janvier 2007 en reprenant le principe de l’arrêt de 2006. Cependant il rejette à nouveau la substitution, la preuve qu’en l’espèce le tiers acquéreur connaissait l’intention du bénéficiaire de se prévaloir de sa préférence faisant défaut.
- Le bienfait relatif de la solution apportée
Suite à une nouvelle violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire avait obtenu gain de cause devant la Cour d’appel de Metz prononçant l’annulation de la vente et la substitution du bénéficiaire dans les droits de l’acquéreur. La Cour de cassation avait rejeté le pourvoi faisant grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Metz dans un arrêt du 14 février 2007, l’annulation et la substitution étant pour la première fois réalisées.
Cette situation est à nuancer car assez exceptionnelle étant donné que la connaissance du pacte de préférence par le tiers résultait de la remise d’un exemplaire du bail et qu’un litige préexistant entre le promettant et le bénéficiaire mentionnait dans l’acte notarié constatant la vente avec le tiers, l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. La preuve reste donc redoutable sauf dans certains cas où le tiers acquéreur est un associé du bénéficiaire par exemple ou encore dans les situations de famille.
La preuve à rapporter est d’autant plus discutable qu’elle permet au tiers de conclure le contrat en violation d’un pacte de préférence tout en le protégeant. En définitive, la fraude supposée, mais impossible à démontrer, entre le promettant et le tiers leur profite doublement puisqu’ils concluent la vente tout en renforçant leur position.
D’autre part, certains arguments s’opposent à la sanction proposée par la Cour de cassation en 2006. D. Mainguy prend l’exemple d’un fiancé qui se marierait finalement avec une autre femme où il serait impensable de substituer la fiancée dans les droits de la mariée à moins de violer délibérément la liberté contractuelle. On entend aussi que si le promettant a préféré contracter avec un tiers, c’est qu’il y trouvait certains avantages, la substitution du bénéficiaire
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