Lecture analytique sur "L'albatros" des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire
Par Orhan • 19 Avril 2018 • 1 676 Mots (7 Pages) • 820 Vues
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- V5 : « A peine les ont-ils déposés sur les planches »
Terme « à peine » → le caractère soudain de la transformation brutale
- Le mouvement des phrases
1er quatrain : succession d’enjambements → présentation de l’oiseau en vol, d’une liberté qui paraît infinie
3ème quatrain : Phrases plus courtes, exclamatives, rythme plus hâché → souffrance de l’albatros
- Mélange des sonorités :
3ème quatrain : accumulations de sonorités produisant un effet désagréable en « e », assonance déjà présente dans la strophe précédente avec le « eu » de « honteux » V6, « piteusement » V7, « à côté d’eux » V8 et l’allitération en « c » et assonance en « gu » comme « gauche » V9 et une cacophonie « comique et laid » V10
- Handicap brutal de l’albatros qui apparaît sur la terre
Pour Baudelaire, la chute de l’albatros est un drame car il quitte le ciel. Or, le ciel représente l’idéal du poète, de part la liberté qui s’en dégage. Cet oiseau semble alors symboliser son ressenti d’enfermement sur le sol et du désespoir de ne pas accéder à l’Idéal.
III/ Un récit allégorique
A/ Du récit au symbole
- Dernier quatrain : comparaison entre le « poète » et « le prince des nuées » (=albatros) → analogie entre le poète et l’albatros → en partie la clé du poème → nouvelle interprétation de la scène évoquée auparavant
- Aucun élément purement descriptif dans le poème :
Marins = « hommes d’équipage » V1 (périphrase)
Bateau = les « planches »V5 (synecdoque)
Capture esquissée→ « prennent »V2
Le poème laisse au lecteur une liberté d’interprétation de part les descriptions approximatives. Cependant, l’idée phare du poète reste l’analogie entre lui et l’albatros.
B/ L’identification de l’albatros au poète
- Une interprétation différente du même élément
V2 : article indéfini pluriel « des albatros → titre : « L’albatros », article défini singulier → valeur générale et symbolique de l’oiseau
- Le personnification de l’oiseau : v3 : « indolents compagnons de voyages », v9« voyageur ailé », v6 « rois de l’azur », v12 « infirme qui volait »
- Ces termes créent un paradoxe, car le lecteur ne sait pas s’il s’agit du poète ou de l’albatros.
- Identification à l’oiseau par le motif de l’aile
V16 : « ses ailes de géant l’empêchent de marcher », écho à « leurs grandes ailes blanches » V7, « voyageur ailé » V9 et « qui volait » » V12.
Cette image assure à la fois l’unité du poème et le passage de l’anecdote au symbole. Cela nous incite alors à un déchiffrement.
C/ Le déchiffrement : la double condition du poète
- L’albatros : une figure de grandeur
Poète = être singulier ← grandeur physique et morale
Signification symbolique du poème se lit dans l’image de l’oiseau ← idée de grandeur et détachement par rapport au monde matériel : « indolent[s] » V3, rêveur, il plane au-dessus di navire et des « gouffres amers » v4. C’est une image de Baudelaire des abîmes de l’existence et du temps, il « hante la tempête et se rit de l’archer » V14 → il se moque des atteintes provenant de la terre.
La supériorité morale et spirituelle du poète vis-à-vis des hommes est donc liée à un univers aérien et céleste (IDEAL). Le poète est donc celui qui se complaît dans les sphères de l’Idéal.
- Une contrepartie douloureuse : un sentiment d’inadaptation et d’exclusion → figure du poète maudit
- Les deux derniers vers de l’Albatros révèlent le revers douloureux du génie : l’incapacité de s’adapter aux réalités de la vie ordinaire et donc un sentiment constant d’exclusion. La chute du géant est suggérée stylistiquement par une rupture de construction, → anacoluthe « Exilé sur le sol […] / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher »
- Cette inadaptation à une existence où dominent la médiocrité, la vulgarité, l’utilitarisme et la bassesse suscite la moquerie et le rejet des hommes qui l’insultent : v15 les « huées » → climat d’agression et de brutalité
- Ridicule et sublime, telle est l’alliance qui définit la grandeur du poète et sa chute, sa déchéance parmi les hommes.
Ce poème se présente donc comme une parabole dont le déchiffrement nous est livré en dernière strophe : l’albatros est la représentation allégorique du poète : un être supérieur et isolé, marginal, incompris et méprisé qui n’est plus dans son élément lorsqu’il quitte les hautes sphères de l’inspiration et de l’idéalité. Il se sent maudit et étranger dans une société qui ne le comprend plus. Mais l’albatros est aussi plus largement le symptôme de la dualité de l’homme, cloué au sol, embarrassé dans les dépendances matérielles alors qu’il inspire à l’infini, à l’idéal représenté par l’azur.
Mais Charles Baudelaire n’est pas le seul poète à se supérioriser. En effet, Victor Hugo exprime également son sentiment d’être « supérieur » aux Hommes dans « La fonction du poète » des Rayons et les ombres. Il se place en tant qu’intermédiaire entre Dieu et l’Homme et, selon lui, c’est le poète qui détient toute la vérité, qui découle directement de la parole divine.
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