Dissertation de droit des personnes
Par Junecooper • 19 Octobre 2018 • 20 806 Mots (84 Pages) • 789 Vues
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Elle s’attache à un support qu’est le corps humain, mais à un corps vivant. Ainsi s’explique que l’article 1er du Code la famille dispose que « la personnalité commence à la naissance et cesse au décès ». L’exigence de vie transparaît à l’alinéa suivant, lorsque le législateur sénégalais envisage la situation de l’enfant simplement conçu en posant la règle qu’il puisse être titulaire de droit s’il naît vivant.
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Nous relevons donc que la durée de la personnalité juridique de la personne physique est concomitante à l’existence d’un corps humain vivant. Aussi, nous envisagerons successivement le corps humain, support de la personnalité juridique (section 1) et le corps vivant (section 2) pour pouvoir apprécier l’existence de la personnalité juridique.
Section 1 : Le corps humain, support de la personnalité juridique
La personnalité juridique étant une donnée naturelle, le droit ne peut se passer des éléments biologiques pour appréhender l’existence de la personne (notons que l’histoire a connu des époques où le droit civil considérait l’homme comme acteur de volonté et qu’il a existé des êtres humains sans personnalité juridique ; ce fut le cas des esclaves mais aussi des morts civils).
Le corps est une notion de fait ; son appréciation relève des sciences biomédicales. Le corps, c’est l’enveloppe charnelle et ce qu’elle renferme : les organes (coeur, poumons, reins, …) mais aussi les tissus (peau, os, cornée,…) et les cellules. Le corps humain est la personne elle-même contrairement aux thèses de la philosophie spiritualiste et libérale occidentales du 19e siècle qui faisait de la volonté l'essence de la personnalité (Comme le souligne le Doyen Carbonnier, le fou, l'enfant en bas âge n’en sont pas moins des personnes). Le corps humain faisant la personne humaine, l'article 7 de la constitution sénégalaise du 7 janvier 2001 dispose que "la personne humaine est sacrée. Elle est inviolable. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger".
Le corps s’identifie donc à la personne ; il est la personne incarnée. La personne est corps et esprit (le corps sans vie, que l’esprit a quitté, devient une chose). Sujet et non objet de droit, il sert de support à la volonté, sans être soumis à son pouvoir. Ainsi se trouve tranchée le débat sur la nature du corps humain. Le corps doit être respecté en tant que constituant de l’être humain et donc de la personne humaine. A ce titre, il doit être protégé.
Cette protection passe par l’affirmation de quelques grands principes qui tendent à assurer le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. C’est d’abord le principe de l’inviolabilité (article 7 de la Constitution du 7 janvier 2001) selon lequel nul ne peut attenter à l’intégrité de son prochain (cette affirmation s’adresse tant au particulier qu’à l’Etat mais plus au premier qu’au second car ce dernier peut avoir des motifs valables de violer ce principe, notamment pour
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des besoins de santé publique ou de sécurité). C’est ensuite le principe de l’indisponibilité (ou de non-patrimonialité) selon lequel le corps ne peut faire l’objet de convention : le corps ne constitue pas un bien mais une res sacra, une chose sacrée (article 7 précité). Cette indisponibilité traduit un désir, une volonté de personnification du corps. Elle place le corps humain hors du commerce (est ainsi exclut toute aliénation totale du corps). Elle n’exclut pas cependant que certains actes gratuits portant sur des produits du corps puissent être faits. C’est notamment le cas des dons d’organes et de sang.
Encore faudrait-il que ce corps soit en vie pour que la personnalité juridique puisse y être attachée.
Section 2 : Le corps vivant
Si le droit s’intéresse au corps humain pour en faire le support de la personnalité juridique, c’est à la condition que ce corps soit vivant. La vie est donc un élément essentiel de l’existence de la personnalité juridique. Elle permet d’en fixer les limites temporelles. Le droit ne la définit pourtant pas, se contentant de la saisir par ses deux extrêmes que sont la naissance par laquelle la personnalité juridique s’acquiert et le décès par lequel elle se perd. Il est évident que cette méthode est une approximation car des évènements peuvent survenir qui peuvent faire naître un doute sur la vie et donc sur l’existence de la personnalité juridique. D’où nos trois paragraphes successifs sur l’acquisition de la personnalité, la perte de la personnalité et les incertitudes.
Paragraphe 1 : L’acquisition de la personnalité
Aux termes de l’article 1er du Code de la Famille, « la personnalité commence à la naissance ». C’est donc par la naissance et à la naissance que s’acquiert la personnalité juridique. En tant que personne, l’enfant vient au droit et au monde en même temps. Cela paraît être une évidence. Pourtant, ce n’est qu’approximation. En effet, l’alinéa 2 du même article dispose que « l’enfant peut acquérir des droits du jour de sa conception s’il naît vivant ». Il apparaît que la personnalité juridique peut être acquise à la naissance (c’est le principe) ou à la conception.
A. La naissance
A bien comprendre le sens de l’article 1er du code de la famille, la personnalité juridique débute à la naissance. Jusqu’à cet instant précis, en effet, l’enfant n’a pas de
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personnalité ; il n’est que, pour reprendre l’expression latine, pars viscerum matris (un morceau des entrailles de sa mère). Fait juridique, la naissance se manifeste par l’accouchement, dont, comme le relève le Doyen Carbonnier, « la section du cordon ombilical marque le terme ». A ce moment s’extériorise l’aptitude à être sujet de droit. Il est donc important que ce fait soit constaté de manière incontestable.
Il importe de préciser que la naissance est le fait de naître vivant. Il en découle que le mort-né n’est pas une personne. L’enfant mort-né est celui qui était déjà mort dans sein de sa mère. Il est à distinguer de celui
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