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Des cannibales-Montaigne

Par   •  6 Novembre 2017  •  1 968 Mots (8 Pages)  •  857 Vues

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Remarque : les numéros de lignes dans l'analyse suivante ne correspondent pas aux lignes du texte ci-dessus.

Annonce des axes

Etude

I - La description au service de l’argumentation, l’illustration de la relativité des jugements

A - La pratique des cannibales (lignes 1 à 18)

C’est une description diptyque ou comparative des deux pratiques guerrières. La première partie permet à Montaigne d’asseoir sa thèse. La barbarie est là pour représenter une extrême vengeance. Aucun modalisateur n’est employé, il n’y a donc aucun jugement et aucune prise de position. Le ton du discours est généralisateur. Il compare plusieurs fois les indiens aux européens, il analyse d’abord les armes qu’il compare à celle des européens. Puis, il met en avant leur attitude acharnée et extrême au combat, c’est à dire qu’ils ne connaissent pas le sentiment de la peur. Enfin, le trophée change de nature puisque c’est la tête de l’ennemi et non son drapeau. L’expression « chose emerveillable » signifie plutôt inhabituel. Il adopte leur point de vue pour expliquer le cannibalisme : il y a à la fois l’intérêt social : « une grande assemblée, au plus cher de ses amis (l.10-11-12), en commun »et un intérêt symbolique : « pour représenter une extrême vengeance ». Le prisonnier est présenté comme un être humain et Montaigne considère les sauvages comme des êtres raisonnables puisqu’ ils fonctionnent selon des principes internes à leur société, ils respectent leurs coutumes et qu’elles sont raisonnées, comme le dit l’incise « ce n’est pas comme on pense ». Ils sont capables d’un jugement rationnel car ils ne le font pas pour se nourrir mais pour se venger, ils ont un rituel qui renforce la cohésion du groupe.

B - La perversion des sauvages (lignes 18 à 30)

On a à faire à une description des mœurs des européens à travers le regard des sauvages, ce qui sera une pratique très utilisée au XVIIIème siècle. L’expression d’ « autre monde », prend toute sa valeur. Il y a la volonté de Montaigne de se mettre à leur place pour comprendre cette société. Les Portugais sont décrits dans leurs pratiques de vengeance avec un regard encore plus critique puisqu’ils sont ralliés aux ennemis des sauvages. La torture est suivie de la mort, les verbes à l’infinitif ne situent pas l’action dans le temps. Le jugement que portent les indiens paraît lucide et justifié car ils peuvent discerner le bien du mal : l’expression « plus grand maîtres qu’eux » est un jugement de valeur et « malice » un jugement de morale. Ils établissent un jugement hiérarchique du mal et « vices » montre qu’ils ont une notion morale du bien et du mal. L’imitation du mal est explicable donc rationnelle. Ils font le choix de quitter leur façon ancienne pour cette nouvelle façon. Les Indiens sont présentés dans leur barbarie plus humains que les Européens.

II - Le paradoxe du jugement humain, l’intervention de Montaigne et sa prise de position

L’horreur que l’on peut éprouver peut ne pas nous faire prendre conscience de nos propres barbaries car on est aveuglé (ligne 32, « nous soyons si aveugles aux nôtres »). Mais en même temps, il n’est « pas marri » que nous remarquions l’horreur. Son argumentation passe par la concession devant l’horreur pour amener un contre-argument qui est notre propre aveuglement. On remarque de nombreux modalisateurs, comme les verbes d’opinion aux lignes 30 et 32, l’utilisation du « nous » et du « notre », l’intensif « si » qui renforce l’erreur de jugement et l’expression « qui pis est » dans la parenthèse et qui induit les guerres de religion et invite le lecteur à partager son jugement. Si les barbares tuent leurs victimes avant de les manger, les européens font pire, dit-il (l.34). Le corps mort est rôti puis envoyé aux amis chez les Indiens alors qu’il est donné aux pourceaux et aux chiens chez les Portugais. On a une opposition descriptive qui fonctionne avec tout ce qui est dit auparavant mais qui met en avant les pratiques des européens et elle continue dans la réalité contemporaine en pire. Il continue sa réflexion non entre des ennemis anciens mais entre voisins et concitoyens. De cette société qui se dit civilisée, on pourrait attendre une perfectibilité mais ce n’est pas le cas (la notion de perfectibilité humaine est apparue au XVIIIème siècle avec Rousseau). Les guerres de religions ont mis en pratique des barbaries qui viennent à nous interroger sur la barbarie des Indiens.

Conclusion

On a à faire à la critique de Montaigne sur l’attitude paradoxale au regard de la raison des jugements que portent les européens sur les coutumes de l’autre monde. Le point de vue exposé renvoie à leurs propres contradictions. Il rapporte des pratiques barbares qui ne viennent pas d’un passé lointain mais de l’époque contemporaine de Montaigne. Les guerres de religion sont la vraie barbarie puisque dans un même collectif, les hommes vont se déchirer.

L’ethnocentrisme européen permet de se voiler la face, de ne pas voir nos erreurs et nos contradictions.

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