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Séparation et équilibre des pouvoirs

Par   •  29 Novembre 2018  •  2 503 Mots (11 Pages)  •  387 Vues

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Cependant, Charles Eisenmann (« L’esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges Raymond Caré de Malberg) remet en cause la théorie de Montesquieu, et de ce fait, la doctrine dite classique, basée sur le principe de spécialisation organique et le principe d’indépendance. Selon les auteurs de la doctrine classique, les trois fonctions étatiques sont séparées. Tout d’abord, fonctionnellement (indépendance), puis personnellement (aucun de ne peut révoquer l’autre), et enfin matériellement (ce qui implique aucun contact entre les différents organes). Pour Eisenmann, cette idée est erronée, car on ne trouve pas de séparation fonctionnelle ou matérielle. Il remet donc en cause la séparation stricte et classique des pouvoirs, en avançant que les pouvoirs entre eux entretiennent déjà des relations qui vont au-delà du simple pouvoir de se limiter entre eux. En effet, le pouvoir législatif est confié à la fois au Parlement et au Gouvernement, car le monarque doit approuver les lois que les deux chambres vont voter. De même, le pouvoir exécutif est remis au Gouvernement, mais le Parlement a le droit de contrôler son activité. Enfin, le pouvoir judiciaire est exercé par les tribunaux, mais certaines procédures criminelles appartiennent au Parlement. Par exemple, en Angleterre, la loi est un acte commun entre le parlement et le monarque : elle est adoptée par « the King in his Parliement ». Aujourd'hui encore, une loi ne devient une loi que si elle est revêtue du « Royal Assent ».

Ainsi, un certain nombre de relations existent entre les organes, au-delà de la simple possibilité de se limiter l’un et l’autre. Ce qui nous amène à reconsidérer le principe de la séparation des pouvoirs.

- La réinterprétation contemporaine de la séparation des pouvoirs

Mises en place à différentes échelles par les Etats, la séparation des pouvoirs fait face à de nouvelles interprétations (A), dont l’équilibre est assuré aujourd'hui par plusieurs acteurs (B).

- Une nouvelle séparation des pouvoirs et sa mise en pratique dans les Etats

La séparation des pouvoirs a fait face à de nombreuses interprétations d’auteurs et philosophes, parfois même totalement erronées, mais qui répondaient à la peur de l’absolutisme, comme on a pu le voir chez les révolutionnaires français. La séparation des pouvoirs, nous l’avons vu précédemment, ne peut pas être aussi stricte, car d’autres relations existent. Néanmoins, Charles Eisenmann avance que « l’idée de séparer les autorités étatiques est complètement absente de l’esprit des lois ». En effet, Montesquieu, exprime simplement qu’ « il ne faut pas que deux quelconques des trois fonctions soient réunies intégralement dans les mains d’un seul ». A aucun moment Montesquieu ne développe l’idée d’une séparation des pouvoirs pure.

Pour assurer un gouvernement modéré et l’exercice tempéré du pouvoir politique, Eisenmann met en lumière le fait que, si deux organes auraient voulu pouvoir s’arrêter l’un l’autre, ce n’est pas en partageant des fonctions différentes dans des organes différentes, mais plutôt en exerçant la même fonction dans le même organe. En effet, « ne se mouvant pas dans le même plan, comment pourraient-ils manifester des volontés équivalentes – et également valables – de sens contraire ? ». L’équilibre des pouvoirs intervient quand deux organes sont « enchaînés l’un à l’autre d’une chaîne qu’ils ne pourraient briser par aucun moyen », c'est-à-dire par un procédé de compensation et de dépendance, résumé par Eisenmann : « puisqu’ils ne pourraient rien l’un contre l’autre, ni l’un sans l’autre ». Ainsi Parlement et Gouvernement partagent à la fois l’exécutif et le législatif.

La nature et l’intensité des relations entretenues entre l’exécutif et le Parlement déterminent le type de régime politique considéré, selon que le principe de séparation des pouvoirs fait l’objet d’une interprétation plutôt stricte ou souple. Dans le premier cas, les pouvoirs sont séparés et indépendants (régime dit présidentiel), et dans le second, les pouvoirs sont séparés mais interdépendants (régime dit parlementaire). L’expression « régime présidentiel » aurait été inventée par l’auteur anglais Walter Bagehot en 1867, pour rendre compte du rôle prédominant du président aux Etats-Unis, dans le cadre d’un régime politique fondé sur un équilibre entre les pouvoirs exécutifs et législatifs confiés à des organes séparés et indépendants. Ce régime a également été observé en France lors de la monarchie constitutionnelle de 1791 ou la République de 1848. Chaque pouvoir se font face et disposent chacun de leur propre légitimité et de leur propre sphère d’action. Le chef de l’Etat est l’unique détenteur du pouvoir exécutif, seule sa responsabilité pénale peut être mise en jeu (technique de l’impeachment aux USA). Les pouvoirs législatifs sont quant à eux confiés à un parlement élu, qui dispose du monopole de l’initiative législative. Les deux pouvoirs n’entretiennent ainsi qu’un minimum de relations et ne peuvent se renverser l’un l’autre.

Par opposition à ce régime, on oppose traditionnellement le régime parlementaire, plus souple (Léon Duguit en pose les différents principes dans son Traité de droit constitutionnel). Le gouvernement tire sa légitimité de la confiance que lui accorde le parlement. Les pouvoirs entretiennent d’étroites relations de collaboration, peuvent s’influer l’un l’autre, et se révoquer mutuellement (motion de censure contre droit de dissolution).

Ces deux types de régimes prouvent bien que la séparation des pouvoirs est interprétée différemment. L’équilibre des pouvoirs est assuré par la juste compensation et la dépendance qu’entretiennent principalement les pouvoirs exécutif et législatif. D’autres acteurs assurent cependant un équilibre, peut-être plus durable, entre les pouvoirs.

- Un équilibre assuré par plusieurs acteurs

La séparation des pouvoirs doit pouvoir être garantie et protégée par différents acteurs, face à la survalorisation du pouvoir exécutif dans certains régimes, au détriment du pouvoir législatif, qui amène donc un déséquilibre des pouvoirs. Cette survalorisation passe par le phénomène du « fait majoritaire », c'est-à-dire par la constitution de groupes majoritaires au sein des parlements qui sont solidaires avec le gouvernement, et évidemment avancent de concert avec lui. Autre problème : ils n’utilisent

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