Les pouvoirs du président de la République
Par Junecooper • 4 Octobre 2017 • 2 304 Mots (10 Pages) • 829 Vues
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l’élection du président de la République au suffrage universel direct marque un tournant dans l’histoire des institutions françaises dans le sens où l’équilibre des pouvoirs envisagé par les constituants de 1958 connaît de profondes modifications, la Ve République originellement conçue comme un régime parlementaire se muant en un régime de type semi-présidentialiste. En effet, par ce mode de scrutin, le Président bénéficie du soutien direct du peuple et acquiert une légitimité démocratique. Il devient le représentant élu des Français, ce qui consacre la prépondérance de sa position par rapport au Premier ministre et aux députés.
En outre, depuis la révision constitutionnelle de 2002 qui calque la durée du mandat présidentiel sur la durée de la législature des députés, l’élection législative a pour principale fonction de donner au Président les moyens de gouverner en mettant en place une majorité qui lui est acquise.
Dans ce contexte, le caractère parlementaire du régime s’est progressivement effacé au profit d’une lecture présidentielle, le Président de la République apparaissant comme le véritable chef de l’exécutif mais n’étant pas responsable devant le Parlement.
B) La récente responsabilisation politique du Président
En effet, la tradition institutionnelle a longtemps consacré le principe de l’irresponsabilité politique du Président qui n’avait dès lors pas de compte à rendre au Parlement et ne pouvait pas être contraint à la démission. Ainsi, le chef de l’État jouissait d’un statut privilégié qui le mettait à l’abri de toute destitution. Cependant, si ce statut se justifiait sous les IIIe et IVe Républiques, temps où les prérogatives présidentielles n’étaient pas très étendues, les innovations institutionnelles de 1958 ne s’accordaient plus avec l’irresponsabilité politique. En effet, l’importance des pouvoirs présidentiels ne pouvait plus justifier une telle procédure. Pourtant, elle a été maintenue par les constituants de 1958 et accrue dans la pratique par les successeurs du Général de Gaulle qui n’ont jamais cru devoir endosser la responsabilité d’un échec référendaire ou assumer les conséquences politiques d’élections législatives défavorables.
Ainsi, le désaveu du peuple n’a jamais, hormis le Général de Gaulle qui voyait dans le référendum le moyen de tester la confiance que lui portaient ses électeurs et qui a démissionné suite au résultat négatif de 1969, poussé les présidents de la Ve République, à reconnaître une responsabilité politique qu’aucune disposition constitutionnelle ne garantissait.
Cependant, depuis la révision constitutionnelle de 2007 réformant le statut du Président, une procédure de destitution a été mise en place qui sanctionne les atteintes à la fonction présidentielle.
Cette destitution est décidée par le Parlement qui prend donc une sanction politique en mettant un terme au mandat présidentiel. Mais si ce mécanisme de responsabilité politique est bien effectif depuis quelques années, il n’en est pas moins très strictement encadré, ce qui limite considérablement son utilisation. En effet, pour enclencher la procédure, il faut préalablement obtenir l’approbation des deux tiers des membres des deux assemblées législatives alors que la destitution elle-même doit recueillir l’adhésion des deux tiers des membres des assemblées réunies en Haute cour pour pouvoir être prononcée.
II. Une position conditionnée par la réalité institutionnelle
Mais la lecture proprement textuelle que nous venons de faire des pouvoirs du Président n’est pas suffisamment éclairante pour permettre de comprendre la réalité du fonctionnement de la fonction présidentielle. En effet, la pratique révèle une réalité très différente où l’on voit le texte constitutionnel être appliqué différemment en fonction de la conjoncture politique (A) ou des acteurs en jeu (B).
A) L’influence de l’échiquier politique
Dans la pratique, une application différente du texte constitutionnel est née qui varie selon la configuration de l’échiquier politique.
Ainsi, il faut distinguer entre périodes dites « normales » et périodes de cohabitation où le chef de l’État est contraint de coexister à l’Assemblée nationale avec une majorité qui lui est politiquement opposée.
Dans les périodes dites « normales », la pratique révèle un renforcement de la fonction présidentielle au détriment du Premier ministre et de son gouvernement. Ainsi, alors que les pouvoirs du Président font l’objet d’une interprétation extensive, certains pouvoirs du gouvernement se vident de leur substance et deviennent presque nominaux.
Le chef de l’État et le chef du Gouvernement étant issus d’une même force politique :
- le Président devient le véritable chef de l’exécutif : il dirige l’action gouvernementale et s’immisce dans des domaines réservés au législatif ;
- le Président perd sa neutralité de chef au-dessus de toute tendance politique : il devient le véritable chef de la majorité parlementaire et est protégé du risque que son gouvernement soit mis en cause par l’Assemblée nationale ;
le Président bénéficie du soutien de l’Assemblée nationale ;
le Premier ministre est responsable devant lui et joue le rôle de « fusible ».
Dans ces cas de figure, la lecture de la Constitution va dans le sens de la présidentialisation du régime évoquée précédemment et entraîne une confusion des pouvoirs au détriment du Premier ministre et de son Gouvernement ;
ex. : le recours à l’article 11 de la Constitution à des fins de révision (référendum de 1962) est contestable et a été vivement contesté.
Dans les périodes de cohabitation, la réalité rejoint presque le texte constitutionnel, le nouveau rapport de force conduisant à l’affaiblissement de la fonction présidentielle et au renforcement du Premier ministre et de son Gouvernement.
En effet, le chef de l’État s’efface temporairement au profit du Premier ministre qui est responsable devant l’Assemblée nationale. Le caractère dyarchique de l’exécutif réapparaît alors tel qu’il est défini dans le texte constitutionnel.
Le chef de l’État et le chef du Gouvernement étant issus de forces politiques opposées :
- le chef du
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