La Constitution du 5 fructidor an III
Par Christopher • 9 Novembre 2017 • 4 978 Mots (20 Pages) • 811 Vues
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La Constitution de l'An III est précédée d'une Déclaration des Droits doublé d'une Déclaration des devoirs de l'Homme et du citoyen ce qui est totalement nouveau au regard de la tradition constitutionnelle révolutionnaire mais à la fois plus libérale et moins démocratique. La Déclaration des droits donne immédiatement le ton : les articles les plus « dangereux », tels ceux prévoyant le suffrage universel, la souveraineté nationale ou le droit à l'insurrection, sont éliminés et remplacés par des articles prônant les vertus domestiques (« nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux »).
Si l'on se souvient des scrupules des constituants de 89 à introduire des devoirs dans leur déclaration, ces hésitations n'ont plus cours après les excès de la Terreur. Pour limiter les risques d'exploitations des droits déclarés, les thermidoriens y ajoutent une déclaration des devoirs. L'article 1er de la Déclaration des devoirs en justifie l'existence par rapport aux droits : « la déclaration des droits contient les obligations des législateurs [du pouvoir par rapport aux droits des citoyens] ; le maintien de la société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs devoirs [à l'égard de la société] ».
La suppression de l'article 1 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » est significative : Il n'est plus question de droits naturels et imprescriptibles de l'homme, mais seulement des droits de l'homme en société qui sont la liberté et l'égalité définies d'une manière plus restrictive, la sûreté et la propriété.
Par esprit de conservatisme, les constituants de l'an III ont voulu marquer la soumission de l'individu au corps social et l'identité nécessaire entre l'éthique civique et la morale domestique. Les devoirs de l'homme et du citoyen mettent en réalité « le moralisme politique au service de la prose bourgeoise ».
La Constitution définit mieux la liberté de religion, la liberté de la presse, mais elle ne comprend plus la déclaration d'égalité de tous les hommes, qui a notamment permis de réclamer le suffrage universel.
On ne parle plus de l'égalité civile. Le droit à l'insurrection est supprimé. On ne parle plus du droit au travail ni à l'assistance et l'on voit paraître une déclaration des devoirs : c'est tout un code de morale civique ; parmi des devoirs les principaux sont le respect de la propriété et le devoir militaire.
Des droits de 1793, ne subsiste que l'interdiction de l'esclavage, les droits sociaux ont disparu ; c'est bien l'expression d'une conception restrictive des droits de l'homme pour empêcher toute revendication sociale se fondant sur la déclaration.
Les 9 articles consacrés aux devoirs illustrent la nouvelle conception de l'ordre social, conception ambiguë de la morale politique calquée sur des préceptes empruntés à une morale privée traditionnelle. Est posé comme essentiel, le respect « religieux » de l'ordre, de la société, dont la cellule essentielle est la famille – règles qui s'imposent au corps social.
B- L'acte constitutionnel, restriction de la citoyenneté du peuple Français
La Constitution de 1795, se réfère encore à la souveraineté du peuple. La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français, ce n'est pas pour autant que la souveraineté populaire au sens classique du terme.
Les conventionnels ont décidé la suppression du suffrage universel mais ses rédacteurs reprennent un système censitaire à deux degrés, limité et indirect comme en 1791, pour écarter de l'électorat les masses populaires, dont ils craignent un vote trop à gauche ou trop à droite, engendrant le retour de la Terreur ou celui de la monarchie de l'Ancien Régime.
Les conditions du cens sont a priori plus larges que celles prévues en 1791 pourtant le suffrage est indirect et les conditions du cens restrictives: est électeur du premier degré tout citoyen français de 21 ans, domicilié dans un canton depuis au moins un an, et payant une contribution foncière ou personnelle, ou une « contribution patriotique » c'est à dire qu'il n'y a pas de condition de cens pour les Français qui ont fait une ou plusieurs campagnes militaires pour l'établissement de la République.
Sont citoyens encore les citoyens qui paient une contribution volontaire égale ou supérieure à trois jours de travail. Dès l'an VII doit être instauré, de plus, un cens culturel, en référence aux Lumières et à l'idée d'une République gouvernée par les plus éclairés : « Les jeunes gens ne peuvent être inscrits sur le registre civique, s'ils ne prouvent qu'ils savent lire et écrire, et exercer une profession mécanique … Cet article n'aura d'exécution qu'à partir de l'an XII de la République ». Ainsi, la Souveraineté n'appartient pas à la Nation mais aux « citoyens » (suffrage censitaire, parce que le peuple n'est pas assez « éclairé » ; en réalité la bourgeoisie confisque le pouvoir).
En théorie, le suffrage est plus large qu'en 1791 puisqu'il n'y a pas de plancher d'imposition, : il y a 6 000 000 d'électeurs primaires. Mais les conditions d'accès à la citoyenneté sont moins généreuses qu'en 1791. La distinction ente citoyen actif et citoyen passif n'excluait pas de la citoyenneté ceux qui ne pouvaient justifier du paiement de contributions suffisantes. Simplement, ils ne pouvaient pas voter. En 1795, le cens électoral est une condition déterminante de l'octroi de la souveraineté. La nuance est d'importance, l'inscription au cens est nécessaire pour être citoyen. Ces électeurs se réunissent au chef lieu de canton pour désigner les électeurs secondaires.
Est électeur secondaire tout citoyen du premier degré âgé de 25 ans, propriétaire, ou locataire ou usufruitier d'un bien évalué à/ou produisant un revenu compris entre 100 et 200 jours de travail, conditions remplie par seulement 30 000 Français, c'est à dire environ deux fois moins qu'en 1791. Réunis au chef lieu de département , ils élisent chaque année les députés sans condition de cens, en même temps que les juges, les administrateurs de département etc.
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