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L'ordre public en droit international privé

Par   •  8 Mars 2018  •  16 477 Mots (66 Pages)  •  672 Vues

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mesure d’épuiser la notion.

Selon la définition donnée par le Doyen Cornu,13 l’ordre public renvoie, dans un pays donné,

à un moment donné, à l’état social dans lequel la paix, la tranquillité et la sécurité publiques

ne sont pas troublées. Mais ce serait, plus concrètement, au sein d’un ordre juridique, le terme

servant à caractériser certaines normes juridiques qui s’imposent avec une force particulière.

En d’autres termes, et pour en emprunter à la formule de Planiol, une norme serait d’ordre

public « toutes les fois qu’elle est inspirée par une considération d’intérêt général qui se

trouverait compromise si les particuliers étaient libres d’empêcher l’application de la loi ».14

Ainsi entendu, l’ordre public serait le prétex te à l’entrave de certaines actions humaines

jugées non conformes aux standards communautaires, ou susceptibles de mettre en péril

l’ordre social.15

Expression singulière s’il en est, l’ordre public, par ses manifestations plurielles, innerve

cependant toutes les disciplines du droit. Dans une étude16 pénétrante consacrée aux rapports

entre impérativité et ordre public en droit communautaire et droit international privé, une

auteure observe opportunément que, « l’ordre public est un concept inhérent au droit. Il

apparaît en effet dans toutes les disciplines juridiques. Il est au cœur du droit ».17

A titre d’illustration, en droit administratif, l’ordre public est la férule privilégiée de

l’administration, pour faire échec à l’exercice de libertés publiques (liberté de circulation,18

d’association, de culte et, plus généralement, de manifestation), au prétexte de prévenir un

trouble à l’harmonie et à la quiétude sociales. Au demeurant, dans cette discipline, l’ordre

public a acquis implicitement ses lettres de noblesse en ce qu’il fonde et légitime, plus que

jamais, le pouvoir régalien et discrétionnaire de l’Etat dans la prise et la mise en œuvre de

mesures exceptionnelles justifiées par les circonstances, ainsi que l’a reconnu, d’ailleurs, la

Cour européenne des droits de l’homme, dans une espèce récente.19 Par ailleurs, en matière de

sécurité des personnes et des biens, le droit administratif s’accommode désormais de

« déclinaisons » de la notion : de plus en plus, implicitement, voire explicitement, il est admis

l’ex istence d’un ordre public sécuritaire,20 d’un ordre public sanitaire, 21 d’un ordre public

culturel ...22

En droit privé, spécifiquement en matière civile contractuelle, l’ordre public qui, pour la

circonstance, arbore un visage de partenaire idéal dans le couple circonstanciel qu’il réalise

avec les bonnes mœurs,23 est l’instrument privilégié de contrôle de la conformité de

l’ex pression de la volonté des parties à l’exigence collective.

Pareillement, en droit pénal,24 l’ordre public fonde et justifie l’existence du triptyque

infraction-responsabilité-répression pénales, afin de sanctionner les troubles les plus graves à

celui-ci. Même les disciplines juridiques relativement contemporaines, qui n’avaient pas encore

pleinement intégré cette notion, commencent à y faire référence, de manière de plus en plus

marquée, voire à l’élever désormais au ran g de principe fondateur de leur existence ou, à tout

le moins, de leur importance. Ainsi, en droit de l’environnement,25 après une formulation

timide, l’existence d’un « ordre public écologique »26 est désormais clairement affirmée27 et

revendiquée. Cependant, ces illustrations au plan purement interne n’épuisent pas la notion, car « l’ordre public ne se laisse enfermer ni dans une définition, ni dans un catalogue ».28 Plus que jamais, l’ordre public apparaît comme un étalon sauvage, le “unruly horse”, selon la formule heureuse du juge Lord Denning, illustrant, par cela même, sa nature à la fois réelle et insaisissable,29 qui vogue au gré des disciplines juridiques qu’il aborde.

Aussi, tel un serpent de mer, l’ordre public ressurgit-il en droit international public, voire

même dans les relations internationales, originairement sous la forme de jus cogens,30 en tant

qu’un ensemble de « règles d’importance fondamentale pour la communauté internationale

dans son ensemble auxquelles les Etats ne pourraient, à peine d e nullité, déroger par des

conventions particulières ».31 N’est-ce pas en effet lui qui justifia, d’une certaine manière ou,

en tous les cas, de façon officielle et au nom de la préservation de la sécurité, de la stabilité et

de la paix internationales, la levée de bouclier de l’ONU et, avec elle, de la communauté

Cependant,

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