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Une République, trois républiques

Par   •  23 Novembre 2018  •  2 653 Mots (11 Pages)  •  454 Vues

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Ces facteurs permettent à la « République sans républicains » de s’effacer petit à petit et laisser voir le jour à la République des modérés (parfois appelée la République des Jules (Jules Ferry, Jules Grévy...). Peu à peu, les républicains, minoritaires au départ, ont su faire leur place au cœur du pouvoir en profitant de la faiblesse et de la désunion du camp adverse : les monarchistes. Cette république des modérés va essayer d’implanter le modèle républicain à travers plusieurs vecteurs.

L’école devient la pierre angulaire du régime. A travers les lois de Jules Ferry (1881 et 1882) on rend l’école obligatoire, gratuite et laïque à tous les enfants de 6 à 13 ans. Ces établissements ne sont toutefois pas mixtes. Cette école va peu à peu récupérer le terrain qu’elle avait perdue sur l’Eglise et ses congrégations. On instaure l’éducation civique et morale qui remplace l’éducation religieuse. On y forme véritablement à la culture républicaine et au civisme en y instaurant une unité linguistique (on apprends le français et on délaisse les langues régionales) et une unité sociale (par le port de l’uniforme « l’égalité » est respectée). Les lois Ferry s’appliquent d’autant plus facilement qu’elles sont facilitées par d’autres lois prisent dans la première partie du XIXe siècle faisant accéder le plus d’élèves à l’école. Le facteur de la revanche est aussi à prendre en compte. En effet certains prétendaient que le très faible taux d’analphabétisme de la Prusse avait joué lors de sa victoire.

Le modèle républicain est aussi instauré à travers l’architecture et le décorum national. On assiste à une totale restructure de Paris (dont Zola se fait le témoin) et plus largement de la France entière. On y construit des mairies, on renomme les places. Le drapeau tricolore est présent. On investit l’espace vécu. On proclame la fête nationale, l’hymne devient la marseillaise, Marianne est l’allégorie de la République. Investir l’espace permet au pouvoir de contrôler mais aussi de développer au mieux ses idées. Faire en sorte que tout le monde soit acquit aux idées républicaines permet d’ancrer le régime et de le stabiliser, d’autant plus qu’il subit de nombreuses crises.

Ces crises sont importantes et plurielles. Les adversaires de la République restent nombreux. Même si à partir de 1880, les monarchistes ne pèsent plus trop dans l’échiquier politique, une nouvelle droite nationaliste commence à prendre racine. La crise boulangiste en est l’exemple le plus probant. En 1887-1889 la France est touchée d’une grave crise économique, Grévy est contraint de démissionner. Le modèle républicain semble fragile et susceptible d’être renversé. Le général Boulanger (ancien ministre de la guerre) a su se rendre populaire par des réformes démagogiques et en appelant à une guerre de revanche contre l’Allemagne. Il devient l’idole de tous les mécontents et réunit autour de lui des hommes de tous bords. Tous espèrent l’utiliser, d’autant plus que le général professe des idées vagues dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître. Il est élu à Paris en janvier 1889. Le programme boulangiste combine démocratie et autorité, raison et passion, se veut « social » et « national » : participation des travailleurs pour leur propres bénéfices, impôts progressif, caisses de retraites, nationalisation des chemins de fers, protection du travail national. La crise boulangiste est une étape fondamentale dans le développement d’un nouveau nationalisme qui fait reposer la défense de la nation sur la réalisation de l’ordre intérieur (lutter contre les corrompus, les ennemis internes comme les juifs, l’antiparlementarisme). L’aventure boulangiste fait revivre les vieux fantômes que la république tente d’exorciser depuis 1870. Il y a une véritable crainte du césarisme par le renforcement de l’exécutif. Le boulangisme échoue surtout parce qu’il y a une véritable culture républicaine très marquée au XIXe, attachée au parlementarisme. Il se suicide en 1891.

L’autre grande crise qui marque cette période c’est l’affaire Dreyfus.

Comme nous l’avons vu, être républicain au début du XXe c’est être un partisan inconditionnel du régime et défendre les institutions contre un potentiel exécutif fort – ou du moins d’un pouvoir personnel qu’était susceptible d’incarner Boulanger. En 1898 on assiste à la condamnation pour espionnage du Capitaine Dreyfus et celle-ci apparait comme une erreur judiciaire. Elle débouche sur une grave crise divisant la famille républicaine (à gauche partisans d’une vérité et défendant le droit de l’individu face à la raison d’état contre les monarchistes et les nationalistes qui accusent le « syndicat juif » de « salir l’armée »). C'est alors que Zola, dans l'Aurore, publie son célèbre « J'accuse ». Il s'en prend aux chefs militaires et aux juges du conseil de guerre, ce qui lui vaut une condamnation à la prison. Le camp des dreyfusards s’identifie à la République en excluant ses adversaires même s’ils sont partisans du régime. A partir de l’affaire Dreyfus, être républicain c’est considérer que la défense des droits de l’homme passe avant la raison d’Etat, être anticlérical (en réaction au camp anti-dreyfusard), montrer une méfiance systématique envers l’autorité (en particulier l’armée – ce qui ne signifie pas négliger la défense de la Patrie). C’est aussi défendre les opprimés contre les puissances établies.

De l’affaire Dreyfus, on assiste à l’émergence des radicaux, fondamentalement anticléricaux qui accèdent au pouvoir dans les années qui suivent. Leurs principales revendications sont anticléricales. Ils promulguent des lois qui interdisent aux congrégations d’enseigner mais surtout, les radicaux sont connus pour avoir promulgué la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905).

Cette loi enracine l’idée républicaine que la religion n’a rien à faire avec l’état. Celui-ci tente de s’émanciper du pouvoir spirituel qui est une menace pour la République. Il ne peut pas y avoir deux états dans l’Etat. D’autant plus que cette loi met fin définitivement au concordat qu’avait signé Napoléon avec l’Eglise. On enterre définitivement l’Empire. Les radicaux sont accusés d’avoir causé l’apostasie de la Nation. L’église avait tout de même déjà perdu de son influence puisque les idées socialistes, anarchistes et marxistes prenant du terrain, instauraient souvent le déclin de la religion (il y a un fort lien entre la politisation à gauche et l’affaiblissement

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