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Souveraineté populaire, souveraineté nationale

Par   •  8 Juin 2018  •  2 096 Mots (9 Pages)  •  642 Vues

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Cette construction de la souveraineté nationale dissimule le fort appétit de pouvoir de la bourgeoisie victoriante de 1789. Cette souveraineté est indivisible, elle appartient à un seul être collectif qui est fait pour cela et qui ne peut l’aliéner sans se dissoudre ; elle est donc inaliénable mais aussi impréscriptible. La nation englobant le passé, le présent et l’avenir, il n’y a pas de division possible. Cette souveraineté est aussi indépendante des individus physiques puisqu’elle est, par contrat, réservée à cet être collectif. Par conséquent cela exclu toute démocratie directe. Elle appartient donc à la nation, aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice, le but étant de rendre titulaire de la souveraineté la nation et non le peuple.

La souveraineté nationale implique l’existence d’un régime représentatif dans lequel le pouvoir législatif est détenu par une assemblée parlementaire élue par le peuple constitué en corps politique tant dis que la souveraineté populaire implique, pour sa part, des mécanismes de démocratie directe tels que le mandat impératif ou les référendums.

II) Une distinction politique aboutissant à une synthèse

Cette distinction qui s’opère entre la souveraineté populaire et la souveraineté nationale a des conséquences sur la conception même de la représentation et du suffrage ; des conséquences qui vont faire aboutir à une synthèse des deux souverainetés dites opposées.

A) Conséquences sur le suffrage et la nature du mandat

De ces deux conceptions émanent deux logiques différentes pour l’exercice de la représentation, tant pour ce qui est du suffrage que pour la nature du mandat. Pour ce qui est du suffrage, il diverge d’une théorie à l’autre. Dans la théorie de la souveraineté nationale, le pouvoir appartient à la nation. Cet être mythique doit donc s’incarner. Ce n’est pas un droit que de choisir les représentants, c’est une fonction, d’où la théorie de "l’électorat fonction". L’élection par les citoyens étant le meilleur moyen de désigner les représentants. Selon Montesquieu dans son ouvrage Esprit des Lois, "le peuple ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée", d’où la possibilité dans cette théorie de l’électorat fonction de restreindre le corps électoral. Le critère longtemps choisi fut le cens, mais on pouvait aussi choisir le suffrage familial (une voix par enfant). A l’inverse, dans la théorie de la souveraineté populaire, chaque citoyen a une part de la souveraineté et chacun a le droit de s’exprimer. Ici, l’électorat est un droit exercé sous des réserves de condition d’âge. Par nature le suffrage est universel. En 1848 le suffrage universel masculin est proclamé mais c’est en 1945 que le suffrage deviendra véritablement universel avec le droit de vote des femmes. C’est la théorie de "l’électorat droit". En ce qui concerne la nature du mandat, elle diverge également d’une théorie à l’autre. Dans la théorie de la souveraineté nationale, le représentant a un mandat dit "délibératif" (ou représentatif). Il a été choisi pour représenter la nation. Il cherche quelle est la volonté de ses électeurs en délibérant par sa seule conscience sans se soucier de l’avis de ses électeurs. Il n’est pas nécessaire d’avoir une concordance. Ce représentant ne peut être révoqué et il est de même interdit d’avoir un intermédiaire entre lui et la nation. Les citoyens nomment des représentants pour l’utilité commune et pour chercher l’intérêt général alors que le député agit en conscience et dans l’intérêt général des citoyens. C’est la conception du mandat délibératif ou représentatif. A l’inverse, dans la théorie de la souveraineté populaire, les représentants sont élus pour transmettre la volonté du peuple, ils ont une délégation, un mandat impératif et doivent se tenir au contact de leur délégants qui peuvent les révoquer. La volonté générale est l’addition de toutes ces délégations, la résultante de l’addition de ces volontés particulières. Ces deux conceptions sont très opposées et pourtant elles tendent aujourd’hui à être largement confondues dans la pratique dans une sorte de synthèse.

B) Une distinction de plus en plus confondue

Quand bien même la souveraineté nationale et la souveraineté populaire ont toujours été conceptuellement opposées, il en résulte aujourd’hui que cette distinction se dissipe de plus en plus afin de laisser place à une union entre ces deux types de souverainetés. Au XXIè siècle, en France, on a une idée de souveraineté essentiellement nationale. Mais cependant, il y a l’influence de l’autre théorie et dans la pratique, il y a une confusion entre les deux. Il est vrai que le suffrage est universel et considéré comme un droit ouvert à tous avec une seule condition : l’âge (passé de 21 à 18 ans en 1874) ; que la France est une République (article 1 de la Constitution) dont l’égalité de tous les citoyens est proclamée et garantie ; et que les élus sont encadrés par des partis (ces groupes ont une discipline de vote et ces députés essayent de maintenir un lien avec leurs électeurs). Dans ce cas, on constate que ces faits appartiennent à la théorie de la souveraineté populaire. Cependant, parallèlement, les représentants ont un mandat délibératif non révocable (article 27 de la Constitution) ; une représentation qui est le circuit politique habituel (en matière législative, le référendum est exceptionnel et limité) ; et une démarche individuelle prévue pour les candidats (tout le monde peut se présenter). Dans cet autre cas, on constate alors que ces faits sont des éléments de la théorie de la souveraineté nationale. Cette synthèse est traduite dans l’article 3 de la Constitution de façon ambiguë : "la souveraineté nationale appartient au peuple". En réalité, la synthèse s’est faite historiquement autour de l’idée de la souveraineté parlementaire. L’assemblée nationale est le lieu où s’exprime la volonté nationale et est l’objet réel le plus proche de l’objet mythique qu’est la nation. La force de l’assemblée nationale est inévitable : on filtre les référendums et le contrôle des représentants est interdit. Le plus facile étant de passer par le parlement. En 1962, Paul Reynaud montre que "le peuple est ici et pas ailleurs" dans la question du référendum direct sans vote du parlement. Le débat théorique est moins important dans ses effets que le débat sur la méthode de représentation

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