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Racine - Phèdre

Par   •  23 Octobre 2017  •  2 563 Mots (11 Pages)  •  422 Vues

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(qui est celui de Rome, César et Hippolyte). Remarquons aussi les réactions contradictoires du sang : elle pâlit (retrait du sang) et rougit (afflux du sang). L’amour apparaît alors comme un principe mortifère, glaçant (pâlit) et comme exaltation de la puissance de vie (rougit). Dans ce vers, se lit déjà le destin de Phèdre : voit, aime, meurt. Les mots « Vis » « vue » encadrent et enferment le vers : Phèdre prise au piège du regard. 40 : alliance concret (« trouble ») /abstrait (« âme »). Description vague du sentiment amoureux, difficile d’en qualifier la nature, de le reconnaître : âme = « éperdue » => amour comme perte de soi. 41 : vers haché, paratactique => difficulté à ordonner ce sentiment. Imparfait : un état global, pas un simple passage. Aveuglement et mutisme : impuissance morbide qui rappelle châtiments divins (la cécité et le mutisme sont souvent des punitions divine dans la mythologie).

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« Mes yeux ne voyaient plus » : Phèdre comme extérieure à elle-même. Corps apparaît comme puissance maléfique dont elle a perdu le contrôle. 42 : comme dans le vers précédent, amour se remarque par les symptômes qu’il laisse sur le corps. Il est décrit comme une pathologie : état fiévreux (« transir » et « brûler » = froid et chaud comme pour la fièvre). Polysyndète (deux fois « et ») = encore dérèglement syntaxique pour dérèglement mental. L. 43-44. De l’ordre de la médecine (v. 39-42), on passe à l’ordre mythologique avec vénus. Qu’est-ce donc que le mal amoureux : une maladie ou une malédiction ? Avec « brûler » du vers précédent, « feux » prend un sens concret aussi. « Sang » peut se lire autant dans son sens physiologique (mélancolie) que mythologique (le sang = la famille). Amour provoque des tourments à la fois abstraits et concrets. Le sang-famille renvoie à sa mère Pasiphaé qui a copulé avec un taureau => thématique de la monstruosité. Comme sa mère, Phèdre ressent une passion monstrueuse = l’inceste. Le sang implique des « tourments inévitables » : il est ici question de fatalité (« inévitables »). Fatalité d’un type spécial : fatalité de la passion et du corps donc fatalité dans l’intimité. Phèdre condamnée à éprouver des passions monstrueuses. « Vénus » : voile pour dire passion interdite. Assonance en « u » et en « ou » des vers 43-44. Grande musicalité dans l’évocation de la misère amoureuse => ordre de la mélopée, de la lamentation, du chant.

Second mouvement : la fausse solution religieuse L. 45-54 : cérémonie d’expiation. 1ère réponse au mal vécu comme une fatalité : le sacrifice divin pour conjurer malédiction. La construction de temple est un motif que l’on retrouve dans les romans/pièces galant(e)s. Ce motif est ici inversé : le temple n’est plus l’occasion d’une sublimation de l’être aimé mais un pas de plus dans la déraison de Phèdre. Par ailleurs, l’amour apparaît comme une perturbation du rapport au divin : la passion détourne Phèdre de la vénération de Vénus (ou Dieu) et la ramène à Hippolyte. Passion amoureuse s’immisce dans le dialogue avec divinité et rend Phèdre idolâtre (aime un mortel au lieu de Dieu). Ainsi v. 46, le pronom « lui » est ambigu quant à son référent : parle-t-elle de Vénus ou d’Hippolyte ? Cette ambiguïté est voulue pour montrer la confusion mentale opérée par la passion amoureuse. 47-8 : grande musicalité (allitérations, tétramètre) + amplitude majestueuse des 2 vers. Mise en avant du mot « victimes » : se considère ainsi par rapport à Dieu, va se sacrifier à son amour. Ce mot annonce aussi le martyre à venir d’Hippolyte. 48 : on retrouve l’alliance concret (« flancs ») / abstrait (« raison ») de la galanterie, mais encore une très grande violence. Ces 2 vers rappellent la folie bien connue d’Ajax (dans l’Iliade, Ajax, furieux de ne pas avoir reçu les armes d’Achille, devient fou et pense égorger tout son camp la nuit, mais Athéna a brouillé sa vision et ce qu’il prenait pour des hommes était en réalité des bêtes ; véritable massacre). 49 : vocabulaire médical (« incurables », « remèdes ») mais avec tonalité tragique. On retrouve encore l’idée que le corps est l’instrument de la fatalité. Noter la rime « impuissants » / « encens » : annonce échec de la solution religieuse. 50-1 : dissociation main/bouche ; cérémonie extérieure / cœur. Expérience de division de l’être tiraillé entre la raison et ses passions. « En vain » en amorce : mettre en avant inefficacité. Rejet « j’adorais Hippolyte » : rupture dans l’ordre du vers / dans l’ordre des choses : encore confusion, dérèglement. Mise en valeur du nom.

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51-4 : déification sacrilège d’Hippolyte. Ici métaphore de la divinité de l’amour prise au pied de la lettre. Nom magique : normalement c’est le dieu de l’Ancien Testament que l’on ne peut nommer => ici encore Hippolyte prend la place de Dieu. 55-6. « Je l’évitais partout » = réaction décidée (un hémistiche). Phèdre suit à la ligne les prescriptions habituelles (voir les Remèdes de l’amour d’Ovide) pour oublier l’amant, à savoir s’éloigner de lui. Mais échec : Phèdre voit Hippolyte dans la figure même de son père Thésée. L’échec de Phèdre est aussi désaveu cinglant de toute une morale de l’amour, fondée sur la maîtrise de soi, la civilité, la volonté, la soumission du corps à l’esprit : « mes yeux » le voyaient => contre son gré, ses décisions. Elle ne peut pas faire autrement. « misère » : malheur mais aussi déchéance de la condition humaine.

Troisième mouvement : l’échec de l’exil politique. 57-70. Nouvelle solution : l’exil, solution politique elle aussi soumise à l’échec. Ici hasard forme bien le nom de la fatalité : Hippolyte est ramené par son père de son exil. Phèdre a tout de même lutté, elle n’a pas été complaisante vis-à-vis de sa passion. Seulement, les moyens humains sont trop faibles pour lutter. 57-8. Décision stoïcienne, généreuse, comme une Chimène. Le mot « persécuter » annonce la malédiction paternelle qui poursuivra et tuera Hippolyte. 59-62. « Idolâtre » : foi détournée. Amour est vécu sur le mode majeur de la dévotion, mais mal dévotion idolâtre. Vocabulaire religieux fonctionne à la fois comme une métaphore intensive (amant = un dieu) et comme le marqueur d’un détournement de la foi (« idolâtre ») => mise en avant de la fatalité de l’amour et du désordre, dérèglement qu’il instaure dans le rapport à Dieu. « Ennemi » : écho à 37, reprise et variation => Hippolyte « thème » musical. Paradoxe de l’alliance « ennemi » et « idolâtre » :

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