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Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

Par   •  22 Octobre 2018  •  1 731 Mots (7 Pages)  •  778 Vues

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On s’aperçoit donc que Cyrano grâce à ses questions parvient à troubler puis à emporter Roxane dans une profusions de métaphores qui, oblige Cyrano à employer un langage poétique.

Enfin, la virtuosité de Cyrano lui permet de séduire Roxane en usant de procédés et de tours poétiques. Les rimes internes, les résonances et les allitérations ainsi que les répétitions rythment la scène et confèrent une musicalité envoutante aux paroles de notre séducteur. « Quitté » rime ainsi avec « glissé », accentuant l’équivalence entre les deux expressions qui composent ce vers. L’assonance en « i » dans la première réplique de Cyrano – « insensiblement », « quitté », « badinage », « glissé », « glissé », « sourire », « soupir » (2 fois), « glisser », « insensible », « il », « n’y », « frisson » - annonce peut-être la célèbre métaphore de la réplique suivante qui fait du baiser « un point […] sur l’i du verbe aimer ».

De plus, Cyrano utilise de savantes gradations pour structurer son texte comme le montre l’analyse des exemples suivants. Les vers constituant la seconde réplique de Cyrano sont construits de la même manière, un substantif complété par une relative ou un participe, pour conduire Roxane du « serment »au « baiser » qui scelle l’union des deux âmes amoureuses : c’est ainsi qu’un premier vers définit le baiser comme « un serment fait d’un peu plus près » tandis que les derniers vers de la réplique font de lui la traduction charnelle d’une union spirituelle par le biais de métaphore qui associent le corps et l’esprit : « se respirer le cœur » et « se gouter, au bord des lèvres, l’âme ! »

Ces gradations et métaphores participent au lyrisme de cette scène mais cet extrait comprend aussi du registre comique et pathétique.

II – Le rôle des registres dans l’originalité de cette scène.

L’originalité de cette scène ne repose pas entièrement sur la stratégie de Cyrano. On peut ainsi dire que cette singularité repose aussi sur le mélange des registres comique, lyrique et pathétique :

Tout d’abord, cette scène se rattache au registre comique. En effet, l’auteur met les personnages dans une situation comique avec un quiproquo car Roxane pense dialoguer avec Christian mais il se trouve qu’elle parle avec Cyrano, ce qui contribue à créer un comique de situation comme aux vers 25/26 : « Et tu es Beau comme lui ! C’est vrai je suis beau j’oubliais ! ». De plus, Cette scène d’amour entre Roxane « s’avançant sur le balcon » et, en bas, Cyrano lui déclamant son amour n’est pas sans rappeler une scène culte de la littérature : la scène du balcon dans Roméo et Juliette de Shakespeare. L’allusion à Roméo et Juliette participe aussi au registre comique mais on retrouve aussi le même registre lyrique comme nous le montrerons ci-après ;

En effet, on retrouve dans cet extrait les marques du registre lyrique comme les interrogations rhétoriques ou bien les rythmes amples. Ainsi, le dialogue entre Roxane et Cyrano est l’exemple même du registre lyrique avec ses répliques poétiques et ses métaphores, désignant un baiser, si poétiques : « Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer » ou bien « Une façon […] d’un peu se gouter, au bord des lèvres, l’âme !» Cependant, le lyrisme de cet extrait ne parvient pas à masquer le profond désarroi de Cyrano.

En effet, la tristesse de cet extrait est liée à l’opposition entre la beauté morale et intellectuelle de Cyrano et sa laideur physique qui lui interdit de connaître un amour partagé. Dans cet extrait, le fait que Cyrano aide son rival à séduire Roxane participe grandement au registre pathétique. De plus, le dénouement de la scène est heureux pour Christian et Roxane, mais Cyrano quant à lui se considère au vers 32 comme Lazare : « Baiser, festin d’amour dont je suis le Lazare ! ». L’originalité de cette scène est donc liée tant à la stratégie de Cyrano qu’au rôle des registres.

Conclusion

Cyrano éblouissant de verve parvient ainsi, dans cette scène, à séduire Roxane qui tombe littéralement sous le charme de ses mots et laisse Christian lui voler ce baiser qui scelle leur amour. C’est la parole poétique et inspirée du héros qui élève Christian au rang d’amant, tandis que Cyrano, qui a permis le bonheur de son rival amoureux, symbolise ici le héros pathétique et même presque tragique, qui émeut le spectateur par son sacrifice à la fois héroïque et désespéré. Cyrano est ici un nouvel avatar de Quasimodo, amoureux de la belle Esméralda, et dont la laideur physique dissimule sa grandeur d’âme, dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Mais cette scène est également comique, qui emprunte certains de ces procédés à la farce et l’humour dont Cyrano fait preuve en se moquant de lui-même fait de lui un personnage moderne. In fine, c’est bien ce mélange des registres qui inscrit la pièce d’Edmond Rostand dans la modernité théâtrale.

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