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Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III Scène10

Par   •  6 Mai 2018  •  1 433 Mots (6 Pages)  •  1 281 Vues

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vers. L’assonance en « i » dans la première réplique de Cyrano – « insensiblement », « quitté », « badinage », « glissé », « glissé », « sourire », « soupir » (2 fois), « glisser », « insensible », « il », « n’y », « frisson » - annonce peut-être la célèbre métaphore de la réplique suivante qui fait du baiser « un point [...] sur l’i du verbe aimer ». Cyrano emploie des rimes, cela nous justifie la présence de la versification.

Les vers constituant la seconde réplique de Cyrano sont construits de la même manière, un substantif complété́ par une relative ou un participe, pour conduire Roxane du « serment » au « baiser » qui scelle l’union des deux âmes amoureuses : c’est ainsi qu’un premier vers définit le baiser comme « un serment fait d’un peu plus près » tandis que les derniers vers de la réplique font de lui la traduction charnelle d’une union spirituelle par le biais de métaphores qui associent le corps et l’esprit : « se respirer le cœur » et « se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! ». Cyrano emploie donc un langage très poétique pour charmer Roxane, mais en s’appuyant sur le son i pour justifier ses idées et nous verrons dans la seconde partie comment l’originalité de cette scène tient aussi au mélange des différents registres.

Edmond Rostand a réussi dans cette œuvre à mélanger les différents registres avec originalité, les registres lyriques, comiques et pathétiques et nous verrons respectivement, comment l’auteur a-t ‘il procéder.

Tout d’abord, on retrouve le registre lyrique qui permet de montrer les sentiments et c’est celui le plus employé dans cet extrait, avec le vocabulaire de l’amour qu’utilise Cyrano pour séduire Roxane : « Baiser », « Un serment », « aimer », l’utilisation d’une forte ponctuation : « et du soupir aux larmes ! », « Des larmes au baiser il n’y a qu’un frisson ! » ainsi que des diverses métaphores et comparaisons vues précédemment tel que : « Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer » qui permettent de refléter les sentiments de Cyrano à l’aide de tous ces procédés mais également par son langage poétique.

Puis le registre comique permet de dédramatiser la situation de cette scène où Cyrano aide Christian pour séduire la jeune femme alors que lui-même est tombé sous son charme, en l’aidant à monter sur le balcon, le niveau de langue le prouve mais également le jeu sur les sons et les répétitions, avec les rimes en i vues également précédemment « insensiblement », « quitté », « badinage » et « soupir » qui a été répété deux fois. L’auteur veut rendre cette scène comique non-seulement pour rendre la situation de Cyrano moins triste mais aussi pour critiquer son comportement face à ce dilemme.

Enfin, le registre pathétique inspire des émotions tristes au lecteur devant des situations improbables voire inhumaines pour cela le lyrisme est utilisé avec son registre ainsi que le champ lexical de la souffrance et du désespoir : « épouvantement », « larmes », « triste ». Les nombreuses phrases exclamatives permettent de renforcer cette tristesse éprouvée par Cyrano : « Du sourire au soupir, et du soupir aux larmes ! », « Aïe ! au cœur, quel pincement bizarre ! ». Ce registre a pour but de montrer que le personnage de Cyrano subit une situation difficile et donc permet au lecteur d’éprouver de la compassion pour le jeune homme.

Cyrano, éblouissant de verve, parvient ainsi, dans cette scène, à̀ séduire Roxane qui tombe littéralement sous le charme de ses mots et laisse Christian lui voler ce baiser qui scelle leur amour. C’est la parole poétique et inspirée du héros qui élève ainsi Christian au rang d’amant, tandis que Cyrano, qui a permis le bonheur de son rival amoureux, symbolise ici le héros pathétique et même presque tragique, qui émeut le spectateur par son sacrifice à la fois héroïque et désespéré́. Cyrano est ici un nouvel avatar de Quasimodo, amoureux désespéré́ de la belle Esméralda, et dont la laideur physique dissimule la grandeur d’âme, dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Mais cette scène est également comique, qui emprunte certains de ces procédés à la farce et l’humour dont Cyrano fait preuve en se moquant de lui-même fait de lui un personnage moderne. In fine, c’est bien ce mélange des registres qui inscrit la pièce d’Edmond Rostand dans la modernité́ théâtrale.

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