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Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

Par   •  19 Octobre 2018  •  1 759 Mots (8 Pages)  •  612 Vues

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2. L’ascension de tout les personnages.

Ensuite, nous constatons une ascension crescendo permit par les éloges de Cyrano. A l’ascension physique de Christian qui enjambe les balustres pour atteindre le balcon répond la savante progression qui organise le discours de Cyrano. Les questions qu’il pose à Roxane illustrent ce crescendo. La première d’entre elles, « S’il la brûle déjà, que sera-ce la chose ? », est ainsi destinée à susciter le trouble de son interlocutrice ; la seconde, à la forme interro-négative, est l’équivalent d’une affirmation qui l’oblige à avouer ce trouble : « N’avez-vous pas tantôt, presque insensiblement/Quitté le badinage et glissé sans alarmes /Du sourire au soupir, et du soupir aux larmes ! ». Quant à la troisième : « Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?», il s’agit d’une question rhétorique qui permet au héros d’emporter la jeune femme dans un tourbillon de métaphores qui l’enchantent et la ravissent. De la même manière, Roxane est progressivement élevée au rang de reine. « Un baiser, c’est si noble, madame, / Que la reine de France, au plus heureux des lords, /En a laissé prendre un, la reine même », « J’adore comme lui la reine que vous êtes ».

3. L’emploie d’une langue poétique

Enfin, la virtuosité de Cyrano lui permet de séduire Roxane en usant de procédés et de tours poétiques. Les rimes internes, les assonances et les allitérations ainsi que les répétitions rythment la scène et confèrent une musicalité envoûtante aux paroles de notre séducteur. « Quitté » rime ainsi avec « glissé », accentuant l’équivalence entre les deux expressions qui composent ce vers. L’assonance en « i » dans la première réplique de Cyrano – « insensiblement », « quitté », « badinage », « glissé », « glissé », « sourire », « soupir » (2 fois), « glisser », « insensible », « il », « n’y », « frisson » - annonce peut-être la célèbre métaphore de la réplique suivante qui fait du baiser « un point [...] sur l’i du verbe aimer ».

II Un mélange des registres pathétique, lyrique et comique original.

1.Une situation fondamentalement pathétique.

Le fond même de la situation est pathétique, avec l’opposition entre la beauté morale et intellectuelle de Cyrano et sa laideur physique qui lui empêche de pouvoir être aimé de Roxane. Il est donc obligé de recourir à un masque pour pouvoir au moins déclarer son amour, il semble condamné à jouer la comédie, sans pouvoir confier à quiconque son secret.

La scène du balcon lui offre enfin la possibilité de s’adresser à Roxane de vive voix et de goûter un double plaisir : de dire ce qu’il pense et de mesurer l’effet de sa déclaration ; il oublie alors sa laideur et connaît un moment de bonheur. Il peut enfin dire « je ».

Le retour à la réalité en est d’autant plus rude et pathétique. Le commentaire élogieux de Roxane : « Et tu es beau comme lui… » lui rappel. Le duo lyrique avec Roxane est bien fini : Cyrano est renvoyé à sa solitude, pendant que Christian enlace Roxane.

2. Complétée avec un ton lyrique.

Ensuite, le dialogue entre Cyrano et Roxane est principalement développé sur le ton du lyrisme, avec l’expression de leurs sentiments qui progresse au cours de la scène, qui se caractérise par un passage du vouvoiement au tutoiement, ainsi que de nombreuses métaphores poétiques pour désigner le baiser. En évoquant leurs sentiments intimes, Cyrano tente donc d’obtenir un baiser de la part de Roxane pour Christian et va donc émouvoir le spectateur, tout en montrant une certaine ironie.

3. Un certain humour.

Cependant, il y a aussi certaine touche humoristiques, avec la fausse pudeur de Roxane qui hésite à prononcer le mot « baiser » quand elle reprend son duo avec Cyrano ; son cœur dit « continuez à parler » quand sa bouche dit « Taisez-vous ».

L’autodérision de Cyrano, quand il est « dégrisé », qui donne une touche d’humour, surtout si l’acteur le prononce avec un ton ironique.

L’hésitation de Christian à rejoindre Roxane et les poussées amicales de Cyrano apportent une situation comique plus appuyée. L’apostrophe faussement brutale « Monte donc, animal » montre un contraste avec le ton élogieux lors du discours de Cyrano pour Roxane. Cependant, les hésitations de Christian montrent qu’il n’a pas très bien saisi le véritable sens de ce qui vient de se passer.

Conclusion

Cyrano, éblouissant de verve, parvient ainsi, dans cette scène, à séduire Roxane qui tombe littéralement sous le charme de ses mots et laisse Christian lui voler ce baiser qui scelle leur amour. C’est la parole poétique et inspirée du héros qui élève ainsi Christian au rang d’amant, tandis que Cyrano, qui a permis le bonheur de son rival amoureux, symbolise ici le héros pathétique et même presque tragique, qui émeut le spectateur par son sacrifice à la fois héroïque et désespéré. Cyrano est ici un nouvel avatar de Quasimodo, amoureux désespéré de la belle Esméralda, et dont la laideur physique dissimule la grandeur d’âme, dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Mais cette scène est également comique, qui emprunte certains de ces procédés à la farce et l’humour dont Cyrano fait preuve en se moquant de lui-même fait de lui un personnage moderne. In fine, c’est bien ce mélange des registres qui inscrit la pièce d’Edmond Rostand dans la modernité théâtrale.

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