Commentaire de texte du portrait de Javert, Les misérables, Victor Hugo
Par Ninoka • 28 Août 2018 • 1 658 Mots (7 Pages) • 2 245 Vues
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- d’un équilibre - avec des phases puissamment charpentées et rythmées par des virgules : "du reste, peu de crâne, beaucoup de mâchoire, les cheveux cachant le front et tombant sur les sourcils, entre les deux yeux un froncement central permanent comme une étoile de colère, le regard obscur, la bouche pincée et redoutable, l’air du commandement féroce" "il était stoïque, sérieux, austère ; rêveur triste ; humble et hautain comme les fanatiques"" ; "c’était le devoir implacable, la police comprise comme les Spartiates comprenaient Sparte, un guet impitoyable, une honnêteté farouche, un mouchard marmoréen, Brutus dans Vidocq". Relevons aussi la longue anaphore finale "on ne voyait pas..."
D. On observe également la recherche d’une musicalité expressive : "quand Javert riait ce qui était rare et terrible" : on note ici l’allitération en R qui sonne comme un rugissement. Mais d’autres jeux de sonorités sont à l’œuvre dans, par exemple, "le mouchard marmoréen", dans "ses yeux qui se perdaient sous se sourcils" ses mains qui rentraient dans ses manches", ou dans une clausule retentissante " Brutus dans Vidocq".
III. A travers cet art de peindre, le narrateur renforce la dimension critique du portrait.
A. Celle-ci repose autant sur les affirmations que sur le non-dit : Javert est doté s’une intelligence implicitement limitée soulignée par l’expression "peu de crâne, beaucoup de mâchoire" ou par cette remarquable litote " il lisait, ce qui fait qu’il n’était pas complètement illettré" ! Il fait preuve d’une insensibilité proche de la cruauté : sous couvert de rigueur " il eut arrêté son père s’évadant du bagne et dénoncé sa mère en rupture de ban". Avec ironie, Victor Hugo réduit son humanité à quasi rien "quand il était content de lui, il s’accordait une prise de tabac. Il tenait l’humanité par là".
B. Hugo choisit aussi le principe de l’épanorthose - ou correction : le portrait double suggère d’abord le positif (+), le vite corrigé par le négatif (-) : "quand Javert riait (+) ce qui était rare et terrible" ; "il possédait deux sentiments très simples et relativement très bons (+) , mais qu’il faisait presque mauvais à force de les exagérer" "d’une part il disait : le fonctionnaire ne peut se tromper le magistrat n’a jamais tort". D’autre part il disait "ceux-ci sont irrémédiablement perdus (-)" "rien de bon peut en sortir (-)" "il avait une conscience de son utilité la religion et des fonctions (+) et il était espion (-) comme on est prêtre" " un guet impitoyable une honnêteté farouche (+), un mouchard marmoréen (-) "on ne voyait pas son front, on ne voyait pas ses yeux on ne voyait pas son menton on ne voyait pas ses mains on ne voyait pas sa canne (+), mais on voyait tout à coup sortir un front, une regard, un menton, des mains énormes et un gourdin (-)".
C. Il nous dépeint toutes les caractéristiques d’un individu tourné vers l’extrémisme. Javert avait des sentiments "mauvais à force de les exagérer" ; il respecte "tout ce qui a une fonction dans l’état depuis le premier ministre jusqu’au garde champêtre", il hait "tout ce qui avait franchi une seul fois le légal du mal" "il était absolu et n’admettait pas d’exceptions" ; il professe que "le magistrat n’a jamais tort" que ceux là sont "irrémédiablement perdus. Rien de bon peut en sortir". "Il partageait pleinement l’opinion de ces esprits extrêmes" " toute sa vie tenait en ses deux mots : veiller et surveiller" et ne s’offre "jamais une distraction".
D. Le crescendo dans la négativité est particulièrement visible dans la structure du portrait : qui voit se succéder "la face humaine", "deux sentiments", "l’opinion", avant d’évoquer "toute sa vie tenait dans ses deux mots", "une vie de privations" et le portrait se clôt sur "toute la personne de Javert". Mais cette graduation se voit aussi dans le détail de la description avec "les deux yeux [...] le regard obscur, la bouche pincée et redoutable, l’air du commandement féroce" où l’on note l’allongement progressif de l’expression ; les sentiments croissants "de mépris, d’aversion et de dégoût", la force grandissante des termes désignant "la police comprise comme les Spartiates comprenaient Sparte, un guet impitoyable, une honnêteté farouche , un mouchard marmoréen, Brutus dans Vidocq" ou encore l’apparition brusque "comme d’une embuscade , d’un front anguleux et étroit, un regard funeste, un menton menaçant, des mains énormes et un gourdin monstrueux".
Pour conclure : Dans la galerie des portraits de personnages malfaisants, Javert tient une place particulière, tant Victor Hugo réussit sans jamais l’inclure dans les authentiquement "méchants", à en noircir l’image. Javert le policier devient, lui qui prêtant combattre le Mal, l’ennemu de l’ex-bagnard Jean Valjean. Cela explique l’impossibilité de coexister de ces deux personnages et prépare un dénouement où l’on verra Javert incapable de comprendre que la bonté puisse passer par l’illégalité et que le bien puisse être supérieur
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