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Commentaire Victor Hugo "Ultima Verba"

Par   •  11 Mars 2018  •  1 474 Mots (6 Pages)  •  597 Vues

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des expressions « ta terre », « ta rive » (v. 15 et 17) se dégage une impression de douceur qui fait écho à la « douceur angevine ». Le mot nostalgie est à prendre ici dans son sens étymologique de « désir de retour », comme en témoigne la forte opposition du vocabulaire du départ (« reverrai, s’en vont, tente ») et de la fixité (« croiserai les bras, planterai, resterai, rester, demeurer, être »).Par endroits, le ton et le rythme se font tendre et tristes : la répétition de certains mots, l’anaphore de « Je ne reverrai pas » (v. 15 et 17) qui met en valeur la négation, l’interjection « hélas » (v. 18) ou le vocabulaire de la douleur (« âpre exil », v. 21) font de ces vers une plainte douloureuse. Les sonorités mêmes contribuent à cet effet : les rimes féminines (v. 13, 15, 17…), les « e » muets (à l’intérieur des vers 14, 15, 17), sonorités douces, et le son « s » (v. 13-14, 15 : « sera, cède, persiste, France » deux fois, « douce, triste ») donnent à ces vers un ton nostalgique. Les sentiments passent par de discrètes allusions personnelles : la référence au « tombeau [de mes aïeux] » (v. 16) suggère implicitement celui de sa fille Léopoldine. L’abondance tout au long du poème de verbes, conjugués pour la plupart au futur, inspire un élan et une amplitude à la parole d’Hugo. Enfin, les bras croisés (v. 10), associés au verbe « Je resterai » (v. 20) qui suggère la permanence et la solidité, la solennité du dernier vers évoque une attitude méditative, mais ferme. À travers l’expression de ses sentiments et la force de ses vers, Hugo se pose en figure emblématique du poète engagé dont son l’arme est la parole.

La fréquence du pronom « je » (répété treize fois, le plus souvent en tête de vers) ou de sa forme tonique « moi » témoigne d’une forte présence de l’auteur qui se met lui-même en scène pour mieux affirmer son originalité. Hugo se présente dans la posture du héros romantique-type : il est « debout » (v. 20), les bras croisés… Complétant ce portrait physique, de nombreuses comparaisons soulignent son originalité : il apparaît ainsi sous les traits de personnages très divers, parfois gardien de l’autel du souvenir, sorte de Romain chargé du « culte » de la « République » (v. 1-2) ; parfois prophète Mardochée à travers la mention du « sac de cendre qui [le] couvre » (v. 5) ; parfois héros d’épopée évoquant Achille retiré à l’écart sous « sa tente » (v. 19) ; parfois statue avec « mon pilier d’airain » (v. 12) ; parfois une personne qui profère des malédictions à travers les métonymies de la « voix » et de la « bouche » (v. 6). Ces diverses images composent le portrait théâtralisé et impressionnant d’un être qui change de forme fréquemment et sublime. Le poème progresse sur le mode de la gradation descendante qui focalise le lecteur sur le personnage de Hugo. Hugo joue sur les rimes pour donner plus de force à ce final épique : les rimes masculines sonores en « a » de « Sylla » et « celui-là » qui portent l’accent tonique, s’opposent fermement. Les sonorités orchestrent ce tableau : aux vers 25 et 27, la répétition de la voyelle aiguë « i » (9 occurrences) alliée à des sons forts (« que » répété, « qu’un », « [celui-]là ») met progressivement l’emphase sur le dernier vers, très théâtral.

Cette mise en scène spectaculaire a pour but de montrer que la parole du poète est aussi forte que des actes. Par la répétition du verbe dire (au sens plein de « proclamer », v. 6), Hugo signifie que la parole a un puissant pouvoir sur le monde. La parole dévoile, perce les apparences, renverse l’échelle des valeurs : ainsi, par la puissance du verbe, l’« insulte » deviendra « gloire » (v. 3), ce qu’on « bénit » sera entaché d’« opprobre » (v. 4) ; la réunion de ces contraires dans un même vers matérialise le pouvoir du poète.

La parole du poète est enfin détenteur du futur, synonyme d’espoir et de sa confiance dans l’efficacité de sa mission : les futurs « Je jetterai l’opprobre » (v. 4), « Je serai […] la voix » (v. 5-6) s’opposent au passé ou au présent des « traîtres » qui se soumettent au tyran, celui qui « a plié » (v. 26), ceux qui « s’en vont » (v. 27).

Le changement de la date de composition du poème (2 décembre au lieu du 14 décembre 1852) est significatif : la date choisie, celle du coup d’État, prend une valeur symbolique et révèle l’importance du poème. Hugo, le républicain, se bat avec son arme, les mots, et avec force contre le criminel politique, tout en montrant sa détermination inébranlable, sa destinée unique face à tous. Il s’investit du rôle suprême de modèle : la bouche qui dit « non », par un effet de mise en abyme ou d’emboîtement (v. 6), résonne comme un écho à sa propre

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