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Montaigne - Les essais, chapitre 26, livre I

Par   •  28 Avril 2018  •  1 925 Mots (8 Pages)  •  1 777 Vues

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Dans la lignée de ses prédécesseurs, Erasme, Rabelais, l’auteur reproche l’enseignement obsolète de la scholastique du Moyen-Age et dénonce les habitudes pédagogiques héritées de ces temps obscurs ou l’enseignement n’était que dressage, à l’image des chevaux que l’on « assujetti aux longes ». Montaigne propose une pédagogie novatrice que ne désavoueraient pas nos contemporains. Bien que ce programme ne soit réalisable que dans le cadre d’un enseignement aristocratique fondé sur le préceptorat, on peut faire ressortir les aspects novateurs de la démarche préconisée par Montaigne. Déjà, dans le choix du précepteur. En effet, la notion de « guide » apparaît dès le premier paragraphe, annulant la relation dominant, dominé, maitre/élève, enseignant/enseigné. Le précepteur doit guider l’enfant. La métonymie « âme » pour évoquer l’élève en dit assez long sur l’exigence de Montaigne et l’élévation à laquelle le guide doit amener son disciple. La métaphore équestre filée « il commença a la mettre sur la piste », « il est bon qu’il fasse trotter devant lui pour juger de son allure », « savoir descendre a ses allures puériles et les guider », « en réglant l’allure de sa progression » confirme que le précepteur est, dès le début, conformément a son étymologie, défini comme un ‘’guide’’ qui se met au niveau de l’enfant. IL se doit, de plus, être doté de qualités. Le souhait « je voudrais qu’on fut soucieux de lui choisir un guide qui eut plutôt la tète bien faite que bien pleine » qui sans les opposer malgré le parallélisme syntaxique privilégie l’intelligence (tête bien faite faite) aux savoirs (tête bien pleine) souligne que le précepteur doit savoir avant tout réfléchir. De plus, il doit être pourvu de qualités morales. Le superlatif de supériorité « plus la valeur morale et l’intelligence que la science » le prouve. Ce qui peut paraître novateur de l’élève plutôt que sur l’apprentissage passif. En effet, c’est grâce à ses propres expériences que l’enfant expérimente, découvre, déduit. L’énumération « gouter les choses, les choisir, les discerner d’elle meme », ainsi que le chiasme « quelquefois en lui ouvrant le chemin, quelquefois en le lui faisant ouvrir » corroborent ce propos. En outre, la parole de l’enfant est mise en valeur avant celle du ‘’maitre’’. L’injonction « je veux qu’il écoute sont disciple (l’enfant) parle à son tour » confirme cette idée. Le chiasme « Socrate et depuis, Arcésilas faisaient d’abord parler leurs disciples et puis ils leur parlaient » oppose deux attitudes qui renvoient à ce qui a été montré précédemment. On laisse déjà exprimer l’enfant avant de lui inculquer des vérités toutes faites. En outre, on tient compte, dans cette pédagogie nouvelle, du rythme propre à chaque enfant en lui proposant une forme de pédagogie différenciée. C’est au précepteur à s’adapter à l’enfant et non le contraire. Les antithèses dans « ceux qui (…) entreprennent avec une meme façon d’enseigner et une pareille mesure de conduite de diriger beaucoup d’esprits de tailles et de formes si différentes » suggèrent que chaque enfant a besoin d’une méthode éducative qui lui est propre. Les métonymies « esprits de tailles et formes si différentes » rappellent « l ‘âme » vue plus haut. Les enfants sont nommés comme étant des entités spirituelles. La métaphore hyperbolique ainsi que l’antithèse « Il n’est pas extraordinaire si, dans tout un peuple d’enfants, ils en rencontrent à peine deux ou trois qui récoltent quelques justes profits de leur enseignement »‘’accusent les méthodes éducatives qui ne donnent pas les fruits escomptés. L’image du crible avec ‘’l’étamine’’ (tissu servant à filtrer) illustre un nouvel aspect de la pédagogie de l’auteur. Il s’agit de rejeter le principe d’autorité sur lequel était fondée la pédagogie médiévale. Le précepteur doit proposer, non imposer, présenter un choix d’opinion et non une vérité toute faite. Cette idée permet de dégager l’orientation sceptique de ce passage. Montaigne renvoie dos à dos, Aristote, caution du savoir médiéval et les Stoïciens et les Epicuriens. Le scepticisme récuse toute vérité établie : nos prétendus savoirs ne sont que des opinions contradictoires, révisables, car elles mettent en jeu des valeurs et non des faits. Le choix n’est pas nécessaire ; le doute est érigé en modèle implicite de conduite par la dernière phrase qui sonne comme une maxime au présent de vérité générale : « il n’y a que les sots qui soient sures et déterminés », suggérant ainsi que la conviction, la certitude est témoignage de sottise.

Pour conclure, on peut donc affirmer que la pédagogie proposée par Montaigne est, d’une part, en rupture avec une pédagogie traditionnelle et faisant référence à la scolastique médiévale et que, d’autre part, elle est novatrice grâce aux méthodes proposées dans lesquelles l’élève est au centre des apprentissages. Certes, le système n’est valide que pour les enfants de familles nobles, mais il a le mérite de poser les bonnes questions. Certains pédagogues d’aujourd’hui ne désavoueraient pas Montaigne. D’ailleurs certaines écoles comme Freinet, Montessori ou encore Steiner se font l’écho de ces pratiques novatrices. On peut mettre ce texte en parallèle avec les écrits d’Erasme bien sure et de Rabelais. On songe aussi a un autre écrivain qui s’est penché sur la question éducative Jean jacques rousseau avec l’emile ou de l’éducation. « Que l’élève ne sache parce que vous le lui avez dit, mais parce qu’il l’a compris de lui-même ; qu’il n’apprenne pas la science, qu’il invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l’autorité à la raison, il ne raisonnera plus : il ne sera plus que le jouet de l’opinion des autres »

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