Commentaire composé Montaigne, Les Essais
Par Ninoka • 20 Septembre 2018 • 2 372 Mots (10 Pages) • 557 Vues
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Montaigne s'est appliqué à lui-même ces principes qu’on peut définir comme humanistes ; il a lu Platon, Aristote, les représentants des différentes écoles philosophiques de l'Antiquité gréco-romaine : Stoïciens, Epicuriens, ainsi que des poètes médiévaux comme Dante et s'est fait son propre jugement. Montaigne lui même reprend dans ses essais des pensées d’auteur, notamment antiques conformément à la logique humaniste de réactualiser les valeurs des grands penseurs de l’Antiquité. Il cite dans ce passage Dante et Sénèque. Il use de citations comme bases de la réflexion ou comme simples illustrations de ses dires dans cet essai par exemple ; la citation latine n’ayant été rajoutée que dans l’édition posthume. Mais Montaigne ne se contente pas d’un simple plagiat, puisqu’il n’a pas la sensation de vol, mais au contraire d’un enrichissement par ce qu’il glane à la manière d’une abeille travaillant pour son miel. Par ailleurs, il traduit par là son admiration pour les penseurs antiques. Il s’assimile même à Platon (l.20), et confond leurs deux opinions. La finalité de l’institution proposée est propice à la formation d’un homme à l’esprit ouvert et au jugement équitable, c’est l’honnête homme du XVIIème siècle : « Le gain de notre étude, c'est en être devenu meilleur et plus sage » (l.33). De cette étude et de cette bonne éducation naîtront les récompenses méritées par qui est honnête d‘esprit, comme le montre le champ lexical mélioratif qui achève le paragraphe « honneurs » (l.31) « alliances » (l.31), « gain » (l.32), « meilleur » (l.33). C’est un idéal conforme à celui des humanistes que Montaigne cultive ici, celui de la formation d’un homme honnête. Il souhaite généraliser cet idéal. En effet, par l’écriture de cet essai, il entreprend de diffuser ce mode de formation. Cependant sa conception pédagogique entraîne une sorte de prise de distance avec les auteurs antiques. En effet, il propose de diversifier les références données aux élèves, citant comme traditionnels exemples les noms des philosophes Platon et ceux des philosophies stoïciennes et épicuriennes, affirmant qu’il ne faut pas se cantonner à cela. Par ailleurs, la possibilité même de se réapproprier comme siennes les opinions d’un penseur antique participe à une baisse de la particularité et de la valeur de la thèse de celui-ci. Prolongeant cette idée jusqu’à son paroxysme, Montaigne reconnaît donc à l’enfant le droit d’oublier ses sources. Il affirme que l’ensemble des pensées dont l’élève aura fait l’expérience sera ensuite comme mixé, confondu pour en faire un jugement aiguisé et accompli. Là encore, les auteurs ne sont plus respectés comme tels : « Et qu'il oublie hardiment s'il veut, d'où il les tient » (l.15), l’adverbe « hardiment » traduisant de la nécessité de l’entreprise d’une part et la formule « s’il veut » montrant le peu d’importance que donne Montaigne à ces références, d’autre part. Ainsi il laisse l’enfant en décider à sa guise comme si cela lui était égal. Par ailleurs, on peut constater qu’en filigrane transparait la justification du projet d’écriture de Montaigne. L’auteur, alors qu’il parle du jugement que l’enfant se devra de développer écrit « Ainsi les pièces empruntées d'autrui, il les transformera et confondra, pour en faire un ouvrage tout sien » (l.23-25) où le terme d’ « ouvrage » est suggestif de l’œuvre que constitue Les Essais. Notons que Montaigne, adepte comme on l’a vu des maximes issues des œuvres des Anciens, semble se justifier de l’utilisation de toutes ces références que présente son ouvrage : « Les abeilles pillotent deçà delà les fleurs, mais elles en font après le miel, qui est tout leur ; ce n'est plus thym, ni marjolaine » (l.21-23) et « Car s'il embrasse les opinions de Xenophon et de Platon, par son propre discours, ce ne seront plus les leurs, ce seront les siennes» (l.9-10). Il revendique ainsi son projet qui, loin de n’être qu’un ensemble de pensées d’auteurs, est personnel et le premier du genre : Montaigne présente son ouvrage comme s’il était de « miel ». Rappelons aussi que l’élément clé de l’institution pour Montaigne passe par la formation du jugement, et n’est-ce pas là aussi le point central du projet des Essais par lesquels il s’agit pour Montaigne de peser son jugement et de mettre à l’épreuve sa faculté de penser.
Finalement, Montaigne présente l’enfant comme portant en lui les promesses de l’Homme. L’auteur baignant dans un courant humaniste envisage une institution centrée sur le développement du jugement rompant ainsi avec la tradition médiévale du savoir par cœur. Il fonde cette institution sur les références empruntées aux Anciens et fait l’éloge de l’appropriation de celles-ci par l’élève. Cette pédagogie nouvelle, semble déjà converger vers l’enseignement de la philosophie.
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