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Revue Lamy Droit des Affaires - 2006

Par   •  15 Décembre 2017  •  8 594 Mots (35 Pages)  •  1 334 Vues

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• Attendu que M. Ferrari, liquidateur amiable de la SIVN, reproche à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, que la délégation imparfaite laisse subsister la créance du délégant, la société Elisa, qui n'est pas sortie de son patrimoine, ce qui permet au créancier du délégant, la SIVN, de bénéficier de l'effet attributif de la saisie-attribution qu'il a fait pratiquer entre les mains du délégué ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que les sommes dues par le délégué au délégant au titre des loyers n'auraient pas été saisissables par les créanciers du délégant parce que le délégué demeurait tenu envers le délégataire en vertu de la délégation imparfaite souscrite antérieurement à la saisie, la cour d'appel a violé l'article 1275 du Code civil ;

• Mais attendu que si la créance du délégant sur le délégué s'éteint seulement par le fait de l'exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement ; qu'il en résulte que la saisie-attribution effectuée entre les mains du délégué par le créancier du délégant ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec le créancier saisissant ;

• Attendu que l'arrêt retient donc à bon droit que les sommes dues par le délégué, la société locataire Autopolis, au délégant, la société bailleresse Elisa, au titre des loyers n'étaient pas saisissables par les créanciers du délégant dont le droit de créance qui demeure dans son patrimoine est indisponible à compter de l'acceptation du délégataire ; que le moyen n'est pas fondé,

Par ces motifs :

• Rejette le pourvoi (...)

M. Tricot, prés., Mme Tric, cons.-rapp., Mmes Garnier, Collomp, Favre, Betch, Cohen-Branche, MM. Petit, Jenny, cons., Mmes Gueguen, Beaudonnet, Michel-Ansellem, MM. Sémériva, Truchot, Pietton, Salomon, cons.-réf., M. Lafortune, av. gén. ; SCP Choucroy-Gadiou-Chevallier, Me Blanc, SCP Pascal Tiffreau, av.

Note :

L'énigme serait-elle résolue ? – Par un arrêt du 14 février 2006, la Cour de cassation vient pour la première fois d'affirmer que la créance du délégant sur le délégué est insaisissable, tant que la délégation est pendante. La position de la cour sur le sort de cette créance avant le dénouement de l'opération passait jusqu'à présent pour une énigme aux plus avisés (Ph. Simler, L'énigme sort de l'obligation du délégué envers le délégant tant que l'opération de l'opération de délégation n'est dénouée, in Mélanges Aubert : Dalloz, p. 295). En affirmant l'insaisissabilité de la créance du délégant, la chambre commerciale clarifie sa position et apporte une contribution importante à la compréhension de la délégation de débiteur.

Les faits sont banals. Ayant obtenu condamnation de l'acheteur à payer le solde du prix de vente d'un local professionnel, le vendeur (plus exactement son liquidateur amiable) fait pratiquer une saisie-attribution du loyer auprès du preneur. Mais cette créance est déjà impliquée dans une opération triangulaire : devenu propriétaire du local, l'acheteur a convenu avec son locataire que le loyer serait directement réglé à sa banque. Bien que l'engagement du locataire à l'égard de la banque ne soit pas expressément mentionné, il s'agit en toute vraisemblance d'une « délégation de loyers » : l'acheteur devenu propriétaire (délégant) a délégué son locataire dans le règlement des loyers au profit de sa banque (délégataire). La saisie perturbant le paiement des loyers, le locataire (délégué) et la banque demandent au juge de l'exécution l'annulation de la saisie-attribution. C'est auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qu'ils obtiennent finalement sa mainlevée.

Dans son pourvoi, le créancier du délégant soutient pouvoir bénéficier de l'effet attributif de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du délégué. En vain, puisque la Cour de cassation déclare la créance de loyer insaisissable et approuve la décision de mainlevée.

Avant de trancher la question de droit, la cour reprend, dans un attendu de principe, la solution importante qu'elle avait rendue le 16 avril 1996 (Cass. com., 16 avr. 1996, n° 94-14.618 : Juris-Data n° 1996-001639 ; Bull. civ. 1996, IV, n° 120 ; JCP G 1996, II, 22689, note M. Billiau ; D. 1996, p. 571, note Ch. Larroumet et p. 333, obs. L. Aynès ; Defrénois 1996, art. 36381, p. 1018, note D. Mazeaud ; RTD civ. 1997, p. 132, obs. J. Mestre), en l'adaptant à la saisie-attribution. Elle stabilise ainsi son analyse et confirme que la délégation n'est pas translative : elle laisse survivre la créance du délégant sur le délégué.

Cette certitude acquise laisse toutefois subsister une interrogation : ladite créance est-elle offerte à la convoitise des créanciers du délégant ?

La solution du 16 avril 1996 pouvait conduire à deux réponses opposées. Si la créance du délégant subsiste jusqu'à l'exécution de la délégation, c'est qu'elle n'est pas sortie de son patrimoine et doit dès lors pouvoir être saisie. Telle était la position, retenue par la Cour de cassation dans une décision du 29 avril 2002 (Cass. com., 29 avr. 2002, n° 99-15.072 : Juris-Data n° 2002-014148 ; Bull. civ. 2002, IV, n° 72 ; JCP G 2003, II, 10154, note A.-S. Barthez ; D. 2002, p. 1835, obs. F. B. et p. 2673, note D. Houtcieff ; Defrénois 2002, art. 37607, p. 1239, obs. R. Libchaber ; RD bancaire et fin. 2002, comm. 135, note A. Cerles et 152, note J.-M. D. – V. également CA Paris, 3 nov. 2005 : Juris-Data n° 2005-289183), que développait le pourvoi. Mais une autre issue pouvait aussi être envisagée. Bien que persistant, la créance du délégant subit nécessairement l'effet de la délégation, lequel sans être extinctif déjoue tout de même la saisie-attribution. Voici la solution que, par un revirement radical, retient finalement la chambre commerciale dans cet arrêt du 14 février 2006.

En affirmant l'insaisissabilité de la créance du délégant durant la période précédant l'exécution de la délégation, la Cour de cassation nous livre une indice précieux pour lever le mystère entourant le sort de cette créance. La décision

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