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Le juge a-t-il un pouvoir créateur en matière pénale?

Par   •  17 Novembre 2017  •  3 534 Mots (15 Pages)  •  952 Vues

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Le droit a très largement consacré le principe de la légalité pénale et les auteurs classiques. Tout d’abord au niveau constitutionnel, les articles 6 et 7 de la DDHC consacrent ce principe. Ensuite au niveau supralégislatif, article 7 de la CSDH. Au niveau législatif c’est l’article 111-2 du code pénal, article 111-3. Article 111-4 principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Article 112-1 principe de non rétroactivité.

- Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale

L’interprétation stricte de la loi pénale est un corollaire direct du principe de légalité dont la valeur juridique apparaît bien établie au niveau national et européen.

La légalité impose un texte, la répression pénale doit être prévisible et donc ces principes seraient creux si le juge pouvait se faire une conception large de la loi. Le juge ne doit pas interpréter trop largement les textes, il ne doit pas juger en équité ce qui reviendrait à être dans de l’arbitraire judiciaire « La loi pénale est d’interprétation stricte » (article 111-4 CP). En principe toute personne est censée connaître la loi. Il serait anormal qu’une personne se retrouve sanctionnée lorsqu’elle commet un comportement qui n’est par incriminé par la loi. Le juge pénal, lorsqu’il interprète une loi pénale doit donc se contenter d’en dégager le sens afin de mettre en évidence le champ d’application de celle-ci.

Le principe d’interprétation stricte est protecteur des libertés individuelles car il enferme le juge, il encadre l’action du juge dans « un corset de légalité » et il est protecteur puisque ce principe participe à la prévisibilité de la répression. Si le juge jugeait de manière plus aléatoire, la répression deviendrait moins facilement prévisible.

Cependant on constate un déclin du principe de légalité, certains textes pénaux sont de moins en moins précis. Pour mettre en oeuvre le principe d’interprétation stricte l’attitude du juge dépendra de la clarté du texte devant lequel il se trouve.

- Le déclin du principe de la légalité criminelle avec l’imprécision des textes pénaux

Le juge peut se retrouver face à deux hypothèses, soit le texte est clair, soit il est obscure. Dans les deux cas le juge devra s’adapter pour respecter le principe d’interprétation stricte.

- L’interprétation du juge face à un texte clair

On enseigne classiquement que lorsque l'objet est clair, le juge doit appliquer le texte tel qu'il est. Il ne doit pas l'interpréter car le texte est clair, même si le texte ne traduit pas le sentiment de justice que le juge se fait de la situation. Le juge ne doit pas le déformer, mais il n'est pas privé de pouvoir d'interprétation en réalité. Certains textes clairs nécessitent une interprétation car il faut qualifier les faits. Face à un texte clair, il y a une marge d'interprétation judiciaire.

Par exemple, une jeune femme souffrante et vulnérable, diminuée mentalement et physiquement est enfermée par sa famille dans un placard. Elle est privée d'aliments et de soins de sorte que sa santé physique se dégrade. À la suite de la découverte de sa situation, les membres de sa famille sont poursuivis devant la Cour d'assise de Poitiers au début de 20eme siècle. Il faut trouver une qualification juridique à ce comportement. Une des seules qualifications qui semblaient applicables était l'infraction de violence. Les juges du fond ont du se contraindre à acquitter les auteurs car la loi pénale n'était pas applicable à l'époque. C'est la protection de la liberté qui l'impose. L'infraction de violence n'était pas applicable puisque les violences punissent un comportement positif et non pas une omission. C'est la raison pour laquelle le législateur a été contraint d'inventer l'incrimination de non assistance à personne en danger, Cour d’assise de Poitiers, 1901, affaire de la séquestrée de Poitiers.

L'analogie in favorem est admise, par exemple, l'article 64 de l'ancien Code pénal prévoyait qu'il n'y avait pas de responsabilité pour les personnes démentes, mais ce texte ne visait que les délits et les crimes. Par analogie la jurisprudence dit qu’on peut étendre la démence aux contraventions. Les textes pénaux peuvent être étendus à des situations imprévisibles au moment de la rédaction du texte en raison d'une évolution technologique, d'un progrès technique.

- L’interprétation du juge face à un texte obscure

Il y a plusieurs situations qui peuvent être envisagées. Le texte peut être absurde de sorte que le juge s'interroge sur son pouvoir et sa capacité à lui redonner un sens. Dans cette situation, on admet que le juge peut redonner son sens au texte. L'absurdité n'est pas l’ambiguïté, c’est l’ambiguïté qui est repoussée. Par exemple, un décret du 11 novembre 1917 avait du être rédigé rapidement et il interdisait aux voyageurs SNCF de « descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté. » Cela signifie qu'il faut descendre du train en marche. Un homme est descendu du train en marche et s'est fait poursuivre pour contravention à ce texte. Le juge peut condamner et redonner son sens au texte. La chambre criminelle a été obligée de prendre position dans un arrêt de la Chambre criminelle du 8 mars 1930 et cela a entraîné la modification du texte.

Le texte est polysémique, alors le juge appliquera la méthode téléologique. Il va rechercher le but poursuivi par la loi, il va s'inspirer des travaux réglementaires pour donner un sens à la loi. Si le doute subsiste malgré tout, il conviendrait de retenir le sens qui est le plus favorable à la personne poursuivie. Mais la Cour de cassation ne l'entend pas ainsi et à plusieurs reprises, notamment à la fin du 20eme, a affirmé que le juge pénal ne peut accorder aux prévenus le bénéfice du doute au motif de l’obscurité du texte. Si l'interprétation du texte ne permet pas de dégager un sens certain de sorte que seul un choix arbitraire, aléatoire permettrait de donner du sens au dit texte, alors le juge pénal doit refuser d'appliquer la loi.

On voit donc que le principe de légalité est protecteur des libertés individuelles, il ne permet pas au juge d’avoir un pouvoir créateur de droit. Cependant il faut nuancer ce principe car le juge possède un pouvoir d’interprétation en matière

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