La pertinence de la distinction droit public/droit privé dissertation
Par Ramy • 22 Septembre 2018 • 5 235 Mots (21 Pages) • 825 Vues
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Qu’il soit envisagé de droit romain ou de coutumes françaises, le droit persistait jusqu’alors en tant que droit écrit. Si l’on pouvait entrapercevoir les prémisses d’un droit public dans le droit canonique, c’est non pas dans les droits constitutionnel ou administratif mais dans le droit international ou encore dans le droit concordataire que celui-ci trouva ses rudiments. On invoqua sans doute les « lois fondamentales du Royaume » ou les principes du droit naturel à l’appui de certaines revendications ; on s’efforce d’ailleurs à l’époque par ailleurs de régulariser le fonctionnement de l’administration ; les « légistes » apparaissent et s’efforcent de construire un droit public à l’image du droit privé. Cependant, le caractère juridique des règles ou pratiques suivies par l’administration et le gouvernement — aussi bien pour le Parlement que pour le pouvoir royal — demeure discutable. D’ailleurs, le pouvoir royal argue même que la sphère de l’administration doit demeurer distincte de celle du droit et de la justice. L’existence d’un droit public véritable subsistera équivoque pendant tout l’Ancien Régime. La distinction a été consacrée par l’affirmation solennelle d’une séparation des pouvoirs (loi des 16-24 août 1790 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives »), puis surtout par l’institution d’un dualisme juridictionnel et la création de juridictions administratives séparées des juridictions judiciaires (notamment la création du Conseil d’Etat en 1799). La Révolution française n’a pas entendu modifier le principe de base qui était admis sous l’Ancien Régime, touchant la distinction de l’administration et de la justice. Bien au contraire, la loi des 16-24 août 1790 proclama nettement en législation ce nouveau principe, interdisant aux juges de se mêler d’administration et de juger les litiges dans lesquels l’administration est impliquée. L’administration française est ensuite réorganisée par Napoléon qui lui octroie les cadres logiques et la hiérarchie stricte, rigide qui sont demeurés ses caractéristiques jusqu’à nos jours. Cette scission binaire de l’objet-droit repose sur la vertu et l’ordre, mécanismes mis en place pour lutter contre l’arbitraire et réprimer les abus de sorte que plus que d’imposer un ordre légal nouveau aux particuliers, l’administration doit avant tout donner l’exemple. Les choses sont désormais claires ; en effet, un droit public pourra se développer, l’administration purifiée et réorganisée par la Révolution et par l’Empire sera soumise à des principes juridiques et l’arbitraire en sera écarté. Seulement, et là est la nouveauté également : tout cela s’effectuera en dehors des tribunaux judiciaires : c’est le principe proclamépar le texte fondamental que constitue la loi de 1790.
La distinction du droit public et du droit privé n’est donc pas d’origine ; elle n’apparaît pas avec le droit. Le droit est né de droit pénal, de la coutume et des usages dans les vieux codes d’Ur-Nammu, de Lipiti-Ishtar ou d’Hammourabi.
Une divisio est une opération de partage d’un concept en plusieurs classes. Quant à elle, l’expression summa divisio signifie littéralement « division la plus élevée », « division suprême » et correspond classiquement pour les juristes à la séparation de l’ensemble-droit en deux méta-branches uniques. Dès lors, cette distinction serait la division mère du droit entier. La distinction est un construit de l’ethnologie juridique. Elle procède sans doute uniformément du constat que les intérêts de la Cité, ceux de l’Etat, se distinguent de ceux des personnes privées, encore que l’on passe des uns aux autres sans rupture, par une sorte de continuum et avec des emprunts réciproques qui ne sont pas que de vocabulaire, mais de concret également. Ainsi, la divisio qui n’est sans doute pas une vérité indubitablement éternelle attachée à l’essence même du droit possede une prégnance contemporaine qui n’est que partiellement le fruit d’une histoire ancienne. Cette historicité modeste de la divisio droit public/droit privé peut être un argument à la contestation de la summa divisio.
- La rationnalité moderne de la divisio droit public/droit privé comme confirmation de la pertinence de l’idée de la summa divisio
Léon Duguit expliquait que « dans les sociétés modernes, le domaine du droit est devenu tellement étendu qu’il est nécessaire d’y faire des divisions. C’est la condition indispensable pour étudier avec ordre et méthode les nombreuses règles du droit moderne. » Dès lors, une distinction paraît rationnelle. Élément symbolique de la « Révolution juridique française », l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, complété plus tard par le décret du 16 fructidor an III, interdit aux tribunaux judiciaires de juger l’administration, son fonctionnement et ses relations avec les citoyens. En l’an VIII, furent créés le Conseil d’État et, au niveau local, les conseils de préfecture, recevant compétence pour statuer sur les
litiges administratifs.
Il ne suffit pas d’imposer aux particuliers un ordre légal nouveau, il faut que l’administration soit la première à respecter la loi. Un véritable droit doit gouverner son activité : le droit public doit se développer parallèlement au droit privé. Le Conseil d’Etat, institué en 1800, va être, sur le plan juridictionnel, le principal artisan de ce développement. Aussi l’institution, plus tard, du Tribunal des conflits fut-elle la conséquence logique de cette consécration du dualisme juridictionnel et du besoin de répartir les compétences. On peut retenir deux dates particulières au Conseil d’Etat pour illustrer le développement dans le droit français de la branche nouvelle du droit public. En 1872, il fut admis que le Conseil d’Etat est une institution pleinement indépendante du Gouvernement et qu’il exerce une justice « déléguée », non une justice « retenue ». La portée des textes révolutionnaire à ce sujet était relativement limitée. D’ailleurs, la loi de 1790 ne faisait que défendre aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs » et n’envisageait pas la création d’un autre ordre de juridiction puisqu’il revenait à l’administration elle-même de se charger de son propre contentieux. Puis, c’est avec l’arrêt Cadot en 1889, que le Conseil d’Etat a fait accepter qu’il était juge de droit commun en matière administrative et qu’il n’a donc pas besoin d’un
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