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LE DROIT DANS LES SOCIETES ANARCHISTES

Par   •  14 Mai 2018  •  4 609 Mots (19 Pages)  •  455 Vues

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Les anarchistes se sont toujours montrés hostile au droit produit par les instances étatiques, notamment de la norme législative. Pierre Kropotkine subdivise les lois en trois catégories à savoir la protection de la propriété, la protection de la personne et la protection du gouvernement. Il estime qu’à l’analyse de ces différentes catégories de loi, on aboutit à la conclusion suivante : « inutilité et nuisibilité [12]».

Contrairement à la conception hobbesienne de l’Etat, qui considère que l’homme est par nature mauvais et qu’il faudrait une organisation suprême issue d’une convention sociétale qui aurait le monopole de la contrainte, l’anarchisme est « parcouru d’un “optimisme anthropologique” » qui rendrait inutile la contrainte juridique parce que « l’individu, chaque individu, est essentiellement “bon” », c’est-à-dire sociable et solidaire [13]». Or, pour Pierre Bance, « dans les sociétés modernes, la force du droit, que sa source soit légale, coutumière ou conventionnelle, repose sur l'État, instrument de toutes les dominations ; la fonction du droit est alors comprise négativement, non comme un moyen pour vivre en société mais comme la manifestation illégitime d’un principe d’autorité discréditant la règle juridique pour une société libérée 15». L’organisation d’une contrainte légitime serait donc inutile dans une société anarchiste.

Pierre Bance pense toujours que « la société sans Etat n’est pas une société sans droit [14]», ce qui signifierait que même les sociétés anarchistes reposent sur le droit, mais un droit d’une toute autre nature que le droit étatique. Les sociétés anarchistes acceptent donc le droit, mais récusent tout simplement le droit positif. Le droit des sociétés anarchiques est donc un droit « différent, émanation directe du peuple constituant, la structure, la fait fonctionner, assure sa pérennité [15]».

Il convient dès lors, d’étudier la nature du droit dans les sociétés anarchistes (I) et la manière dont ce droit est appliqué (II).

I. LA NATURE DU DROIT DANS LES SOCIETES ANARCHISTES

S’il est finalement admis par les anarchistes que la société sans Etat qu’ils prônent ne doit pas être une société sans droit, ce droit n’aurait pas la même nature que celui des sociétés étatiques. En effet, il s’agirait d’un droit sans Etat (A), dont le processus de production serait tout autre (B).

A. Un droit sans Etat

Réfutant l’idée de toute organisation étatique, les sociétés anarchistes accordent une place primordiale, sinon le monopole au peuple dans la formation de la règle de droit. En effet, dans les sociétés modernes étatiques, l’élaboration de la règle de droit est un attribut de l’Etat. C’est ce dernier qui a le monopole de l’élaboration de la règle de droit générale et impersonnelle qui s’impose à tous les citoyens. En effet, selon la conception marxiste, proche de la conception anarchiste, le droit étant une fabrication étatique, il est le langage de son maître et la volonté de sa maitresse, la bourgeoisie, d’où le caractère bourgeois de l’Etat et du droit. Cette conception est naturellement partagée par les anarchistes, pour qui, le droit dans les sociétés étatiques, ne pourraient être l’expression de la volonté générale, mais celle de la classe dominante, donc un droit capitaliste.

Les sociétés anarchistes remettent donc en cause le droit étatique car il serait seulement l’expression de la volonté de la bourgeoisie et non l’expression de la volonté du peuple. Elles remettent même en cause la démocratie représentative, car elle ne constituerait qu’une manière pour la classe dominante, c’est-à-dire la bourgeoisie, d’emmener le peuple à légitimer son action. Errico Malatesta par exemple, conçoit mal le fait « d’abdiquer sa propre liberté, sa propre initiative dans les mains d’un petit nombre [16]». Il parlait ainsi de la démocratie représentative, c’est-à-dire du système parlementaire moderne, et fustige le mode électoral, notamment le suffrage universel, en considérant que la participation du prolétariat à l’élection n’est purement que formelle, ce n’est qu’une manière de « consolider le pouvoir de la bourgeoisie[17] ».

Le droit de la société anarchiste sera donc un droit sans Etat, c’est-à-dire un droit qui ne sera pas produit par des institutions étatiques, toutes ces institutions étant appelés à périr avec l’Etat. Ce droit serait alors une émanation directe du peuple, et non de ses représentants comme c’est le cas dans les démocraties représentatives.

Allant à l’encontre des idées préconçues qui identifieraient donc l’anarchie au désordre, à une société sans droit, Pierre Bance, pense que « le mythe d’une société qui échapperait à tout conflit étant rejeté, il faut admettre que le conflit doit être déterminé et l’ordre rétabli ce qui conduit à cette évidence qu’il n’y a pas de société sans droit, que la société anarchiste aura le sien [18]». La société anarchiste n’est pas une société dépourvue de conflits. Et la raison d’être principale du droit étant de régler les conflits que génèreraient les rapports entre les hommes dans la société, indépendamment de son modèle d’organisation, les sociétés anarchistes auraient aussi besoin du droit pour régir les comportements des individus et régler les conflits qui naîtraient des relations entre les individus.

Pierre Bance résume ainsi la nature du droit dans les sociétés anarchistes : « Un droit, expression de la conscience collective qui remplacera le droit de la domination et de la propriété du capitalisme financier ou d’État. Un droit nouveau qui, pourtant, conservera des traits du droit ancien parce que le droit est inhérent à la vie des humains, parce que dans l’héritage de la société passée, la société en construction trouvera des mécanismes juridiques éprouvés [19]». Il reste à résoudre toutefois la question de l’auteur de ce droit et de son processus de formation.

B. Le processus de formation de la règle de droit dans les sociétés anarchistes

Dans les sociétés étatiques modernes, la règle de droit est édictée par les institutions mises en place pour exercer la souveraineté au nom peuple. Ainsi, les sources du droit dans les sociétés étatiques sont le Parlement, qui vote la loi, le gouvernement qui édicte les règlements, et le pouvoir judiciaire qui sanctionne la violation de ces règles de droit.

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