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L'instabilité gouvernementale sous la IIIe République.

Par   •  7 Juin 2018  •  1 753 Mots (8 Pages)  •  356 Vues

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- L’assemblée toute-puissante et révolutionnaire

- La théorie de la supériorité du pouvoir législatif : l’héritage révolutionnaire

En mettant en place les institutions définitives de 1875, les constituants, moitié monarchistes et moitié républicains, se sont inspirés du seul régime parlementaire français : la monarchie de juillet. Le but était alors de trouver un compromis entre monarchie et démocratie, pour rendre la constitution acceptable pour tout le monde — et chaque parti savait parfaitement qu’il la modifierait à son gré une fois au pouvoir.

Les monarchistes ne sont jamais parvenus à dominer la scène politique française, et ce sont donc les républicains qui ont pris le pouvoir définitivement, à partir de 1879.

À partir de là, ils infléchissent le fonctionnement des institutions à leur manière, sans pour autant modifier le texte constitutionnel — l’absence de juge constitutionnel rendant une telle opération inutile. On a pu parler à partir de 1879 d’une « nouvelle constitution ».

La conjonction en effet d’une majorité républicaine dans les deux chambres et d’un président républicain (Jules Grévy) permet de mettre en œuvre la tradition la plus purement révolutionnaire qui soit : la suprématie absolue du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif.

Cette théorie possède une base : le parlement est le représentant de la nation toute entière (directement pour la Chambre des députés, indirectement pour le Sénat) : ses volontés sont donc celles du peuple tout entier, et il est inconcevable qu’un autre pouvoir constitué puisse s’opposer à elles.

Jules Grévy ne dit pas autre chose dans son discours de remerciement aux chambres : « Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ».

La « volonté nationale » primant, loin d’appliquer le parlementarisme dualiste de la constitution, les républicains vont donc orienter le fonctionnement du régime vers un parlementarisme moniste, où le cabinet est responsable devant le parlement uniquement, sans aucun moyen de se défendre.

- L’affaiblissement durable du pouvoir exécutif : un gouvernement livré en pâture aux mouvements des chambres

La constitution avait prévu en 1875 un président de la République doté de prérogatives importantes. La crise du 16 mai 1877, puis la « constitution Grévy » en 1879, ont renversé tout cela, et les responsables politiques français de la Troisième République n’accepteront jamais que le président use de ses prérogatives constitutionnelles, le reléguant à « l’inauguration des chrysanthèmes » selon la formule consacrée, et à une magistrature d’influence.

Le président de la République mis hors jeu, la réalité du pouvoir exécutif retombait sur le président du Conseil, institué à partir de 1876 dans le silence des lois constitutionnelles sur le fonctionnement du gouvernement. Celui-ci ne disposait donc d’aucun pouvoir propre, face aux chambres.

Le droit de dissolution, pièce maîtresse de l’équilibre parlementaire, disparaît après 1877. Les républicains le considèrent comme illégitime, lors même que la constitution l’autorise. Pour eux, il est impensable que le président de la République puisse dissoudre la représentation nationale.

Privé du droit de dissolution, privé de prérogatives propres — le chef du gouvernement ne dispose même pas d’un service administratif pour l’assister —, le pouvoir exécutif, personnifié par le président du Conseil et le ministère, est donc livré aux mouvements des chambres, sans pouvoir y faire face. Ces derniers n’ont aucun moyen de pression sur le parlement, qui ferait contrepoids à la responsabilité ministérielle.

Pire encore, si le gouvernement est nommé par le président de la République — du moins si le président du Conseil est nommé par lui, et les ministres choisis par le chef du gouvernement puis nommés par le chef de l’État —, bien souvent, les partis politiques imposent leurs noms à la tête des ministères, ce qui empêche la création de cabinets homogènes et vraiment solidaires.

Le pouvoir exécutif apparaît donc bien faible dans la pratique constitutionnelle de la Troisième République, alors qu’il disposait de pouvoirs importants dans la lettre constitutionnelle.

In fine, l’instabilité ministérielle sous la Troisième République française procède donc d’un double phénomène : d’une part la fragmentation des forces politiques du pays, qui rend impossible la constitution d’une véritable majorité parlementaire homogène ; d’autre part, la pratique constitutionnelle qui conduit à soumettre le cabinet aux chambres. Privé de la protection du « monarque républicain » qu’était le président de la République — laissé sans pouvoir après 1879 —, issu de coalitions hétérogènes et sans consistance, dépourvu de moyens d’action qui le garantirait contre les entreprises des chambres, soumis sans cesse à une surveillance tatillonne d’un parlement qui se concentre sur son rôle de contrôle, le gouvernement sous la Troisième République est une construction éphémère, qui se créé et disparaît sans cesse, au gré de conjonctures politiques changeantes.

L’instabilité ministérielle n’est pas un problème isolé dans le fonctionnement quotidien de la République. Elle n’est que la manifestation la plus évidente d’une crise généralisée du régime représentatif : les décrets-lois, symbole de l’incompétence du parlement, l’investiture par les chambres de ministère à l’opposé de l’orientation politique donnée par les électeurs (gouvernements de droite par exemple investis par la chambre de 1936, celle du Front populaire), sont d’autres manifestations de la crise politique de la Troisième République.

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