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Devoir d'ingérence humanitaire

Par   •  13 Avril 2018  •  2 803 Mots (12 Pages)  •  323 Vues

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En 1987, un colloque international sur le droit et la morale humanitaires est organisé par la Faculté de Droit de Paris-Sud dont Mario Bettati est alors l’administrateur provisoire, et par Médecins du Monde dont Bernard Kouchner est alors le président. Il se déroule en présence du président François Mitterrand et de son Premier ministre Jacques Chirac. Une résolution est adoptée par tous les participants concluant que « devraient être reconnus, dans un même document international par tous les États membres de la communauté internationale, à la fois le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des États d’y apporter leur contribution »[4]. Cette belle idée, aussitôt traduite, par l’expression de « devoir d’ingérence », présente le droit à l’assistance humanitaire comme un droit de la personne humaine.

Ce texte connaît un certain succès, et les autorités françaises décident d’être son porte-parole auprès de l’ONU. Au fil des discussions diplomatiques, et suivant des agendas politiques bien éloignés des préoccupations des ONG, l’impératif moral envers les victimes est évacué au profit de la possibilité, pour les États, de porter assistance…, c’est-à-dire de recourir à l’argument humanitaire pour justifier une intervention.

Bref, l'interdépendance toujours plus marquée de l'ensemble des Etats, le développement des droits de l'homme et l'émergence d'un principe de solidarité permettent de conclure qu'on ne laisse plus aujourd'hui aux Etats de « droit à l’indifférence ».

En revanche, il serait manifestement abusif de tirer de cela la conclusion d'un devoir d'intervenir par la force en dehors de systèmes de sécurité conformes à la Charte des Nations Unies. L'analyse faite de l'obligation de « faire respecter » le droit international humanitaire contenu dans les Conventions de Genève, en particulier, ne laisse planer aucun doute à ce sujet.

B- Une urgence humanitaire

La notion de devoir d’ingérence a été débattu en 1987, à l’occasion d’une conférence du docteur Bernard Kouchner et du professeur de droit Mario Bettati sur le thème « Droit et morale humanitaire ». Certains estiment qu’un tel devoir a été consacré par les textes : ils s’appuient notamment sur deux résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU)[5] : celle du 8 décembre 1988 (n° 43/131) relative à l’« assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre » et celle de 1990 (n° 45/100) qui autorise l’établissement de couloirs d’urgence. Les exemples d’intervention pour des raisons morales par les États sont nombreux. Dépendant des relations entre les États et leurs alliances, chaque pays essaie à son tour de venir en aide aux populations ayant subi de graves conséquences et une crise humanitaire dû à des catastrophes naturelles. Ainsi, suite aux forts séismes en Haïti qui ont détruit une grande partie du pays et créé des problèmes sanitaires, logistiques et sécuritaires, la France s’est engagée auprès de l’Etat haïtien. Elle a annulé leur dette - qui s’élevait à 56 millions d’euros - et débloqué une aide budgétaire de 40 millions d’euros répartie sur deux ans. L’aide s’est étendue à l’envoi de dix experts pendant deux ans, auprès du Premier ministre haïtien afin d’aider à la reconstruction du pays. Un autre exemple flagrant est l’aide du Canada envers les Philippines suite au typhon Haiyan en 2013. Il a créé un module de fonds, envoyé 319 militaires - la plupart spécialisés sur de l’intervention en cas de catastrophe - qui ont aidé à purifier l’eau, procuré des soins médicaux, distribué de très grandes quantités de nourriture et de kits d’aide humanitaire, entre autres. La politique d’immigration - très restrictive en général - a été assouplie pour les philippins présents sur le territoire, ceux demandant un visa temporaire mais aussi ceux demandant un visa de résidence permanente.

En bref, l’urgence humanitaire nécessite une mobilisation collective, et le devoir d’ingérence humanitaire prône une vive réaction des Etats afin de venir en aide aux populations victimes. C’est dans ce contexte que s’est développer au siècle dernier une multitude d’organisations non gouvernementale (CICR, MEDECIN SANS FRONTIERE, ETC.). Cependant, le devoir d’ingérence humanitaire, en dépit des idées généreuses, qui placent au premier rang des valeurs comme la démocratie ou le respect des droits de la personne humaine, la notion depuis l'origine suscite le questionnement, voire la critique. Ce qui somme toute limite la portée de cette notion.

II - UN CONCEPT LIMITE

Selon le Dr Éric POURCEL[6], la notion même d’ingérence humanitaire n’est pas consacrée en droit positif international le fait d’accoler l’adjectif « humanitaire » au mot ingérence ne rend pas le concept juridiquement plus fort. En réalité, l’idée « d’ingérence humanitaire » n’existe pas juridiquement et n’est pas un droit ou un devoir reconnu. Sans pour autant être aussi catégorique que lui, il est évident que le concept de devoir d’ingérence humanitaire soulève un paradoxe (A) sur le plan juridique et cela suscite de vive controverse sur la scène internationale (B).

- LE DEVOIR D’INGERENCE HUMANITAIRE, UN PARADOXE EN DROIT INTERNATIONAL

Si la nécessité de protéger les droits et libertés fondamentaux, la démocratie ou tout simplement les droits de l’homme est noble en soit, le concept d’ingérence, même humanitaire, demeure un paradoxe. Il s’oppose à des principes fondamentaux consacrés en droit international parmi lesquels celui de l’égalité souveraine.

La souveraineté désigne le droit exclusif d'exercer l'autorité politique (législative, judiciaire et exécutive) sur une zone géographique ou un groupe de peuples vivant en communauté (Etat). Son respect est consacré par la charte des nations unies en son article 2 p 7 qui dispose : « Aucune disposition de la présente charte n'autorise les Nations unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ». La souveraineté est donc par conséquent l'élément essentiel pour l'existence d'un Etat[7]. Le Pacte Briand Kellogg de 1929 en fait son support cardinal dans le mode de règlement des différends entre les Etats. C’est dire à quel point le devoir d’ingérence humanitaire pose problème quant à sa mise en œuvre.

Découlant

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