Commentaire Ligue des droits de l'Homme Conseil d'état de 2016
Par Ramy • 24 Août 2018 • 2 899 Mots (12 Pages) • 589 Vues
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La compétence de police administrative générale se réfère donc au code général des collectivités territoriales mais tend à évoluer en fonction des époques : si originellement l’ordre public représente une trilogie traditionnelle de composantes matérielles, le thème de la moralité est également évoqué par la jurisprudence avec le respect de la dignité humaine dans l’arrêt du Conseil d’État de 1995 Commune de Morsang-sur-Orge et la défense de la moralité publique dans l’arrêt Sté « les films Lutétia » de 1959.
Ici, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet a pris un arrêté dont un des articles, celui 4.3, dispose que « sur l’ensemble des secteurs de la plage de la commune, l’accès à la baignade est interdit, du 15 juin au 15 septembre inclus, à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité […] Le port de vêtements, pendant la baignade, ayant une connotation contraire aux principes mentionnés ci-avant est strictement interdit sur les plages de la commune ». En plus de dispositions législatives du pouvoir de police général, le maire peut se prévaloir de dispositions législatives de pouvoir de police en zone littorale : c’est ce qui lui permet d’édicter l’arrêté attaqué, et puisque la moralité publique fait désormais partie de l’ordre public, il justifie son art 4.3 par son devoir de maintien de l’ordre dans sa commune.
- L’affirmation de la compétence du maire en matière de police des baignades
En raison de l’arrêté pris par le maire et des contestations qu’ils suscitent, le juge des référés du tribunal de Nice vérifie la compétence de l’auteur de la mesure attaquée.
En plus de détenir un pouvoir de police municipal comme vu précédemment, le maire, en vertu de l’article L.2213-23 « exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage de sa commune […] ».
Il résulte donc que les pouvoirs de police du maire s’étendent à la portion du rivage faisant partie du domaine public maritime et « que les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu. » Le juge estime que concernant la police des baignades et l’accès aux plages, l’ordre public est composé de la trilogie classique ainsi que de considérations plus spécifiques comme la sécurité de la baignade, le bon accès du rivage ainsi que l’hygiène et la décence. La décence par ailleurs a été consacré dans deux arrêts appelés « Beaugé » du Conseil d’État de 1924 et 1930 où celui-ci valide l’interdiction faite aux baigneurs de se déshabiller sur la plage et de circuler en tenue de bain, afin d’« assurer le maintien du bon ordre et de la décence ».
En matière des baignades et des activités nautiques, la police administrative relève d’un texte spécifique qui prévoit des interventions adaptées aux problèmes de sécurité que pose le littoral : il est question désormais de la police administrative spéciale ayant pour objet de prévenir les atteintes à un ordre public spécial dans un secteur d’activité déterminé. Les missions de police administrative spéciale sont toujours élaborées par un texte parce qu’elles comportent des restrictions aux droits et libertés plus importantes que celle générale : les libertés publiques sont toutes limités par le maintien de l’ordre, comme tends à le montrer la QPC de 2012, Mickaël K, dans laquelle le Conseil Constitutionnel reconnaît la possibilité de mesure attentatoire aux libertés mais de manière brève et provisoire dans le cadre du maintien de l’ordre public.
Ici, l’article 4.3 de l’arrêté du 5 août 2016 entends « interdire le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade » et donc l’accès aux plages. Il s’agit d’une restriction aux libertés de conscience, de se vêtir et d’aller et venir mais qui selon le juge des référés du tribunal administratif de Nice semble se justifier au regard du maintien de l’ordre public puisque « par une ordonnance du 22 août, le juge des référés […] a rejeté ces deux requêtes ».
- La décision prévisible du Conseil d’État en raison de l’absence effective de risque de trouble à l’ordre public
La décision du Conseil d’État était prévisible : en l’absence de risque de trouble de l’ordre public, l’arrêté restreignant des libertés fondamentales ne peut être justifié (A), le juge des référés effectuant un contrôle de proportionnalité qui va en ce sens (B).
- Une menace de troubles de l’ordre public matériellement trop faible pour justifier la restriction de l’arrêté
Leurs requêtes étant rejetées, « la ligue des droits de l’homme [et] l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre part, font appel de cette ordonnance par deux requêtes qui présentent à juger les mêmes questions ».
Le maire, par les dispositions énoncées auparavant, est donc chargé « du maintien de l’ordre dans la commune » et pour cela, « il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois ». En effet, une mesure de police administrative doit remplir des conditions de fond et de forme pour être légale. Sa forme doit être motivée et procéder d’une procédure contradictoire si elle est défavorable à son destinataire. Sur le fond, la mesure de police administrative doit répondre aux exigences de l’ordre public et doit respecter les libertés selon l’arrêt du Conseil d’État de 1951, Daudignac : une mesure de police administrative générale a un impact sur les libertés mais il doit être proportionné dans le but de s’adapter aux circonstances de la cause. Ainsi, elle peut être illégale si elle a été prise pour un objet autre que la prévention des troubles à la sécurité, salubrité, sûreté publique. Cela se retrouve dans une jurisprudence constante du Conseil d’État qui est celle issue de l’arrêt Abbé Olivier de 1909.
Ainsi, « il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public ». Si l’ordre public
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