Commentaire CJUE, 11 sept. 2014, Groupement des cartes bancaires, Aff. C-67/13
Par Plum05 • 20 Novembre 2018 • 2 255 Mots (10 Pages) • 531 Vues
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Le droit de l’Union Européenne distingue deux catégories de restriction de concurrence : d’une part les mesures qui ont pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur ; d’autre part les mesures qui ont pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Cette dernière catégorie bénéficie d’un allègement probatoire important. En effet, une mesure ayant pour objet de restreindre la concurrence est présumée entrainer des effets anticoncurrentiels. Or, il convient ici de préciser que les condamnations pour restriction de concurrence entrainent régulièrement de fortes amendes à l’encontre des entreprises concernées. C’est la raison pour laquelle il est important de définir clairement la notion d’objet anticoncurrentiel. Dans cet arrêt, la Cour de justice apporte une réponse claire en définissant, dans un premier lieu, les critères de la notion d’objet anticoncurrentiel (I) puis en rappelant que l’interprétation restrictive de cette notion constitue une contrepartie à l’allègement probatoire qu’entraine le régime des restrictions de concurrence par objet (II).
- L’affirmation de l’interprétation restrictive de la notion d’objet anticoncurrentiel
- Le rappel des « critères juridiques essentiels » d’une mesure anticoncurrentielle par objet
Dans un premier temps, la Cour de justice rappelle que pour relever de l’interdiction formulée à l’article 81 du Traité instituant la Communauté Européenne, une décision d’association d’entreprise ou une mesure prise de façon concertée par deux ou plusieurs entreprises, doit avoir pour objet ou pour effet de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Ce faisant, la Cour précise la lettre du Traité en revenant sur sa jurisprudence antérieure. Ainsi, la cour rappelle le principe posé par l’arrêt LTM du 30 juin 1966, et précise que l’examen des effets d’une coordination entre entreprise n’est pas nécessaire si l’objet de cette coordination présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence. Il s’agit là du critère juridique essentiel pour caractériser l’existence d’une mesure anticoncurrentielle par objet. Dans l’arrêt Allianz du 14 mars 2013, la Cour ajoute que des mesures ont un objet anticoncurrentiel lorsqu’elle « peuvent être considérées, par leur nature, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence. » Ici, il apparait qu’une restriction de concurrence par objet ne peut émaner que de la mesure litigieuse appréciée stricto sensu, sans que soient pris en compte les éléments extérieurs, et notamment les effets de la mesures. Dans son arrêt Clair, la Cour précise également que certains comportement, en raison de leur nature collusoire, tels que la fixation des prix, sont susceptibles d’avoir un effet négatif si important sur le jeu de la concurrence, qu’il n’est pas nécessaire de démontrer les effets concrets sur le marché. Ainsi, la Cour semble expliquer que ce n’est que lorsque le caractère anticoncurrentiel de la mesure présente un certain degré de certitude, que la mesure litigieuse doit être considérée comme constituant une mesure de restriction de concurrence par objet.
- Le principe d’interprétation restrictive de l’objet anticoncurrentiel
En jugeant que « c’est à tort que le Tribunal a considéré […] que la notion de restriction de concurrence « par objet » ne doit pas être interprétée de manière restrictive » la Cour de justice affirme expressément le principe d’interprétation restrictive de la notion d’objet anticoncurrentiel. Ainsi, la Cour signifie qu’il existe une différence importante entre restriction de concurrence par objet et restriction de concurrence par effet, selon laquelle tout ce qui est anticoncurrentiel n’est pas nécessairement anticoncurrentiel par objet. Toutefois, plus qu’une simple différence, il s’agit d’une véritable hiérarchie qui sépare les notions de restriction par objet et de restriction par effet dans le sens où le recours à l’objet anticoncurrentiel entraine un important allégement probatoire. C’est la raison pour laquelle la Cour de justice manipule avec délicatesse la notion de restriction de concurrence par objet et interprète l’objet anticoncurrentiel de manière restrictive. Cette interprétation restrictive signifie que la notion d’objet anticoncurrentiel ne s’applique qu’à certains types de mesures et de comportement. Ces comportements ont été progressivement définis par la jurisprudence de la Cour de justice comme des comportements susceptibles de produire des effets anticoncurrentiels présentant un degré de nocivité suffisant.
En l’espèce, la Cour estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le seul fait que la mesure était susceptible de produire des effets anticoncurrentiels était suffisant pour constituer une mesure anticoncurrentielle par objet, sans s’attacher à regarder si l’objet présentait un degré de nocivité suffisant. Pourtant, force est de constater que le critère du degré nocivité suffisant n’est pas particulièrement éclairant, mais il laisse une marge d’appréciation souveraine au juge. En l’espèce, la Cour de justice mentionne explicitement qu’il convient de se baser sur l’expérience pour déterminer si une mesure, une pratique ou un comportement présente un degré de nocivité suffisant pour constituer une mesure anticoncurrentielle par objet. Autrement dit, lorsque se dégage un consensus sur la nocivité d’une pratique donnée, ce consensus constitue une indication utile dans la qualification d’objet anticoncurrentiel.
- L’interprétation restrictive de l’objet anticoncurrentiel, garde-fou de l’allègement probatoire
- L’existence d’un allègement probatoire
Le recours à l'objet anticoncurrentiel permet de condamner les entreprises pour des pratiques dont l'objet est considéré comme anticoncurrentiel, sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer que ces pratiques ont des « effets concrets sur le marché ». Autrement dit, la Cour de justice fait peser sur les acteurs économiques ayant recours à des pratiques jugées par l’expérience comme présentant un degré de nocivité suffisant, une présomption de restriction au jeu de la libre concurrence. Le recourt à la qualification d’objet anticoncurrentiel constitue donc un allègement probatoire important, parfois qualifié de raccourci probatoire. Cet
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