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Compétence et performance

Par   •  27 Avril 2018  •  6 064 Mots (25 Pages)  •  548 Vues

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Il les associe en lui-même selon une alchimie qu'il est très difficile de décoder. D'ailleurs, lorsqu'on demande à un individu comment il a appris à résoudre tel problème, un tant soit peu complexe, sa réponse est en général assez confuse, car il a souvent puisé à une multiplicité de sources, sans que cela se soit fait de manière consciente. Plus le niveau d'expertise est élevé, plus on a en général du mal à répondre à ce genre de question.

Cela conduit à une conséquence pratique : s'il est relativement aisé d'évaluer l'expression et l'application d'une compétence individuelle, dans une situation professionnelle donnée, il est par contre très difficile de comprendre comment elle s'est formée.

Il nous faut donc, nous semble-t-il, porter la plus extrême attention à la circulation et la connexion des connaissances, expertises, expériences, ainsi qu'à la façon dont chaque individu peut s'y frotter au cours de ses itinéraires. C'est dans ces contacts que, pour une large part, ses compétences se développent et se réactualisent.

- La compétence collective :

La seconde piste est plus évidente : dans une équipe ou un réseau de travail, se manifeste une compétence collective qui est plus que la somme des compétences individuelles. Cela s'explique largement par les effets de synergie entre ces compétences et par les interactions sociales qui sont activées au sein du groupe. Tout organisateur sait bien qu'un collectif d'atelier ou qu'une équipe de vente, dès lors qu'il fonctionne bien, s'avère d'une compétence plus élevée que la simple addition de ce que chacun sait au départ. C'est pourquoi ces collectifs sont précieux, au point que le simple départ d'un individu puisse en dérégler le fonctionnement. Les travaux de sociologie et d'ergonomie ont montré que, pour que cette compétence collective puisse fonctionner, il fallait que les personnes se constitue des référents communs, partagent, au moins partiellement, un même langage professionnel, aient des "images opératives" communes, visualisent leurs besoins de coopération, se règlent sur les mêmes objectifs.

Là encore, il est très difficile, et peut-être inutile, de décrypter l'alchimie qui fait qu'une compétence collective se développe et qu'un groupe aboutit à des bons résultats. C'est comme une horlogerie : on voit qu'elle fonctionne, mais on ne connaît pas les multiples réglages fins qui sont à la source de ce bon fonctionnement.

On peut en tirer comme enseignement qu'il faut porter une forte attention à la constitution de ces collectifs et à la préservation de leur bon fonctionnement. Le problème est d'autant plus large et demande d'autant plus d'attention qu'une partie de la compétence collective se forme et circule dans des réseaux de travail, qui dépassent largement la taille d'une équipe.

Par exemple, lors d'un récent grand projet de réorganisation, une entreprise de télécommunications a, du fait de la forte et brutale mobilité qu'il en est résulté pour les agents, déconstruit une large partie des réseaux informels d'échanges d'information et de travail qui existaient entre les différents services des unités opérationnelles. Il en est résulté une baisse clairement identifiée de l'efficacité du travail et de la qualité de service pour les clients. Et il a fallu plusieurs mois pour que ces réseaux parviennent à se reconstituer.

Notons que cette question de la compétence collective est bien connue des petites entreprises. Lorsque la totalité de l'entreprise fonctionne comme un seul et même collectif, le patron sait bien que le fonctionnement de ce collectif est délicat : il faut qu'une certaine complémentarité et une certaine entente entre toutes les personnes se réalisent. Paradoxalement, plus la compétence collective est forte, plus les compétences individuelles deviennent difficilement substituables. Il est difficile de se passer de quelqu'un et de le remplacer par un nouveau. Il faut donc, à la fois veiller à préserver une telle compétence, mais aussi apprendre à gérer son renouvellement.

- Comment la compétence est venue à la « GRH » :

C'est dans les démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) (Thierry, 1990), que la compétence apparaît au milieu des années 1980, comme pour jeter un pont entre les études prévisionnelles et la préparation d'actions de gestion individuelle. Un peu plus tard, le Centre d'Études et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ) propose la notion d’emploi-type étudié dans sa dynamique" (ETED) pour "anticiper la production des compétences" et reprend la classique distinction entre savoirs, savoir-faire et savoir-être qui se trouve ainsi confirmée (Mandon, 1990). La gestion prévisionnelle des ressources humaines s'éloigne de la visée quantitative et collective, pour entreprendre une approche qualitative et individuelle.

En relation avec le mouvement d'individualisation de la GRH, la notion de compétence occupe une place de plus en plus importante, d'abord dans les grandes entreprises, puis dans les PME (Defélix, Retour, 2003). Le virage est vraiment pris au début des années 1990. Les entreprises semblent devenir plus attentives aux contenus des emplois qu'à la question de leur volume (M. Rousseau, 1993). Comme l'ont noté V. de Saint Giniez et A. Bernard (1996), "le développement des démarches de gestion prévisionnelle s'est progressivement accompagné de celui de la notion de compétence". Toutefois cette évolution ne peut être interprétée uniquement sous l'angle du progrès : la gestion des emplois est moins prévisionnelle, mais à plus court terme, et les responsables des ressources humaines ont une prise réduite sur le contrôle des évolutions des effectifs. Ils changent donc de terrain…

Dans le discours managérial, il ne s'agit plus, comme dans la période précédente, de sortir de la logique des plans de licenciement, mais de "gérer l'incertitude" sur l'évolution du contenu des activités, donc des emplois. Les entreprises cherchent plutôt à favoriser l'adaptation à un environnement perçu comme durablement turbulent et à développer l'employabilité de leurs salariés (sur cette notion voir Gazier, 1990) :

- en interne, par le développement de la polyvalence,

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