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Ch Com, 10 juill. 2007

Par   •  4 Juillet 2018  •  2 380 Mots (10 Pages)  •  592 Vues

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la force obligatoire du contrat sur le principe de bonne foi

Malgré l’instabilité doctrinale, ce n’était pas la première fois que la jurisprudence faisait prévaloir la protection du, comme l’appelle Aynès, « cœur du contrat » . Ce sont dans des cas comme ceux du 18 février 1992 , dans lequel la Cour de cassation a reconnu la mauvaise foi des créanciers dans l’exercice de leurs prérogatives contractuelles, sans cependant ne pouvoir reconnaître celle des débiteurs car elle leur était permise par le contrat, ou encore du 17 janvier 2007 , où elle a affirmé, malgré la mauvaise foi de ce premier, que « l’acquéreur n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis », que la Cour de cassation amorce la position qu’elle a confirmée le 10 juillet 2007.

C’est dans son communiqué paru peu de temps après la décision que la haute juridiction a expliqué les motivations de la solution, indiquant que la source doctrinale elle laquelle elle a puisé repose principalement sur Les Obligations de Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck , ou encore sur celle d’Ancel . Elle y affirme alors que le « créancier, même de mauvaise foi, reste créancier et le juge ne peut, au seul motif que la créance a été mise en œuvre de mauvaise foi, porter atteinte à l’existence même de celle-ci en dispensant le débiteur de toute obligation ».

La jurisprudence ultérieure saura reconnaître l’importance de cette décision et de la règle qu’elle aura créée : l’arrêt du 9 décembre 2009 en reprend la formule exacte , prouvant que la notion consacrée dans cet arrêt est efficace en application, tout en laissant au juge la possibilité de juger des abus de mauvaise foi de la part des cocontractants.

C’est donc par l’affirmation d’un principe éclairant le droit positif que la chambre commerciale de la Cour de Cassation fait prévaloir la force obligatoire du contrat sur le principe de la bonne foi ; cette décision permettant de recadrer les concepts envisagés ci-dessus cherche à instaurer une limitation de l’activisme judiciaire qui aurait pu laisser trop de place à l’interprétation du juge.

II. Une limitation de l’activisme judiciaire

Pour limiter l’immixtion déraisonnable du juge dans les contrats, la Cour de cassation, par cet arrêt, limite la sanction pour mauvaise foi aux prérogatives contractuelles (A). Elle prend ce parti dans le but d’assurer une plus grande sécurité juridique (B).

A. Limiter la sanction pour mauvaise foi aux prérogatives contractuelles

La sanction pour mauvaise foi prévue par l’alinéa 3 de l’article 1134 du Code civil vise à permettre l’annulation de clauses particulières en l’effet pour permettre une plus grande justice dans le contrat. Ce retrait d’un droit ou d’une obligation du contrat était déjà utilisé pour différents types de clauses, telles que les clauses résolutoires (convention prévoyant la résolution de la vente en cas de non-paiement du prix dans le terme convenu) ou les clauses d’agrément (procédure par laquelle les associés de certaines entreprises peuvent refuser la cession d’actions à une personne) . Ancel affirmera cependant que ces clauses ne sont que « des prérogatives accessoires que l’on doit distinguer de la substance-même du contrat » , différentes des prérogatives substantielles qui en forment le cœur.

La chambre commerciale vient par cet arrêt préciser la portée des pouvoirs reconnus au juge en matière de sanction de la mauvaise foi contractuelle. Elle le fait sur le fondement d’une distinction entre les simples prérogatives contractuelles, dont l’usage déloyal peut être sanctionné sur le fondement de l’article 1134, alinéa 3, du code civil, et la substance même des droits et obligations nés du contrat, qui ne peut quant à elle être remise en cause sans violation du premier alinéa du même texte . Cette distinction n’est pas inconnue en doctrine : Aynès affirme qu’on ne peut « reprocher au créancier d’être créancier », et que l’usage déloyal s’identifie au détournement de la prérogative, en un usage qui, au fond ou en la forme, surprend la confiance légitime d’autrui » .

C’est donc là que peut s’opérer la sanction pour déloyauté : non sur les droits et les obligations générés par le contrat, mais sur son exécution, comme dans l’arrêt du 8 mars 2005 , condamnant, pour motif de mauvaise foi, le contractant à des dommages et intérêts.

Terré F, Simler P and Lequette insisteront aussi sur le fait que le créancier manque au devoir de loyauté si, « sous prétexte de fidélité dans l’exécution, il impose au débiteur des sacrifices d’importance disproportionnées avec l’utilité du but à atteindre » . C’est donc sur un principe essentiel du droit en général que repose la sanction pour mauvaise foi : la raisonnabilité, le manque d’excès. En bref, ces prérogatives relèvent de la « déontologie du contrat », à une sorte de « code de conduite » du comportement contractuel basé sur la loyauté, la bonne foi, et des principes et vertus similaires .

Si l’exigence de bonne foi contractuelle ne peut permettre au juge de s’immiscer dans le « cœur du contrat » elle reste un concept souple de la justice contractuelle, puisque permettant une sanction des prérogatives contractuelles sur son fondement : cela permet d’accéder à une plus grande sécurité juridique.

B. L’assurance d’une plus grande sécurité juridique.

Cet arrêt appartient à la catégorie des arrêts à « forte connotation doctrinale » , dans le sens qu’il interprète la loi écrite dans son sens propre. Il prend parti pour l’intouchabilité de la substance des droits et des obligations légalement formés lors d’un contrat. L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 26 mars 2013 en recite la formule, démontrant la véritable possibilité d’application de la notion qu’il énonce.

En outre, cet arrêt a un autre avantage que celui de la distinction entre les prérogatives contractuelles et les prérogatives substantielles : il permet de limiter les pouvoirs du juge en tant qu’interpréteur, modificateur voir même créateur des clauses du contrat. Au nom de la sécurité juridique, Stoffel-Munck s’inquiétait de l’immixtion du juge dans les contrats, pouvant alors « exercer un pouvoir modérateur général et incontrôlé qui finirait pas importer le principe même de la force obligatoire » .

Mazeaud a remarqué que « la Cour de cassation a manifestement souhaité canaliser les pouvoirs que le juge peut exercer

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