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Commentaire : Cass. ch. mixte, 6 septembre 2002

Par   •  29 Novembre 2017  •  2 970 Mots (12 Pages)  •  1 387 Vues

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Refuser de voir dans la publicité envoyée une offre de contrat parce que l'on sait que ce type de société ne les envoie que pour piéger les clients naïfs, c'est offrir une prime au cynisme. Car pour toute personne qui proposerait de fausses offres de contrats à des fins lucratives, on dirait qu'elle n'a pas eu d'intention réelle de contracter, et on refuserait ainsi de donner force obligatoire à son engagement. Ce qui compte, c'est que le destinataire de l'offre, lui, ait pu croire à sa lecture qu'elle était sérieuse.

Le fondement contractuel nous paraît donc avoir été repoussé, dans ce type d'affaires, pour des raisons discutables. Mais ne reste-t-il pas une solution pour agir sur un fondement très classique, celui de la responsabilité délictuelle pour faute ?

B – Le fondement de la faute délictuelle

Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rapporté, la Cour d'appel de Paris s'était placée sur le terrain de l'article 1382 du Code civil pour condamner l'émetteur du courrier publicitaire. Si l'on estime, comme certains, que le terrain contractuel est inadapté, cela semble en effet un choix judicieux. Le fait d'envoyer des documents trompeurs, voire mensongers, revient à adopter un comportement qui s'éloigne à l'évidence du standard du bon père de famille, un comportement contraire aux règles de l'harmonie sociale.

La Cour de cassation, là encore, a parfois validé ce raisonnement. Ainsi, un arrêt de la Deuxième chambre civile en date du 28 juin 1995 (pourvoi n° 93-17738 ; Bull. civ., II, n° 225) a-t-il approuvé les juges du fond d'avoir retenu la faute d'une société ayant expédié un courrier ainsi libellé : « maintenant, c'est sûr, vous avez gagné un deuxième prix au titre du 4e tirage ».

Le problème, toutefois, survient au stade de l'évaluation du préjudice. Dans l'arrêt qui vient d'être cité, les juges du fond avaient accordé un montant de dommages et intérêts identique au gain promis par la publicité, soit 60 000 francs. Dans notre affaire, à l'inverse, la cour d'appel affirmait : « en annonçant de façon affirmative une simple éventualité, la société avait commis une faute délictuelle constituée par la création de l'illusion d' un gain important » . Mais elle poursuivait ainsi : « le préjudice ne saurait correspondre au prix que M. X... avait cru gagner ». Elle attribua ainsi une somme qui n'est pas précisée, mais dont il apparaît clairement qu'elle était nettement inférieure aux 100 000 euros du lot espéré par le soi-disant « gagnant ».

Lequel de ces deux raisonnements faut-il approuver ? L'objet de la responsabilité civile délictuelle est, dit-on, la réparation intégrale du préjudice subi par la victime. Certes, mais en matière délictuelle, cela revient à remettre la victime dans l'état qui aurait été le sien si l'action dommageable n'avait jamais eu lieu. En l'espèce, si la société n'avait pas commis la faute de faire miroiter à M. X. un gain qu'elle n'entendait pas réellement lui verser, celui-ci n'aurait à l'évidence pas été plus riche de 100 000 euros. Mais il n'aurait pas eu à se remettre d'une déception, ayant cru à tort qu'il avait remporté cette somme. Voici ce qu'a réparé la cour d'appel dans notre affaire, et son raisonnement doit être approuvé si l'on choisit de se placer sur le terrain délictuel. Il ne devrait pas être possible de procurer, par ce biais, le gain espéré.

Nous n'étions pas parfaitement convaincus de l'abandon par la Cour de cassation du terrain contractuel. En revanche, il est parfaitement logique qu'elle était abandonné le terrain délictuel, qui ne permettait en toute orthodoxie juridique que d'allouer de très faibles réparations. Si la Haute juridiction souhaitait que soit versé le gain « promis » par la publicité, il lui fallait trouver un autre fondement : ce fondement, c'est celui d'un nouveau quasi-contrat.

II – Le fondement élu : le quasi-contrat

Ce n'est pas la première fois que la jurisprudence prend appui sur l'article 1371 du Code civil pour créer un quasi-contrat. Ce texte, en effet, ne contient aucune liste limitative. Par un célèbre arrêt dit « du marchand d'engrais », la Cour de cassation a créé en 1892 la très importante action en enrichissement sans cause, ou « action de in rem verso ». L'arrêt rapporté est une nouvelle étape dans l'élargissement de la catégorie des quasi-contrats. Il est toutefois difficile d'affirmer qu'il s'agit d'un événement d'une importance comparable à celui de 1892, car sa portée pratique semble plus limitée. De ce nouveau quasi-contrat, il ressort en tout cas que l'illusion créée engage son auteur (A). Encore faut-il qu'elle ait été réellement trompeuse: si, pour une raison ou pour une autre, l'illusion a été dissipée, elle ne produira aucun effet (B).

A – L'effet contraignant de l'illusion créée

Le fondement quasi-contractuel permet de contourner les difficultés observées sur les terrains contractuel et délictuel. Il n'y a pas besoin, ici, de rencontre des volontés, ou d'offre contractuelle claire et ferme. Le quasi-contrat permet d'attacher un effet légal à un fait de l'homme, ici le fait « d'annoncer un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa ». Contrairement cette fois-ci aux solutions rencontrées en matière délictuelle, il n'y pas à raisonner en termes de réparation du seul préjudice subi en raison de la faute commise. L'effet du quasi-contrat est aussi clair que radical : il oblige l'organisateur de la loterie à « délivrer le gain ».

Lorsque le gain annoncé était une somme d'argent, il n'y a pas de difficulté particulière. Lorsqu'il s'agissait d'un gain en nature (appareil ménager, voyage...), on peut imaginer une délivrance en nature ou par équivalent.

La solution dégagée ici par une Chambre mixte de la Cour de cassation a été réaffirmée depuis. Par exemple, dans une affaire postérieure, une cour d'appel avait considéré qu'aucune action n'était

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