Commentaire comparé Faust "cuisine de sorcière"
Par Raze • 13 Septembre 2018 • 2 188 Mots (9 Pages) • 691 Vues
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Ensuite, lors du jeu proposé par le chat, Méphistophélès incarne le monarque : « Dans ce fauteuil, mets-toi soudain, Et prends cet éventail en main, Tu seras le roi des bêtes. » Dans cette phrase déclarative, le terme « bête » est un homonyme ; une bête et un nom désignant un animal, mais aussi un adjectif qui signifie stupide. Ainsi le monarque est le roi des imbéciles, soit le plus idiot.
Par ailleurs, ce jeu de rôle entre Méphistophélès et le chat associe le roi au Mal, puisqu’il est incarné par le diable. Or, Goethe prône l’idéologie rousseauiste, soit, le modèle démocratique.
- la figure de la sorcière
Un autre élément de critique de l’ordre établi est la figure de la sorcière. Certes, en premier lieu, la sorcière est un personnage de conte de fées. Il s’agit de la femme laide, seule, puisque dans l’extrait, sa famille est constituée d’animaux. Puis, elle est vieille comme le souligne Faust : « Mais pourquoi justement cette vieille ?… » ; elle est associée à la méchanceté, et suscite le dégoût comme l’exprime Faust : « Tout cet étrange appareil de sorcellerie me répugne. » Mais la sorcière est aussi significative de la révolte de l’ordre juridique institué par l’homme.
- une stylistique irrégulière
Enfin, la rupture avec les règles classiques stylistiques contemporaines est très marquée dans cette scène du Faust de Goethe. En effet, il y a une alternance entre la prose : « - Méphistophélès : Mon ami, … en est un singulier chapitre – Faust : Je veux le connaître. » Les dialogues entre Faust et Méphistophélès sont rédigés de façon moderne. A contrario, les dialogues entre les animaux et Méphistophélès sont versifiés écrits en italiques : « - Méphistophélès : Je n‘aperçois pas, mes amis, La bonne femme ! - Les animaux : elle est allée, Par le tuyau de la cheminée, Dîner sans doute hors du logis. » Ces strophes n’adoptent pas des modèles de poésie classiques en car le nombre de vers est irrégulier. Le nombre de syllabes s’inspire quant à lui des règles classiques : « Vous avez bien du monde ici ? », réplique prononcée par Méphistophélès, est un octosyllabe par exemple.
Ce mélange entre le classique et le moderne peut être interprété comme une rupture avec le théâtre élisabéthain, et une volonté de modernisation du mythe de Faust.
Goethe veut donc rompre avec le présent en présentant Faust comme un personnage qui incarne un idéal romantique.
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- A la recherche d’un idéal romantique
- la nature
L’une des préoccupations de Goethe est la nature. D’ailleurs, Faust veut en connaître l’essence même. Il veut aller au-delà des connaissances que peut acquérir l’esprit humain, qui est limité par des considérations matérialistes. Ainsi quand Méphistophélès lui suggère que pour rajeunir, il doit vivre simplement : « rends-toi tout de suite dans les champs, mets-toi à bêcher et à creuser…c’est, crois-moi, le meilleur moyen de te rajeunir de quatre-vingts ans. » ; Faust n’adhère pas à cette recette naturelle impérative et rétorque : « Je n’en ai point l’habitude… une vie étroite n’est pas ce qui me convient. » Par conséquent, Faust n’est pas satisfait des potentiels offerts par la Nature. Il en veut plus, ce qu’il recherche est la fontaine de jouvence qui n’existe pas. C’est pourquoi il doit avoir recours à la magie comme le constate Méphistophélès : « Il faut donc que la sorcière s’en mêle. »
Puis, comme tous les héros romantiques, Faust veut trouver l’amour.
- la femme parfaite
Comme chez Marlowe, Faust veut avoir une femme. A la différence que celui de Goethe recherche un idéal féminin. Comme pour sa conception de la nature, l’Amour doit être parfait car Faust est à la quête de l’achevé. Il l’aperçoit son reflet dans le miroir : « la plus belle forme de la femme ! » cette phrase exclamative introduite par un superlatif renforce cette idée de perfection féminine. Il s’interroge même sur son apparence : « Est-il possible qu’une femme ait tant de beauté ! » Pour la première fois, Faust tombe amoureux, et cela l’étonne car il pensait que cela n’arriverait jamais. Puis il se met à douter de la possibilité de l’existence de cet être : « Quelque-chose de pareil existe-t-il sur la terre ? » Cette phrase interrogative traduit une apparition invraisemblable, et même miraculeuse.
Cette révélation pose le problème central des romantiques : la recherche de l’origine.
- L’hypothèse de la religion
Pour Goethe, la religion a une importance indéniable. D’ailleurs le premier indice de cette thématique est la présence des animaux peut évoquer l’épisode biblique de l’Arche de Noé : « Une guenon, assise près de la marmite… Le mâle, avec ses petits... »
Le second indice est la divergence d’opinion entre Marlowe et Goethe. C’est la raison pour laquelle contrairement au Faust de Marlowe, qui ne doit pas faire allusion à Dieu devant Méphistophélès, le Faust de Goethe lève cette interdiction. En effet, dans cette scène, c’est Méphistophélès qui rappelle à Faust que « quand un Dieu se met à l’œuvre pendant six jours, et se dit enfin bravo à lui-même, il en doit résulter quelque chose de passable. » L’adjectif passable vient du fait que Méphistophélès étant le Diable, il ne peut pas idéaliser le travail de Dieu qui l’a déchu. Cependant, il n’est plus l’ennemi de Dieu comme pour Marlowe.
Enfin la pureté que recherche Faust dans la femme fait penser à celle de Marie. D’ailleurs Margueritte, dont s’éprend Faust a une pureté d’âme car elle est religieuse, puis n’a pas perdu sa virginité. (Cette phrase est-elle hors sujet ?)
Conclusion : « Cuisine de sorcière », entre classique et moderne, prose et vers, puis mêlant deux tonalité opposées ; la comédie et la tragédie traduit donc par la variation de ces extrêmes l’esprit des romantiques. Ceux-ci n’ont plus de passé, et n’ont plus d’espoir pour l’avenir ; cela explique la recherche de l’Origine, repère qu’ils ont perdu.
L’oscillation entre ces pôles adverses met en exergue des paradoxes. En l’occurrence, Faust recherche l’amour pur et innocent, pour y parvenir, il a pactisé avec le
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