Commentaire Electre, Giraudoux, acte II, scène 9
Par Plum05 • 16 Juin 2018 • 1 213 Mots (5 Pages) • 1 225 Vues
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et du futur qui renvoient au moment de l’énonciation, néanmoins le passé composé «Et il n’y est pas parvenu.» l.28 insiste sur l’irréversibilité des actes. La tirade du mendiant est parsemée de l’adverbe «Alors» l.1, l.18 et l.25 sous forme d’anaphore qui insiste sur la succession des étapes et de actions d’Égisthe. De plus, la conjonction de coordination «et» revient sans cesse, ce procédé souligne l’accumulation des faits et gestes produits en coulisses. L’auteur a recours à une syntaxe progressive qui marque le développement du récit. Le brouillage temporel est aussi perceptible avec la dernière phrase prononcée par le mendiant «J’ai raconté trop vite. Il me rattrape.» l.32 qui est un paradoxe évoquant le décalage entre l’histoire déjà connue du spectateur et l’action en coulisses qui se déroule au même moment. La complexité du dénouement réside dans cet effet de confusion temporelle.
De plus, le dénouement se fait difficile car les meurtres motivés par la vengeance ne le sont plus. En effet, Oreste et Électre, fils et fille d’Agamemnon et Clytemnestre, décident de venger la mort de leur père en tuant leur mère et son amant Égisthe. Mais lorsqu’Oreste est sur le point d’achever sa mère «Et elle n’appelait ni Électre, ni Oreste, mais dernière fille Chrysothémis» l.11. Clytemnestre cherche à voir sa jeune fille, cela lui donne un aspect innocent auprès d’Oreste qui y voit une autre personne. Ce n’est plus la mère qui a tué son père mais une mère naïve et non coupable. Se rajoute à ce ressentiment, le fait qu’Oreste clos les yeux en frappant, cela traduit une certaine honte de tuer cette femme. Cette contradiction dans la volonté d’Oreste de venger son père rend flou le dénouement de la pièce.
L’irruption de l’ironie et du grotesque perturbe le dénouement. Les registres pathétique et tragique attisent la compassion des spectateurs et montrent qu’il n’y a plus aucun espoir pour une fin heureuse. Cependant cette fin obscure est ironique car Giraudoux montre une action écrite «pour l’éternité» l.29, il exprime à sa façon les attitudes des personnages avec l’emploi de l’imparfait. D’autre part, dans la pièce de Sophocle, le Choeur est la figure du destin, comme un Dieu mais dans la version de Giraudoux, ce Choeur est remplacé par le mendiant. La modernisation de ce mythe montre que les passions destructrices, la vengeance et la haine sont des sentiments humains, et pas exclusivement affectés aux héros de l’antiquité. Giraudoux rajoute de l’ironie avec la mort de Clytemnestre car il l’a rend innocente, elle a encore une fille et cela inspire de la pitié aux spectateurs. De plus, Oreste n’est plus le héros, en effet il arrive pour venger son père, cependant il tue sa mère avec un sentiment de culpabilité. Giraudoux rend ce sacrilège comme un sacrifice d’innocent. En outre, Clytemnestre est totalement dévalorisée car un certain cynisme est présent quand celle-ci est trop lourde pour servir de défense à Égisthe. Ce mélange de registres donne au texte un autre aspect de dénouement qui se confronte à l’efficacité de cette fin.
Électre de Jean Giraudoux présente un dénouement percutant mais complexe. Entre choix de personnages, récit sanglant, effets visuels, brouillage temporel, meurtres non voulus et irruption du grotesque nous avons vu que cette scène répond aux caractéristiques d’un dénouement traditionnel, cependant l’auteur a fait le choix de compliquer cette fin. Pour continuer l’étude de ce meurtre, nous pouvons nous pencher sur la peinture Oreste tuant Égisthe et Clytemnestre réalisée par Bernardino Mei en 1654. On y voit l’acte sanglant du parricide, Oreste a l’air glorieux, Clytemnestre se débat contre son propre fils qui tente de la tuer et Égisthe est déjà à terre.
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