Commentaire de texte: Le mariage de Figaro, Beaumarchais, acte II, scènes 16 à 19 (1784)
Par Junecooper • 19 Septembre 2018 • 2 457 Mots (10 Pages) • 1 006 Vues
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la même manière. Nous sommes alors face à des stichomythies entre le
comte, la comtesse et Suzanne qui accélèrent le rythme de la pièce et qui en
accentuent le côté comique: “Suzanne: Et moi, Monseigneur?-Le Comte: Quoi,
Madame, vous paisantiez?-La comtesse: Eh! pourquoi non, Monsieur?” (l.24 à 27).
Une énumération dans la réplique de la comtesse souligne aussi la vivacité de ces
scènes: “Je m’ôterai, [...], je me lèverais, je vous remettrai” (l.8).
Nous remarquons ensuite que cette vivacité et ce rythme permettent
finalement à cette scène de prendre une allure comique.
En effet, toute l’intrigue de cette extrait repose sur un quiproquo. Il y a
réellement ici un comique de situation dans la mesure où il y un décalage entre ce
que connaît les personnages, ou du moins ce qu’ils pensent connaître, et ce qui
sait le spectateur. Toute la volonté du comte à surprendre Chérubin dans le
cabinet de sa femme provoque le rire du spectateur car c’est finalement cet
action qui l’humilie: c’est l’arroseur qui est arrosé. Ainsi, l’étonnement du comte ,
exprimé par les didascalies, en voyant que c’est Suzanne qui est dans le cabinet
renforce ce comique de situation: “Le Comte (ouvre la porte, et recule): C’est
Suzanne” (l.15). De plus, son entêtement à trouver le page, même après la
découverte de la femme de compagnie, crée un comique de caractère chez le
comte. Ainsi, il se demande si “peut-être elle n’y est pas seule” (l.19) avant
d’entrer dans le cabinet. Mais c’est aussi par le personnage de Suzanne que le
comique se manifeste dans cet extrait. En la faisant imiter le comte d’un ton
très ironique, le dramaturge use du comique de langage pour amuser le
spectateur: “Suzanne: “je le tuerai, je le tuerai.”, Tuez-le donc, ce méchant
page” (l.16). De même, par les didascalies, ce personnage rompt avec les
sentiments de pitié éprouvé par le lecteur en début de pièce: Suzanne parle
“gaiement” (l.24) au comte.
Ainsi, Beaumarchais nous présente une scène de conflit entre le comte et
la comtesse qui prend vite une tournure comique due au décalage entre ce qui
sait les personnages et le spectateur, ainsi qu’au personnage de Suzanne.
Cependant, loin d’être un simple sujet d’amusement, cette scène expose de façon
indirecte, une critique de la société au XVIIIème siècle.
Nous remarquons, dans un second temps que cette scène comique cache,
en effet, une critique des rapports sociaux de l’époque.
Tout d’abord, au sein de personnage, le rapport de force n’est pas le
même.
En effet, dans la première partie de l’extrait, le comte semble prendre le rôle
de dominant dans le couple. Ce personnage exerce alors un pouvoir sur la
comtesse: il ordonne, elle exécute. Cela est remarquable par ses phrases
injonctives et des didascalies du rôle de la comtesse: “Le Comte: Levez-vous,
Ôtez-vous [...]-La comtesse (se lève et lui présente la clef)” (l.7 et 11). Cette
autorité du comte sur sa femme est le reflet des rapports au sein d’un couple
conjugal à l’époque du dramaturge, où l’homme exerce une emprise importante
sur la femme. De plus, la différence entre les appellations du comte et de la
comtesse souligne l’inégalité qui règne entre eux. En effet, le comte commence
par vouvoyer sa femme “votre chambre” (l.1), “vous la garderez longtemp” (l.1),
“levez-vous” (l.7), puis finit par la tutoyer “Tu es bien audacieuse” (l.7). De son
côté, la comtesse n’a recours qu’à des formules très soutenu et au vouvoiement
pour nommer son époux: “Monsieur le Comte” (l.3), “Monsieur” (l.8), “je vous
remettrai même la clé” (l.9). Les échanges entre ces deux personnages ramènent
aussi à la même perspective de force. En effet, certaines répliques de la
comtesse finissent par des points de suspension étant donnée que le comte la
coupe dans ses paroles: “La Comtesse: [...] votre amour…-Le Comte: De mon
amour! Perfide!” (l.9-10) et “la Comtesse: si je ne vous convaincs pas…- (l.11).
Dans la forme aussi, les répliques de la comtesse sont plus longues que celles du
comte, pour essayer de le persuader d’épargner Chérubin, mais que cela n’a
aucun effet sur l’état d’âme de son mari: “La comtesse: [...] puisse après tout
votre courroux tomber sur moi [...]-Le Comte: Je n’écoute plus rien” (l.11-12).
Ainsi, l’infériorité de la femme et la supériorité de l’homme est clairement
exprimé
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