Pantagruel IV, Rabelais
Par Raze • 7 Novembre 2018 • 1 842 Mots (8 Pages) • 487 Vues
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Assurément, Alcofribas Nasier voue une sorte de « culte » à Pantagruel. Il semble même y avoir dans ce chapitre une mystification du géant. Comme dit précédemment, Pantagruel est associé à bon nombre de mythes et de cultes : tout d’abord à la mythologie gréco-latine avec Hercule (qu’il surpasse aux yeux d’Alcofribas) puis avec des personnages chrétiens comme Samson et les philistins ou encore Og.
L’accent est surtout porté sur la vision historique de Pantagruel. Au début du chapitre est évoqué l’ouvrage de Pline l’Ancien, Des enfantements prodigieux, le narrateur affirme que l’enfant dépasse tout ce qui peut être raconté : « lisez le VII lire de Pline si avés loysir. Mais vous n’en ouytes jamais d’une si merveilleuse comme fut celle de Pantagruel » L’histoire du géant est pour lui la meilleure au monde. On peut également évoquer les chaînes qui lient Pantagruel à son berceau qui sont la source d’éléments que l’on trouve dans le monde des Hommes : elles bloquaient l’accès au port de la Rochelle, à la Maine au niveau d’Angers, et à la Saône au niveau de Lyon. Tous ces éléments tiennent sans doute du fait qu’Alcofribas Nasier est donné comme historiographe. Mais sur de nombreux axes, son rôle semble être déprécié.
François Rabelais semble tourner son narrateur en dérision. Son métier d’historiographe lui confie un certain nombre de missions. Dans le dictionnaire du CNRTL, l’historiographe est défini par : « Celui qui est chargé officiellement d'écrire l'histoire d'un souverain, d'une époque, d'une institution d'État », « celui qui rapporte un fait historique, qui raconte la vie de quelqu'un » ou encore « celui qui décrit, analyse une réalité dans son évolution ». Et c’est ce que fait notre narrateur : il raconte l’histoire du prince Pantagruel et d’Utopie. Mais dans le texte, un certain nombre de procédés pourraient montrer une sorte de critique de l’historiographe : Alcofribas s’autorise tout un tas d’interventions dans le texte qu’il nous raconte. Dès la première ligne, il se place en tête de chapitre avec « Je trouve » alors qu’en tant qu’historiographe il est supposé être objectif et non subjectif. On retrouve quelques interventions de ce type dans la suite du chapitre, par exemple : « comme dict l’hystoire » etc.
On trouve aussi une accumulation de détails, c’est un motif récurrent dans le Pantagruel. Par exemple, il cite tous les pesliers dont Pantagruel a besoin afin de lui faire un paeslon : « furent occupez tous les pesliers de Saumur en Anjou, de Villedieu en Normandie, de Bramont en Lorraine ». Ou encore la liste de tout ce que Pantagruel a croqué de la vache : « luy mangea les deux tétins et la moytié du ventre avecques le foye et les roignons ». Enfin, nous avons toute une partie sur Lucifer et ses colliques : « Lucifer, qui se deschainoit en ce temps-là, à cause d’une colicque qui le tourmentoit extraordinairement, pour avoir mangé l’âme d’un sergeant en fricassée à son desjeuner ».
Enfin, comme dans la globalité de l’œuvre, le narrateur passe d’un sujet à un autre sans plus de cérémonie. On trouve des messages bibliques, des sortes de documentaires sur le transport du sel ou comment les comorans mangent le poisson, des descriptions techniques sur les postes. Cette succession de changement provoque un questionnement chez le lecteur qui trouve ici un véritable casse-tête herméneutique.
Nous pouvons donc en conclure que l’enfance de Pantagruel est placée sous le signe de la faim et de la force. Nous pouvons faire un parallèle avec la description -bien plus longue- que Rabelais fera de l’enfance de son père Gargantua. Son enfance à lui sera plutôt placée sous le rapport à la scatologie et à la sexualité, il s’intéressera plus profondément au comportement du jeune enfant. Cela traduit une évolution de la vision de Rabelais sur l’enfance. Dans le chapitre que nous venons de questionner, Pantagruel abandonne le monde de l’enfance. Et Alcofribas Nasier nous conte tout cela sur le ton de l’humour gigantal, qui ne va jamais quitter le roman. Pantagruel, après avoir été annoncé comme un nouvel Hercule entre dans la légende au travers d’une série de mythes et d’éléments historiques (parfois revisités) avec lesquels il entretient d’étroits rapports. Mais il semble évident que François Rabelais tourne en dérision son narrateur, Alcofribas Nasier (ce qui n’est autre que l’anagramme de François Rabelais) au travers d’une série de réflexions et de détails qui nourrissent l’herméneutique du texte. Peut-être, au travers de son narrateur, l’auteur souhaite parodier les Hommes de la Renaissance qui cherchent à tout savoir, à interpréter toutes sortes de signes et à tout classifier.
Notes :
Introduction : présence des différentes étapes Estimation : 4/5
Pertinence du plan et rigueur de l’enchaînement Estimation : 2/5
Détail des analyses Estimation : 0/5
Correction de la langue Estimation : 3/5
Estimation 11/20
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