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Exposé Madame Bovary sur "le rien"

Par   •  13 Novembre 2017  •  2 820 Mots (12 Pages)  •  687 Vues

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2. Mais des actions qui ne servent et ne mènent à rien

Cependant, les actions des personnages semblent vouées à l'échec. L'adultère ne mènera pas Emma au bonheur mais la renverra à la platitude du mariage à laquelle elle croyait échapper. Ainsi, ellle et Rodolphe « au bout de six mois […] se trouvaient, l'un vis-à-vis de l'autre, comme deux mariés qui entretiennent tranquillement une flamme domestique » (II, 10). Toutes les actions que l'héroïne entreprendra pour de sortir de l'endettement n'aboutiront pas : Léon refusera de voler de l'argent à son étude pour elle, maître Guillaumin tentera d'obtenir les faveurs d'Emma en échange de son aide, Rodolphe ne lui prêtera pas les trois mille francs qu'elle lui demande. Même des actions secondaires deviennent emblématiques de cette spirale de l'échec : l'opération ratée du pied-bot est redoublée par l'incapacité d'Homais à guérir l'Aveugle et l'impuissance des docteurs Canivet et Larivière lorsqu'Emma s'empoisonne.

3. Le sentiment de l'inaction

Outre les échecs répétés, d'autres éléments favorisent l'impression qu'il n'y a pas d'action dans Madame Bovary. C'est d'abord la construction du roman. Flaubert fait alterner des scènes qui constituent des moments importants de l'intrigue et présentent sur de longues pages un événement qui n'a duré que quelques heures, et de sommaires qui condensent une longue durée en quelques lignes. Cette construction suggère que, hormis quelques moments qui rompent le quotidien, la vie des personnages n'est qu'une succession de jours ennuyeux. De plus, la fin des chapitres est souvent promesse qu'un tournant aura lieu au chapitre suivant dans la vie de l'héroïne mais, dès le début du chapitre suivant, le lecteur est déçu, Emma aussi. Ainsi, à la fin du chapitre 2 de la deuxième partie, le narrateur raconte l'installation du couple Bovary dans sa nouvelle maison, à Yonville, et le chapitre se clôt sur l'espoir d'Emma : « Elle ne croyait pas que les choses pussent se représenter les mêmes à des places différentes, et, puisque la portion vécue avait été mauvaise, sans doute ce qui restait à consommer serait meilleur. » Mais le chapitre suivant raconte la vie monotone à Yonville et la déception de l'enfant né : une fille quand Emma voulait un garçon. Un autre élément donne une impression d'inaction : le récit qui relate des actions se dilue dans les pensées et les paroles des personnages. Flaubert utilise beaucoup de discours indirect libre qui nous fait pénétrer dans les pensées et les rêves des personnages ou encore le discours direct qui nous donne à entendre les dialogues des personnages : le lecteur a ainsi le sentiment qu'ils pensent et parlent plus qu'ils n'agissent. Enfin, les personnages eux-mêmes ont l'impression qu'il ne leur arrive rien, ce qu'ils expriment dans leurs paroles ou leurs pensées.

III. Un livre qui ne repose sur rien

Dans l'expression « un livre sur rien », la préposition « sur » peut également introduire le lieu. Un « livre sur rien » c'est alors un livre qui ne repose sur rien, qui « se tiendrait de lui-même ».

1. Plusieurs sources comme points de départ

Le roman repose pourtant sur des sources. L'intrigue banale provient sans doute d'un fait divers dont Louis Bouilhet et Maxime du Camp, deux amis de Flaubert, lui auraient parlé en 1851 : en 1841, Madame Delamare, femme infidèle et endettée d'un officier de santé de Ry, dans la région de Rouen, s'empoisonne. Comme Charles, M. Delamare l'avait épousée en secondes nooces, après un mariage avec une femme plus âgée qui le laissa veuf. Comme Emma, Madame Delamare laissa une petite fille. Mais M. Delamare se tua alors que le docteur Canivet « ne trouva rien » à l'autopsie de Charles. Le roman doit beaucoup à ce fait divers. De plus, avant de commencer Madame Bovary, Flaubert avait plusieurs projets de livres dont un sur Don Juan. Que ce soit avec Emma qui collectionne les amants, Léon qui a connu de nombreuses grisettes à Paris ou Rodolphe « qui ne doit pas manquer de femmes » selon le batelier qui conduit Emma et Léon (III, 3). On voit que Flaubert a dilué (et dégradé) le donjuanisme à travers ses personnages. Parmi les projets de Flaubert, « l'histoire d'Anubis, la femme qui veut se faire aimer par le Dieu » : on voit qu'ici l'auteur a gardé le thème de l'amour impossible. Dernier projet : « le roman flamand de la jeune fille qui meurt vierge et mystique, entre son père et sa mère, dans une petite province ». Le roman « flamand » est devenu normand mais Flaubert a conservé l'idée de la « petite province » et Emma n'est pas dépourvue d'un certain mysticisme. Enfin, l'héroïne mal mariée aux illusions perdues qu'est Emma s'inscrit dans la tradition de certaines héroïnes de Balzac que l'on trouve dans La Muse du Département (1837) ou la Femme de trente ans (1842).

2. Mais un livre dans lequel les références se diluent

Flaubert a su se détacher de ses sources et nous les faire oublier. Madame Bovary n'est pas n'est pas une héroïne de fait divers : le roman lui confère une dimension tragique. Ainsi Baudelaire écrit d'elle : « Cette femme est vraiment grande, elle est surtout pitoyable […] elle poursuit l'Idéal ». Dans cet univers médiocre, elle se détache des autres personnages. Son milieu (la province monotone, le mari inintéréssant, les amants peu délicats et Lheureux qui ne court qu'après l'argent), c'est la fatalité qui la conduira inexorablement à la mort. Les références au fait divers se diluent donc mais c'est aussi le cas des références au contexte historique. Il n'y a aucune allusion aux révolutions de 1830 et de 1848. On trouve des allusions à l'essor économique de la France sous la Monarchie de Juillet mais elles sont noyées dans le discours pompeux du conseiller Lieuvain lors des Comices (II, 8). Le roman prend ainsi une dimension universelle et se détache de son contexte historique ou géographique (Emma n'est pas normande, elle est provinciale).

3. Un livre qui tient tout seul, sans « attache extérieure »

Le roman qui s'est détaché de ses sources, de ses référents historiques ou géographiques : il tient

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